24 janvier 2018

N° 196 - Fable tectonique



J'entends à la radio que dix Français sur cent
Jureraient que la Terre est absolument plate1.
On la disait bien ronde au temps où (mais ça date...)
Je l'appris à l'école, autour de mes dix ans.
Je sais que d'être ronde il est bien des façons :
Comme une queue de pelle, ou bien ronde et replète,
Ronde comme une bille ou comme une galette
Ou ronde à quatre temps pour faire une chanson...
Ebranlé, je m'en fus consulter le vieux maitre
Qui m'avait enseigné la chose astronomique.
Son âge maintenant est des plus canoniques,
Maintenant que je suis à mon tour un ancêtre...
Je croyais le trouver un œil à la lorgnette
Entouré d'un fatras d'incunables grimoires
Mais je le découvris, et j'eus peine à le croire,
Simplement équipé d'une mince tablette.
   "Tu vois, petit, je suis au top :
Je me connecte aux télescopes
Qui tournent là-haut dans le ciel.
Grâce à mon nouveau logiciel
Je m'en vais te montrer, voilà, regarde bien,
La Terre comme elle est, et comme elle devient !"
   (Pendant cette présentation
Il avait tourné la tablette
Vers un mur, pour qu'elle y projette
Une image en trois dimensions).
   "Franchement, c'est plus clair que sur un vieil atlas !
Regarde donc comment les plaques se déplacent :
Ca craque entre l'Europe et la Grande-Bretagne
La Catalogne, là, s'écarte de l'Espagne
Un fossé très profond se creuse en Amérique
Où les Etats-Unis, s'éloignant du Mexique,
Sont, en se repliant, sujets aux plissements.
La Chine vers l'Afrique amorce un glissement,
Le Yémen est en deux et, vu d'Abu Dhabi,
Le Qatar disparait des côtes d'Arabie2,
L'Irak est en morceaux et la Syrie en miettes...
Mais prenons du recul, zoomons sur la tablette :
A force de tensions, de replis, de fractures
Celle qu'on disait ronde et d'un beau bleu d'orange3,
La Terre, c'est dommage, a maintenant l'allure
D'un gros astéroïde informe, affreux, étrange..."
   "Mais... de l'autre côté, celui de l'océan ?
L'océan, Professeur, immense et pacifique,
Où scintille au soleil un plancton de plastique4 ?
C'est de l'eau ! L'eau, c'est plat... ou serais-je ignorant ?"
   Là, il a éteint la tablette
Et, fatigué, hoché la tête :
"L'autre côté ? Tu me déçois...
Une autre fois, une autre fois..."





5 janvier 2018

N° 195 - Comme c’est blizzard…


J’entends à la radio que des vents de Vendée ont abattu une grande éolienne (1). Elle était pourtant censée exploiter leur énergie à jamais renouvelable ! Compatissons sincèrement à la détresse des ingénieurs bernés par Eole, le fantasque dieu des vents...


Un malheureux constructeur d’éoliennes
Geignait ainsi :
"Quel coup du sort, quelle guigne est la mienne
Je suis maudit…
Fuyez, partez, villageois ! Qu’on se magne
Jambes au cou !
Le vent qui souffle à travers la campagne
Devient-il fou ?

Elle est au sol, ma superbe éolienne,
Mon bel oiseau…
Grand tronc brisé, fragile comme un chêne,
Piètre roseau,
Pales en croix, meurtri par la castagne,
En petits bouts…
Le vent qui souffle à travers la campagne
Devient-il fou ?

J’avais pourtant appliqué les principes
Des règlements
Et pris soin que mes calculs anticipent
Les vents violents
Car l’aquilon, même la tramontane
Sont des plus doux.
Le vent qui souffle à travers la campagne
Devient-il fou ?

J’avais compté qu’un fort vent de cyclone
Ou de typhon
Ebranlerait, vrillerait le pylône
En tourbillon.
Mais, sans ployer, ce grand mat de cocagne
Tiendrait debout.
Le vent qui souffle à travers la campagne
Devient-il fou ?

Sonnez le glas pour qu’aux champs il prévienne
Le paysan
Donnez l’alerte avant que ne survienne
Le vent d’autan
Prenez soin de vos fils et vos compagnes
Abritez-vous.
Le vent qui souffle à travers la campagne
Me rendra fou.

Ils vont tomber mes moulins à trois pales
Comme au bowling
Du Roussillon à la Côte d’Opale
En longues lignes,
Ils vont tomber mes moulins en Champagne
Tous d'un seul coup...
Le vent qui souffle à travers la campagne
Me rendra fou".

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Mais Trump dément le warming du climat,
Trump, le "génie" (2):
"La preuve est là, avec tout ce frimas
En Virginie !
Il ne fait chaud que là où le feu gagne,
Vers Malibu !"
Le vent qu’il fait, lui, depuis sa campagne,
Est bien d’un fou… 


P.S. Vous avez identifié ce dont, très, très humblement, je me suis inspiré : "Le vent qui vient à travers la montagne..." et le poème "Guitare" de Victor Hugo (Les rayons et les ombres) mis en musique par Brassens, sous le titre "Gastibelza" (3).


(1)     Cf. : http://www.leparisien.fr/societe/les-chutes-d-eoliennes-des-accidents-rares-et-spectaculaires-02-01-2018-7480524.php