14 décembre 2012

N° 95 - Sonnet' d'alarme

J'entends que ma radio s'en remet au zodiaque
Des Mayas ! Au dernier jour de leur almanach,
Vendredi vingt-et-un, un bang-big démoniaque
Ruinerait notre monde, excepté… Bugarach,

Modeste bourg audois, près d'un tout petit lac
Et d'un gros pic rocheux aux plissements foutraques ?
Des randonneurs hardis prétendraient tout à trac
Epier parfois là-haut des E.T. z'au bivouac ?

Ce seul bled sur la Terre épargné par le krach
Deviendrait un second Eden paradisiaque…
J'y vais, prudent, demain, louer une baraque.

Avant que tout s'écroule et que le monde craque
Aimeriez-vous sauver, Depardieu ? Cahuzac ?
Un magot ? Confiez le moi, jeudi, dans un sac.




9 décembre 2012

N° 94 - Steel nacht


J'entends à la radio que des matheux anglais, passionnés de trigonométrie sphérique appliquée aux surfaces coniques de révolution, ont établi les équations qui régissent l'harmonie de la décoration d'un arbre de Noël. D'après leurs calculs, la longueur nécessaire et suffisante de guirlandes est le produit de sa hauteur par 13p/8. Par ailleurs, le nombre optimal de boules est égal au vingtième de la taille du sapin multipliée par sa racine carrée de 17, la hauteur étant exprimée en centimètres (les grands-bretons qui s'obstineraient à tout mesurer avec leurs pouces de pieds obtiendraient un résultat décevant). Comme il y a peu de chances pour que ça tombe juste, mieux vaut arrondir au nombre entier le plus proche que de se briser les boules.

Sachons gré à ces chercheurs de consacrer leurs travaux aux problèmes quotidiens et cruciaux de leurs contemporains. Puisqu'ils appartiennent à l'Université de Sheffield, reconnaissons qu'on les imaginait, bien que cette ville en soit le berceau, plus portés sur les arcanes de la sidérurgie que sur ceux de la nativité. Et qu'on aurait plutôt attendu dans cet exercice les experts de la Bethlehem Steel Corporation, en Pennsylvanie. Mais, tous renseignements pris, ce qui reste de cette illustre compagnie se trouve maintenant dilué dans la société Mittal Steel.

Soudain on comprend mieux pourquoi, chez nous, les métallos ont les boules et le premier ministre se fait enguirlander, tandis que notre Sapin reste dans l'ombre ! Alors que les cheminées béantes des fourneaux éteints n'espèrent plus que le Père Noël... Et cela dans une vallée où les anges qui ont donné leurs noms aux moindres villages auraient sans doute volontiers entonné l'hymne… d'acier (oups…) ou chanté, par une belle nuit, une fois encore,

Tu ne connais pas, mais t'imagines
C'est vraiment magnifique une usine
C'est plein de couleurs et plein de cris
C'est plein d'étincelles, surtout la nuit…*


* Extrait de Fensch vallée, de Bernard Lavilliers.

6 décembre 2012


N° 93                    Vidéosurveillance

J'entends à la radio que des Geo Trouvetou bien de chez nous, plus créatifs encore que Gaston Lagaffe, ont inventé un nouveau casque à pointe. Une caméra miniature nichée dans sa protubérance filme à 360° tout ce qui se passe autour et le projette en panoramique sur des lunettes enchâssées dans l'engin.

Je vous laisse imaginer la touche du malheureux cobaye dont cette espèce de bourguignotte coiffe tout le caberlot, en laissant à peine émerger le bout de son nez. Il doit avancer dans la rue avec autant d'aisance et d'assurance qu'un scaphandrier déboussolé dans la soupe de la mer des Sargasses. Et pourtant rien ne lui échappe. Il voit aussi bien ce qui est derrière lui que ce qui est devant, ou à côté. Sa seule difficulté est de faire le tri. Il n'y a à peu près qu'en avançant qu'il peut comprendre où il va.

Tout cela n'est bien sûr qu'une affaire d'habitude et d'entrainement. Il est évident que cette prothèse va vite devenir indispensable à tout un chacun, à une époque où l'on ne fait plus confiance qu'à ses écrans (s'il vous arrive d'aller au musée, vous avez observé que bien des visiteurs y contemplent maintenant les tableaux sur leurs tablettes…). Le premier à avoir commandé un exemplaire de cet accoutrement est Monsieur Montebourg. Non qu'il veuille compléter sa panoplie et s'afficher désormais en morion-marinière-moulinette. Seulement, depuis que son directeur de cabinet a concocté avec Matignon l'accord que vous savez*, mais... dans son dos, il s'est juré, mais un peu tard, de l'avoir à l'œil.

