18 mai 2016

N° 164 - Des chiffres et des lettres



J'entends à la radio que des citoyens sont d'avis de supprimer le 49-3. Moi, j'écoute France Inter, sur 87.8. C'est presque deux fois plus, ça ne devrait donc pas me concerner. J'ai quand même voulu m'en assurer, en téléphonant au 39-39, "allo service public". Comme ils étaient tous en ligne on m'a demandé mon 06 pour me joindre dès que possible, mais je me méfie (à cause du phishing, du ping-call, tout ça). 
J'ai un ami dans le 9-3, qui est généralement bien informé. Je n'ai fait ni une ni deux, je l'ai appelé, il m'a compris cinq sur cinq. D'habitude il fait ses 35 heures en trois-huit mais là il était en RTT. Nous nous sommes donné rendez-vous au bistrot, de 5 à 7. J'ai commandé une 16-64 (en promo à 4.95) et lui une 33 export (il a horreur du pernod 45 et du pastis 51). On discutait en faisant une partie de 4-21 quand des loubards ont déboulé, armés de 6.35 et de 7.62. On a voulu les chasser à coups de nos 43-fillette, mais... on s'est relevés avec des gueules cassées, style 14-18. 

Les flics sont arrivés quatre à quatre. Ils m'ont fait signer un constat de trois pages 21x29.7, bâclé à la six-quatre-deux, avant que je puisse emmener mon copain aux Quinze-Vingts. Heureusement avec les taxis Uber noirs c'est presque à l'œil. 
Aux dernières nouvelles il n'avait que 37.2 ce matin.

Par contre le 49-3 est toujours en vigueur et les manifs continuent. Si jamais on tombe sur des casseurs en sortant de l'hosto, je sais que je peux appeler le 39-77 (contre la maltraitance des personnes âgées). Ou bien le 39-89 (aide à l'arrêt du passage à tabac).



P.S. Ne vous inquiétez pas, il n'y a là pas grand-chose de vrai et je ne connais pas le monsieur de la photo. Quant au 39-89, c'est plutôt le numéro à appeler si l'on a besoin d'aide pour arrêter de fumer.



10 mai 2016

N° 163 - Feux follets



J'entends à la radio le reportage d'une jeune envoyée spéciale dépêchée en Alberta pour couvrir l'incendie qui dévaste la région de Fort McMurray. Elle parcourt les ruines fumantes d'un quartier déserté. Avec sa pointe d’accent québécois elle décrit les maisons en cendres dont ne restent que les soubassements, elle raconte les flammèches qui continuent de courir sous les voitures calcinées. Elle remarque des objets insolites qui émergent du tapis d'escarbilles : ici une boite aux lettres intacte sur son potelet, là un abribus flambant neuf.

La jeune gaffeuse a vraiment dit flambant neuf1 et j'ai bien failli n'y voir que du feu. Mais je ne vais pas la vouer aux flammes de l'enfer pour cette bourde incongrue. Hier encore, qui sait, au coin du feu, chez ses parents, elle tissait un... macramé ? Et la voilà aujourd'hui, pour son baptême du feu, larguée d'un canadair au beau milieu de la fournaise ! Je n'enverrai pas de mail incendiaire à Radio-Québec. Pourtant j'imagine déjà mon brûlot dénonciateur : "Monsieur Laflamme², votre jeune reporter, Cendrine je-ne-sais-quoi, pleine d'ardeur et tout feu tout flamme - bien qu'elle n'ait a priori rien d'une tête brulée ni d'une dure-à-cuire - a, dans le feu de l'action, malencontreusement parlé de..."
Non, laissons courir, il n'y a pas le feu au lac ni de quoi l'envoyer au bûcher. Je m'en voudrais si cela devait chauffer pour son matricule. Je ne tiens pas à mettre de l'huile sur le feu au point que son chef la convoque à brûle-pourpoint, la carbonise d'un regard de braise et la renvoie dans ses foyers : "You're fired" !"

D'autant moins que les premières gouttes de pluie tombent enfin sur Fort McMurray. Il ne sera peut-être pas nécessaire d'y décréter un cessez-le-feu. Comme à Alep. Où, depuis longtemps, il n'y a plus d'abribus flambant neuf. Ni même de bus...




1 France-Inter, journal de 7h30, le 7 mai. En réalité, le mot a été prononcé par une journaliste (sénior ?) de Radio-Canada, en studio.
² Chacun sait qu'un Québécois sur deux se nomme Laflamme...