9 octobre 2022

N° 278 - En attendant l'été de la Saint- Martin*...

 J'entends à la radio que nos gouvernants prêchent d'exemple pour nous inciter à la sobriété énergétique. On n'a toujours pas rallumé le calorifère au Château ni dans les ministères, bien que les petits matins de ce début d'automne soient un tantinet frisquets : on s'y entraîne crânement à survivre par moins de 19°. On nous a montré le Président et son Grand Argentier posant en pulls à col roulé et la Première Ministre causant aux gazetiers vêtue d'une polaire. Piqués au vif, des échevins ont relevé le gant et enfilé des mitaines : en sa mairie de Creil le bailli s'est même coiffé d'une cagoule passe-montagne pour tenir conseil.

J'ai moi-même, sachant que le syndic avait fait strictement reprogrammer la chaudière, renouvelé sans attendre mon trousseau de marcels thermolactyl et de caleçons longs. Et puisqu'on parle déjà des fêtes de fin d'année je conseille aux vieux amis avec qui nous réveillonnerons sans chauffage de sortir dès maintenant de leurs greniers tout leur saint-frusquin de nippes molletonnées, de bonnets à poil, de boots fourrées et autres trophées de voyage pour les aérer et les épousseter avec soin. Prépare, Pamphile, ton qulittaq inuit en peau de caribou retournée et toi, Marinette, ton ouchanka à oreillettes en fourrure de renne. Défripe, Désiré, ta kossovorotka brodée, brosse ton ample touloupe de moujik yakoute et vérifie, Léonor, que tes valenki de feutre ne sont pas mitées. N'oublie pas, Nestor, ta papakha géorgienne de mouton karakul et toi, Rosette, sors pour l'occasion ton long kofte lapon et tes skallers à pompons et pointes rebiquées. Nous pourrons encore vous prêter au besoin une chuba tibétaine en laine de yack, un schtreimel de treize queues, un deel mongol doublé de peau de chèvre et deux ou trois bonnets péruviens tricotés. Et, comme vous savez, nous avons tout un assortiment de couettes, de plaids, de couvre-pieds et de tartans sous lesquels nous pourrons nous blottir pour prendre la tisane. Quel bonheur ce sera alors d'entonner ensemble, sur le coup de minuit :

Ami Nestor
Ami Nestor
Lève ton verre
Et surtout, ne le renverse pas
Et porte-le au frontibus
Au nasibus
Au mentibus
Igloo, igloo, igloo, igloo, igloo...

 

*Saint-Martin est fêté le 11 novembre, où le temps se radoucit parfois. Ce légionnaire fut canonisé pour avoir donné (un jour de redoux ?) une moitié de son manteau à un miséreux, manchot peut-être...