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29 novembre 2012



N° 92              Pacification

J'entends à la radio que, finalement, les adhérents UMP ne vont peut-être pas revoter pour décider ou non de revoter. Alors là je dis : basta, ça suffit, y en a marre ! On ne peut plus travailler ! Voilà déjà dix brouillons de "mots parallèles" jetés au panier en quelques jours !


J'allais proposer de l'organiser, moi, ce foutu référendum. Comme ils n'ont aucune chance de mieux choisir entre un oui et un non qu'entre deux noms, j'avais une solution à cinq bulletins : non / oui, mais pas JFC / oui, mais pas FF / oui, mais pour JFC / oui, mais pour FF. Histoire de rebattre les cartes et de remettre un peu de suspens. Et de ne pas finir encore dans un mouchoir, à quelques centaines de voix près (des pouièmes de dépouillement…) selon qu'on compte les post-it d'Istres ou qu'on zappe les votes de Wallis et Futuna.


Ah, Wallis et Futuna… Deux iles perdues au milieu d'un océan immense. Leur nom semble celui d'un couple de légende, affronté à des navigations interminables, aux tempêtes et aux fortunes de mer… Comme Ulysse et Pénélope, Eurydice et Orphée, ou Paul et Virginie… Deux paradis de coraux, de lagons et de palmiers… Wallis, ô pays de merveilles…


Où l'autre matin, bien plus tôt qu'en métropole, une poignée de militants, avant d'aller pêcher la carangue, a déposé dans l'urne des bulletins qui se sont évanouis en faisant le tour du monde. Ce qui a valu aux organisateurs de la consultation une noix de cocoe d'honneur. Et foutu le bordel dans la République.

Alors que ces électeurs sont d'abord de braves sujets du roi d'Uvea, le Lavelua Kapiliele Faupala, ou du roi de Sigave, le Tui'sigave Visesio Moeliku, ou bien du roi d'Alo, le Tuiagaifo Petelo Fikena. Ah, non, au fait, celui-ci a abdiqué il y a deux ans. La place est libre ! Et son altesse Moeliku a 90 ans… Voilà la solution ! Il faut introniser JFC roi de Mata'tuvu, et FF roi de Kola'tebask. Ils seront à des dizaines de milliers de kilomètres, ils nous foutront la paix et… on les oubliera ?

7 novembre 2012



N° 91          Précision… trompeuse

 
J'entends à la radio, aux petites heures de l'aube, une voix féminine, inconnue et juvénile. Les piliers chevronnés de France Inter sont partis en congés de Toussaint. Ils ont laissé leurs micros aux remplaçants et aux stagiaires… La voix douce et ingénue me chuchote qu'on a trouvé près de Paris le squelette presque complet d'un mammouth. Elle ajoute, pleine d'une déférence admirative, qu'il est "vieux d'au moins cinquante mille ans avant notre ère".

J'écarquille mes ouies : de quelle ère parle donc cette petiote, qui ne doit pas être tellement plus âgée que nos petits enfants ? Elle distinguerait sûrement, elle aussi, au premier coup d'œil, un triceratops d'un megalosaurus, ce qui peut rendre service, mais je parie qu'elle ne saurait dire, elle non plus, si j'ai connu Charlemagne.
Mettons qu'elle pense à l'ère quaternaire. Dans ce cas, son mammouth aurait vécu à l'âge de glace un ou deux, il y a deux millions et demi d'années, plus, donc, cinquante mille ans. Mais comme la fin du pliocène n'est datée qu'à un pliohippus près, la précision me parait un peu superflue...
 
Ne parlerait-elle pas plutôt de l'ère chrétienne et d'un mammouth, pas deux heures moins le quart mais cinquante mille ans BC, AD ou av. JC ? L'intrusion de ce mammouth étant, à mon sentiment, aussi déplacée dans la religion que dans un magasin de porcelaine, on pourrait aussi bien le millésimer avant l'hégire islamique, ou même la genèse hébraïque, tout paradoxal que ce soit. L'écart serait insignifiant…

Non, cette jouvencelle parle de choses qu'elle connait. Elle est passée de l'ère des mobiles à celle des smart-phones, elle vient d'entrer dans celle des tablettes. Avant, c'était la préhistoire et son pachyderme a cinquante mille ans, point.
 
La coquine m'a fait gamberger... Je ne me suis pas rendormi mais son babar m'a fait louper les infos. Je ne saurai pas sur quoi se sont étripés hier les éléphants du PS. J'ignore encore si, aux US, l'âne démocrate a eu raison de l'éléphant républicain. La peste soit des stagiaires !





18 octobre 2012


N° 90              L'alarme à l'œil

 
J'ai entendu à la radio qu'on peut maintenant se faire trucider pour un mauvais regard… En attendant qu'on m'éclaire sur l'aspect de ma prunelle qui pourrait me valoir un sort aussi funeste, je me demande si je ne ferais pas mieux de garder mes yeux dans ma poche.

 Il m'est peut-être arrivé de bredouiller jadis à quelque damoiselle : mourir vos beaux yeux, belle marquise, d'amour me font. Mais défaillir sous un regard, c'est plutôt délectable et l'on ne trépasse pas pour si peu. Sans doute ai-je aussi frémi un jour en m'avisant, comme Marc Lavoine, qu'elle avait les yeux revolver et le regard qui tue. Mais qui est jamais vraiment mort foudroyé d'un cillement ou fusillé d'une œillade ?...
 
A l'inverse, quel regard me faut-il donc porter sur un sujet ombrageux et atrabilaire pour qu'il m'occise pour de bon et m'expédie ad patres, sans autre forme de procès ? Passe encore, si je pose mon regard sur un quidam ou croise distraitement le sien, qu'il me lorgne du coin de l'œil. Je concevrai qu'il me décoche un regard pénétrant et furibond si celui que je lui ai jeté par en dessous était oblique et torve. J'admettrai qu'il me darde un regard de braise ou d'acier si je lui ai fait un clin d'œil de bœuf, de perdrix, de merlan frit ou de Moscou qui n'était pas en face des trous. Je comprendrai même, à supposer qu'elle m'ait tapé dans l'œil, celui qui se serait laissé aller à dévorer ou déshabiller sa compagne, qu'il me le mette au beurre noir sans attendre que je me le sois bien rincé.

 Mais de là à me suriner et m'étriper ! Au motif qu'il ne souffre pas de voir dans mon œil la moindre poutre ou le plus infime fétu ? Ou qu'il n'y tolère ni doigt, ni compas, ni coquetterie ?... Ai-je encore un droit de regard ? Cela m'inquiète... Je ne me résous pas à m'en battre ni tamponner l'œil. Je pourrais par précaution porter des ray-bans ou une cagoule de burqa. Mais puisqu'après avoir exploré ma cataracte on propose de m'en opérer, je vais plutôt opter pour un implant terne, trouble et vitreux, qui me fasse le regard aussi absent, éteint et inexpressif que possible…

13 octobre 2012


N° 89       Poil à gratter

 
J'entends à la radio que notre ancien président s'est mis à la mode* de la barbe de trois jours. Façon Docteur House, What Else, ou Gainsbarre. Le look du bad boy viril qui n'a pas pu se refaire une beauté après avoir été retenu au pieu jusqu'en milieu d'après-midi...

J'ai longtemps été intrigué par les barbes de trois jours. J'imaginais naïvement qu'il fallait cesser de se raser l'avant-veille d'une apparition en public ou d'un passage à la télé ; j'enviais cette aptitude à maitriser son agenda. Je présumais aussi qu'il pouvait en exister de postiches, à plaquer sur un menton glabre.



Je sais maintenant que notre ex prend chaque matin le temps de se tailler soigneusement le poil avec une tondeuse sans sabot (notez bien : sans sabot ; c'est important) réglée pour le calibrer à 2 ± 0.5 millimètres de longueur. Puis de ratiboiser tout ce qui se trouve au dessous de la ligne où son menton rejoint son cou. Enfin d'atténuer le contour de sa barbe en y repassant la tondeuse mais cette fois avec un réglage inférieur d'un cran au précédent. Oui c'est technique, et c'est du boulot… Ca requiert même tellement d'attention que je doute qu'il puisse penser en même temps à la prochaine élection présidentielle, celle de dans cinq ans. D'ailleurs, en affectant de ne plus se raser, ne voudrait-il pas faire accroire qu'il exclut d'ores et déjà tout retour ?

J'en connais qui, s'ils lisaient maintenant par-dessus mon épaule, me souffleraient d'ajouter : peut-être, mais avec le nouveau président, c'est la barbe depuis cent cinquante jours !

 

 * Comme dit l'un de ses copains, la barbe, il y vient.

3 septembre 2012



N° 88              Plus vite chauffeur !

 
J'entends à la radio des signes de grande impatience. On s'inquiète, on s'énerve, on se fait du mouron. On répète à l'envi qu'il est grand temps de s'y mettre ; qu'il faut se réveiller, se dépêcher, s'activer, se grouiller, se magner. On appelle à se décarcasser, se bouger, se remuer le popotin, ventre à terre, maintenant et fissa. On exhorte à mettre la gomme, à écraser le champignon, pied au plancher, à fond la caisse ; à mettre les gaz, plein pot, à fond les gamelles, à toute berzingue ; à actionner le levier du changement… à vitesse grand V.

Il y a quelques jours on se demandait si le patron n'avait pas pris gout au farniente au bord de la grande bleue. Si, pénard, il n'était pas encore à paresser, lézarder, peigner la girafe, glandouiller ou coincer la bulle. A tirer au flan et se la couler douce, à enfiler des perles et se faire du lard en se tournant les pouces. On craignait qu'aux appels trop pressants il ne réponde : 

Aujourd'hui peut-être, ou alors demain.
Ce sacré soleil me donne la flemme
Je déciderai... té : après-demain
Et si je peux pas décider moi-même
Je demanderai à l'ami Sapin
Qui décidera aussi bien lui-même.
Ce n'est pas qu'on soit feignant par ici
Mais il fait si chaud dans notre Midi... (1)


Dieu merci, les dernières nouvelles sont rassurantes,

Car voilà l'gros Bill
Qui rentre au p'tit trot,
Tout le long de l'ile au long de l'eau...
Il va vers la ville
Sans se presser trop
Tout le long de l'ile au long de l'eau...
"Angela ! ... O-ho !
Me voilà !... O-ho !
J'te verrai bientôt
Grâce à mon cheval docile
Qui s'en va d'un pas tranquille
Tout le long de l'ile au long de l'eau." (2)


Il avait juste pris deux semaines de vacances. Normal. Et peut-être adopté la devise de l'empereur Auguste (qui a plutôt bonne réputation dans le métier) : Festina lente ! (3)

Ou reçu ce tweet du poète latin Publius Syrus : "Le temps de la réflexion est une économie de temps."

 
(1) "Aujourd'hui peut-être", une vieille chanson (1946 !) de M. Sicard et P. Durand, interprétée par Félicien Sardou.
(2) "Le Gros Bill", une autre de la même époque, de Francis Blanche et R. Marbot.
(3) Hâte-toi lentement !

22 août 2012


N° 87              Volare, oh, oh…

 
J'entends à la radio que des compagnies "low cost" n'embarquent dans leurs réservoirs que juste assez de pétrole pour voler jusqu'à destination. Sans le moindre baril de sécurité ! Même Air France ! Souvenez-vous : contraint de faire un détour et de se poser en chemin pour faire le plein, un équipage a dû faire la manche auprès des passagers pour payer le pompiste ! On suspecte un essai de bas cout, en coup bas…
 
Il faut en être bien conscient, l'avion c'est d'abord une question de poids. Il faut du kérosène en plus pour emporter le kérosène en trop puis du kérosène en rab pour trimballer le kérosène en plus et ainsi de suite... De toute manière on va faire la chasse aux kilos superflus, tant du côté des compagnies que des tours opérateurs. Pour commencer, le prix du billet dépendra du régime du passager, qui passera sur la bascule à l'enregistrement. Et s'il souhaite disposer à bord d'une petite réserve de pétrole pour parer aux imprévus, il lui faudra présenter sa nourrice et se peser avec elle (prévoir cinq litres par personne aux cent kilomètres). Même chose s'il a vraiment l'intention de manger. On le pèsera avec sa musette : il en aura de toute façon le contenu sur les genoux ou sur l'estomac, ce qui ne change rien pour les réacteurs. Mais si chacun se charge de son casse-croute (comme au bon vieux temps des wagons en bois de troisième classe et des escarbilles…) on pourra se passer d'hôtesses et de stewards. Cela fera quelques quintaux de gagnés.
 
Une autre idée est à l'étude pour les charters : plutôt que de s'encombrer pendant deux semaines, une fois sous les cocotiers, des vêtements chauds portés pour gagner l'aéroport, on les laissera en consigne. On se couvrira pour monter dans l'avion de ces blouses qui ne trouvent plus grâce à l'hôpital (au passage : plus de portique ni de fouille au corps, économie sur les équipements et le personnel au sol). Puis on empruntera à l'arrivée, dans un vestiaire pourvu par le voyagiste, des tenues légères à sa taille. Plus de bagages, vingt kilos de moins par personne, au moins dix litres de kérosène sauvés par tête de pipe !
 
Et puis, à l'accueil dans l'appareil, tout passager titulaire d'un CCP de technicien de surface sera invité à prendre le manche à balai en main. Et cela fera encore dans les quatre-vingt kilos de pilote, de casquette et de galons laissés à terre !
 
 

9 août 2012


N° 86              Cock-a-doodle-do


J'entends à la radio qu'on a reculé d'une place au classement des JO. C'est déplaisant… On n'est plus que sixièmes. Et ça pourrait se gâter en fin de semaine, vu que les Kazakhs nous collent aux baskets ! Alors écoute-moi, on n'attend pas, on fait le point maintenant. De quoi on parle ? Du nombre de médailles d'or ? Et l'argent et le bronze, ça compte pour du beurre ou du chocolat peut-être ? Faudrait pas oublier qu'au nombre total de médailles on est trop bien placés : les Coréens sont derrière nous !


Ah bon, les Japonais nous passent devant ? Evidemment, c'est facile… Si tu mets toutes les médailles dans le même panier, sans t'occuper du métal et de la couleur, c'est pas la peine de se fatiguer à arriver premier. Moi, je te le dis, il faut mettre l'or à trois points, l'argent à deux et le bronze à un. Ca c'est honnête. Et à ce compte-là on est cinquièmes. Derrière les Chintoks, les Ricains, les Rosbifs et les Russes. Tu te rends compte ? Derrière les Chintoks ! Ils sont un milliard trois cents millions, vingt fois plus que nous ! Ca aussi, c'est facile… Tiens, c'est comme la guerre de sécession : c'est sur, si les sudistes avaient été plus nombreux, les nordistes auraient drôlement pris la pâtée. Et bien nous, si on était cent millions et les Chinois aussi, nous, aujourd'hui on aurait déjà quarante-trois médailles. Tandis qu'eux, ils en auraient, je sais pas, on va dire, six ou sept, pas plus.
 
C'est clair, on est les meilleurs. Les Ricains, ils font que du sport à l'université, et bien ils n'en ramasseraient pas deux douzaines. Les Russes, ils ont de beaux restes, mais ils n'en feraient pas trente-six. Bon, je sais, il y a les Kazakhs, qui sont quatre fois moins que nous. T'as raison, eux, ils en auraient cinquante-huit. Mais si tu vas par là, les deux millions de Slovènes, ils en récolteraient deux cents. Et les quatre-vingt mille Grenadins ? Mille deux cents ! Moi je te parle de ceux qui font toutes les compètes, de ceux qui participent pour de bon. L'important c'est de participer. Un petit pays que tu sais même pas où il est, avec un seul gus qui pique une médaille, ça compte pas. Nous, on est les meilleurs des concurrents sérieux, c'est clair.
 
Les Rosbifs ? Non, j'ai pas oublié les Rosbifs. Ouais, ils sont presque autant que nous et ils ont davantage de médailles. Mais, dis, ça se passe chez eux ! Ils sont sur place, pas dépaysés, pas décalés. Avec Dad, Mom, Grandpa, Grandma, la famille et tous les potes sur les gradins. C'est dans leurs stades et va savoir ce qu'ils ont collé dans la piste pour que ça les arrange… Ca se court dans les parcs, dans les rues où ils trottinent et pédalent tous les dimanches. Et ils nagent et ils rament dans leur flotte. Ca aide, non ?
Et puis toi, quand tu as du monde à la maison, tu donnes les meilleurs morceaux à tes invités et tu te sers en dernier, s'il en reste. Tu t'installes pas au salon, à faire le beau. Tu la ramènes pas, tu t'occupes discrètement de la cuisine et de la plonge. Je suis pas chauvin, tu le sais, mais je vais te dire : si les JO avaient eu lieu à Paris, nous on n'aurait pas eu le culot de rafler autant de médailles que les Anglais. Parce que nous on a des principes et de la pudeur. Nous on est des gentlemen, nous on est fair-play…

29 juillet 2012

N° 85           L' monde est pas bien portant

Sur le modèle de "J' suis pas bien portant" (ou "J'ai la rate qui s'dilate")
chanté par Gaston Ouvrard, comique troupier.

Ma radio me dit que sur terre
C'est pas rigolo, que partout
C'est la crise ou bien c'est la guerre,
Et je m' fais un mauvais sang fou.
J' vais pas pouvoir vous rassurer
On est partout dans la purée.

Y a la dette / Qu'est coquette
Y a les taux / Bien trop hauts
Y a les banques / Qui se planquent
Y a l' dollar / Qu'est faiblard

Y a l'euro / A zéro
Le yuan / Qu'est en panne

La roupie / D' mal en pis
Y a la bourse / A bout d' course
Le Nasdaq / Qui s' détraque
L' CAC 40 / Qui se plante

Le Nikkei / Qu'est niqué
Le Dow Jone(s) / Qu'est atone
Et Wall Street / Qui s'effrite
Y a Mittal / Qui remballe

Y a Peugeot / Qu'est KO
Sanofi / Sans profit
Et puis Doux / Qu'est à bout
Qu'a coulé / Ses poulets…
 
Ah, bon Dieu, qu' c'est embêtant
De tous côtés ça craque,
Ah, bon Dieu, qu' c'est embêtant
L' monde est pas bien portant…

Pour tâcher d' savoir au plus vite
Ce qu'il faut fair' de mon argent
Je suis allé rendre visite
A mon banquier tout dernièr'ment
Que craignez-vous ? qu'il m'a d'mandé
C'est simple que j'ai répliqué


 Y a la dette / Qu'est coquette
Y a les taux / Bien trop hauts
Et puis j'ai / Ajouté
Voyez-vous / C'est pas tout
Y a les chars / De Bachar
Qui m' tracassent / A Damas
Téhéran / Qu'est à cran
Tel Aviv / Sur l' qui-vive
Ankara / A carreau
Y a l'Irak / Qui se braque

Les chiites / Qui s'excitent
Les sunnites / Qui s'irritent
Y a Poutine / Qui s'obstine
Et la Chine / Qui rechigne
Y a l'Europe / Qui fait flop
Les Ricains / Pas en train

Y a l'Afrique / Qu'a pas d' fric
Y a l'Iran / Pasdaran
Et Kaboul / Tous mabouls

Ah, bon Dieu, qu' c'est embêtant
De tous côtés ça craque,
Ah, bon Dieu, qu' c'est embêtant
L'monde est pas bien portant…

J' suis allé voir la demoiselle
De l'agenc' qui vend des séjours
En Chine, à Bali, aux Seychelles
Comme étant mon dernier recours.
Me voyant soucieux, ell' me dit :
Qu'avez vous ? Moi j' lui répondis :

Y a la dette / Qu' est coquette
Y a les taux / Bien trop hauts
Y a les chars / De Bachar
Qui m' tracassent / A Damas
En plus d' ça / J' vous l' cach' pas
Y a aussi / Quel souci
La planète / Qui m'inquiète
Y a l' carbone / Qui déconne

Y a l'enfer  / D' l'effet d' serre
La banquise / Qui se brise

Les glaciers / Liquéfiés
L'ours polaire / En galère
Les igloos / Tout dissous
Les Inuits / Tous en fuite
L'océan / En montant

Récupère / Les polders
Et lessive / Les Maldives
Y a l' problème / D'OGM
Y a l'alerte / Algues vertes

Y a aussi / L' tsunami
L' réacteur / Qui fait peur
Mais, pas d' bol / Plus d' pétrole
Et l' charbon / C'est profond

Le solaire / Ca coute cher
L'éolien / Ca vaut rien
La biomasse / C'est l'impasse
L' gaz de schiste / Ca fait pschitt

Et la tuile / Y a plus d' piles
Plus d' batt'ries / On est cuits
Plus d' ressort / On est morts !


Ah, bon Dieu, qu' c'est embêtant
De tous côtés ça craque,
Ah, bon Dieu, malheureus'ment
On n' peut pas foutr' le camp !

21 juillet 2012


N° 84              Panem et circenses
 
 
 
J'entends à la radio que l'Emir du Qatar nous a offert, à nous les habitants de sa principauté de Saint-Germain, un footballeur extraordinaire, pourvu de panards interminables. Avec ses tatanes du 47, c'est un buteur hors pair. Ou hors paires. Des esprits chagrins et mesquins chipotent sur son salaire. Mais le pauvre Ibra n'a pas le choix : il est obligé de vivre sur un grand pied.
 
Et puis, il est comme ça notre émir Khalifa bin Hamad Al Thani ! Imprévisible, facétieux et bienfaisant...
 
J'aime son tempérament espiègle. Il y a quinze ou vingt ans, pour lui faire une surprise, il a renversé son paternel, Hamad bin Khalifa Al Thani, et son patronyme avec. J'aime sa fantaisie, sa frivolité. Pris de passion pour le foot, il en fait la nouvelle richesse du Qatar : après le gaz, les buts ; butagaz, match retour. J'apprécie son humour taquin. Son ambassade est en haut des Champs, place Charles Deux Goals. J'admire sa façon de dépenser sans lésiner, pour le bien-être de ses sujets. Dans dix ans il invite la coupe du monde au Qatar. Il y fait construire neuf grands stades et retaper trois autres. De quoi accueillir tous les Qatariens, hommes, enfants, vieillards… Même les femmes, accompagnées et bâchées s'entend.
 
Ca lui coûtera 160 milliards d'euros. Le gaz augmentera de quelques centimes et nos grandes entreprises du BTP rivalisent déjà pour édifier ces colisées modernes, couverts et climatisés. Pour le même budget elles pourraient certes construire 20000 km d'autoroute ou 7000 de TGV, mais le Qatar fait à peine 160 km de long ! Ou un million de logements, mais il ne compte que sept cent mille habitants. Au moins les douze stades seront-ils utiles, eux, pendant un mois, cinq ou six fois chacun. Et puis rêvons un peu : si nous avions, nous, huit exemplaires du Stade de France dans chacun de nos départements ? Pour nous y purifier dans la qatar-sis de grands matchs, retransmis par Al-Jazeera...
 
Mais l'émir n'est pas seulement un grand bâtisseur. En pieux wahhabite il a ses œuvres, il soutient des ONG, il aide des islamistes. Il demandera peut-être au PSG de partager le Camp des Loges avec un groupe de fous de Dieu à l'entrainement. Et s'il achetait le château de Saint-Germain, dont les façades ont besoin d'être ravalées, des talibans pourraient y travailler, comme à Tombouctou. Situé comme il est, sur le plateau, il ferait, une fois en ruines, un superbe château… cathare !

13 juillet 2012


N° 83              Dépression
J'entends à la radio qu'il va pleuvoir demain. Demain, comme hier… Demain comme la semaine dernière et comme depuis des mois… Demain, sur les Champs, notre président va encore dégouliner, noyé par les ondées, défrisé par les Rafales. Il n'avait pourtant pas promis, lui, comme celui d'avant, d'arrêter le réchauffement climatique. N'empêche, l'été est aussi pourri qu'en 2007. C' n'était pas la peine assurément de changer de gouvernement ! Surtout s'il faut rallumer le chauffage quand GDF se rattrapera sur les tarifs.
Il pleut sur Nantes
Donne-moi la main
Le ciel de Nantes
Rend mon cœur chagrin...
Mais, Barbara, il pleut sans cesse sur Brest, sur Rouen, sur Orléans, Beaugency, Notre-Dame de Cléry, Vendôme, Vendôme, sur Arras, sur Lille-Roubaix-Tourcoing, sur Reims, sur Metz, Toul et Verdun ! Il pleut au nord d'une ligne passant par Rochefort et Dijon. A force de réclamer des frontières Mme Le Pen a obtenu le rétablissement de la ligne de démarcation. La zone libre se dore au soleil, prend le pastis à l'ombre, tire et pointe sous les platanes… Elle va à la plage, cuisine au barbecue... Cigale, au temps chaud, nuit et jour, à tout venant, elle chante…
Laissez-moi franchir la ligne passant par Rochefort et Dijon. Laissez-moi déserter l'Europe du nord, froide, grise et pluvieuse, l'Europe maussade des fourmis économes et travailleuses. Laissez-moi gagner celle du Club Med. Même écrasée de dettes, même dépourvue d'emplois. Je réclame le statut d'évadé fiscal. J'accepte de payer des taxes supplémentaires sur les parasols, l'huile de bronzage et les glaces à l'eau. Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil...
J'veux du soleil, j'veux du soleil, j'veux du soleil, j'veux du soleil !...

1 juillet 2012


N° 82              Pierre Lachaise
 
 
J'entends la radio parler de toutes sortes de sièges. A l'Assemblée les groupes recueillent sur leurs bancs les dissidents virés du parti (mais un camarade touité reste encore au ban du PS...). Madame Taubira ne veut plus de jurés populaires auprès des magistrats du siège : ils tiennent leur instruction civique des séries américaines et donnent du "votre honneur" au président ! Le Saint-Siège s'apprête à réintégrer les intégristes. Devedjian va perdre son siège de député pour cause de suppléant au cul entre deux chaises, l'une au Sénat, l'autre au Palais Bourbon.
 
Et je suis, moi aussi, dans un embarras inconfortable, le verre de montre entre deux strapontins. A la veille de mon anniversaire, je ne suis pas sûr de mon âge. Je ne sais plus combien "le dieu morne et taciturne qui préside aux choses du temps" a fait, pour moi, "de tours d'horloge, de sablier"
 
Je ne vous apprends rien, nous venons d'avoir droit à une seconde supplémentaire. Car notre bonne vieille Terre ne rajeunit pas, elle non plus : elle s'essouffle, patine, tourne moins rond, moins vite… Il lui faut maintenant plus de vingt-quatre heures pour se retourner. Pour ne pas lui faire de peine on camoufle ça en donnant de temps à autre un petit coup de pouce à nos pendules. Mais elle retarde déjà de trente cinq secondes sur le temps atomique international. Dont chacun sait que la seconde dure tout simplement 9.192.631.770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins de l'état fondamental de l'atome de césium 133*. Loin de moi l'idée perverse de provoquer un conflit entre écolos, confiants en la nature, présumés partisans de l'horloge de la révolution terrestre, et productivistes fanas du nucléaire, probables sectateurs du temps atomique. Mais j'aimerais quand même bien savoir si je suis ou non plus âgé de trente cinq secondes. Et si notre planète, qui, quand elle était jeune, il y a trois cents millions d'années, bouclait sa virevolte en moins de vingt-deux heures, va bientôt, de plus en plus poussive, nous faire des journées de trente-cinq heures. Au point de me laisser demain fêter mon centenaire alors que j'aurais, sans m'en rendre compte, dépassé les cent quarante. En chaise à porteurs ou en fauteuil roulant...




* Ce n'est pas une blague !

23 mai 2012

N°81        Mode in France


J'entends à la radio bien des railleries sur la touche de notre nouveau président… Ce brave homme normal s'est vu propulser directement du marché de Brive-la-Gaillarde, au tréfonds de la cambrousse corrézienne, jusqu'à l'Aspen Lodge, Camp David, Catoctin Mountain Park, Thurmont, Maryland, USA. Sans que personne n'ait prévenu Valérie, avant qu'elle boucle la valoche, que là-bas, dès friday morning, on se dresse casual. En T-shirt, jean et converses. Et qu'on ne met pas sa cravate(1), encore moins le Grand Collier de la Légion d'Honneur qu'elle avait cru bon de lui emmailloter dans son Damart.

Le pauvre François n'avait donc rien d'autre à se mettre sur le dos que les trois complets sombres qu'il avait, l'un après l'autre, fourrés dans le sèche-linge le jour de son intronisation pluvieuse. Je ne compte pas celui qu'il avait dû emprunter à Delanoë. Quand il s'était pointé à l'Hôtel de Ville, dans un état lamentable, une fois de plus trempé comme une soupe, de la tête aux pieds, Bertrand lui avait dit : "Si tu veux te changer, c'est maintenant" !
On s'est bien rendu compte, à la télé, quand il a posé entre Barack et Angela, l'air d'un gars en chaussettes à la plage(2), que les costards de La Halle aux Vêtements, à Tulle, ça n'est pas top ! Ca tiraillait autour du bouton qu'il n'avait toujours pas défait. Comme il n'avait pas encore abusé du cheeseburger-frites(3), c'est que la veste avait sérieusement rétréci…
Ce bouton… Il a fallu que Valérie le recouse en catastrophe quitte à mettre François en retard à l'OTAN. Sans compter que depuis que la first-girl-friend l'a viré, Julien Dray, le tocard aux tocantes, n'était pas là pour expliquer le décalage horaire : tu fais faire un demi-tour à ta petite aiguille, pas au bracelet(4), ballot !

Il y en a d'autres qui n'étaient pas en retard, à peine le président investi. Qui voulaient refaire le coup des grèves de 36, réclamer tout de suite des primes, d'exposition au froid, de station debout prolongée, et des CDI jusqu'à soixante ans, et la parité par-dessus le marché, et manifester en tenue de travail… Encore que leur délégation aurait peut-être hésité si DSK avait été nommé ministre du travail. Ce sont les pin-up du crazy horse(5). On leur a vite fait comprendre, comme François aux States, qu'elles pouvaient aller se redéshabiller.


Pour ceux ou celles qui n’auraient pas tout suivi, voir :
(2) Rendons à Thomas Legrand (France Inter) ce qui est à Thomas Legrand.
(5) http://www.lefigaro.fr/social/2012/05/16/09010-20120516ARTFIG00390-les-danseuses-du-crazy-horse-en-greve.php