29 juillet 2012

N° 85           L' monde est pas bien portant

Sur le modèle de "J' suis pas bien portant" (ou "J'ai la rate qui s'dilate")
chanté par Gaston Ouvrard, comique troupier.

Ma radio me dit que sur terre
C'est pas rigolo, que partout
C'est la crise ou bien c'est la guerre,
Et je m' fais un mauvais sang fou.
J' vais pas pouvoir vous rassurer
On est partout dans la purée.

Y a la dette / Qu'est coquette
Y a les taux / Bien trop hauts
Y a les banques / Qui se planquent
Y a l' dollar / Qu'est faiblard

Y a l'euro / A zéro
Le yuan / Qu'est en panne

La roupie / D' mal en pis
Y a la bourse / A bout d' course
Le Nasdaq / Qui s' détraque
L' CAC 40 / Qui se plante

Le Nikkei / Qu'est niqué
Le Dow Jone(s) / Qu'est atone
Et Wall Street / Qui s'effrite
Y a Mittal / Qui remballe

Y a Peugeot / Qu'est KO
Sanofi / Sans profit
Et puis Doux / Qu'est à bout
Qu'a coulé / Ses poulets…
 
Ah, bon Dieu, qu' c'est embêtant
De tous côtés ça craque,
Ah, bon Dieu, qu' c'est embêtant
L' monde est pas bien portant…

Pour tâcher d' savoir au plus vite
Ce qu'il faut fair' de mon argent
Je suis allé rendre visite
A mon banquier tout dernièr'ment
Que craignez-vous ? qu'il m'a d'mandé
C'est simple que j'ai répliqué


 Y a la dette / Qu'est coquette
Y a les taux / Bien trop hauts
Et puis j'ai / Ajouté
Voyez-vous / C'est pas tout
Y a les chars / De Bachar
Qui m' tracassent / A Damas
Téhéran / Qu'est à cran
Tel Aviv / Sur l' qui-vive
Ankara / A carreau
Y a l'Irak / Qui se braque

Les chiites / Qui s'excitent
Les sunnites / Qui s'irritent
Y a Poutine / Qui s'obstine
Et la Chine / Qui rechigne
Y a l'Europe / Qui fait flop
Les Ricains / Pas en train

Y a l'Afrique / Qu'a pas d' fric
Y a l'Iran / Pasdaran
Et Kaboul / Tous mabouls

Ah, bon Dieu, qu' c'est embêtant
De tous côtés ça craque,
Ah, bon Dieu, qu' c'est embêtant
L'monde est pas bien portant…

J' suis allé voir la demoiselle
De l'agenc' qui vend des séjours
En Chine, à Bali, aux Seychelles
Comme étant mon dernier recours.
Me voyant soucieux, ell' me dit :
Qu'avez vous ? Moi j' lui répondis :

Y a la dette / Qu' est coquette
Y a les taux / Bien trop hauts
Y a les chars / De Bachar
Qui m' tracassent / A Damas
En plus d' ça / J' vous l' cach' pas
Y a aussi / Quel souci
La planète / Qui m'inquiète
Y a l' carbone / Qui déconne

Y a l'enfer  / D' l'effet d' serre
La banquise / Qui se brise

Les glaciers / Liquéfiés
L'ours polaire / En galère
Les igloos / Tout dissous
Les Inuits / Tous en fuite
L'océan / En montant

Récupère / Les polders
Et lessive / Les Maldives
Y a l' problème / D'OGM
Y a l'alerte / Algues vertes

Y a aussi / L' tsunami
L' réacteur / Qui fait peur
Mais, pas d' bol / Plus d' pétrole
Et l' charbon / C'est profond

Le solaire / Ca coute cher
L'éolien / Ca vaut rien
La biomasse / C'est l'impasse
L' gaz de schiste / Ca fait pschitt

Et la tuile / Y a plus d' piles
Plus d' batt'ries / On est cuits
Plus d' ressort / On est morts !


Ah, bon Dieu, qu' c'est embêtant
De tous côtés ça craque,
Ah, bon Dieu, malheureus'ment
On n' peut pas foutr' le camp !

21 juillet 2012


N° 84              Panem et circenses
 
 
 
J'entends à la radio que l'Emir du Qatar nous a offert, à nous les habitants de sa principauté de Saint-Germain, un footballeur extraordinaire, pourvu de panards interminables. Avec ses tatanes du 47, c'est un buteur hors pair. Ou hors paires. Des esprits chagrins et mesquins chipotent sur son salaire. Mais le pauvre Ibra n'a pas le choix : il est obligé de vivre sur un grand pied.
 
Et puis, il est comme ça notre émir Khalifa bin Hamad Al Thani ! Imprévisible, facétieux et bienfaisant...
 
J'aime son tempérament espiègle. Il y a quinze ou vingt ans, pour lui faire une surprise, il a renversé son paternel, Hamad bin Khalifa Al Thani, et son patronyme avec. J'aime sa fantaisie, sa frivolité. Pris de passion pour le foot, il en fait la nouvelle richesse du Qatar : après le gaz, les buts ; butagaz, match retour. J'apprécie son humour taquin. Son ambassade est en haut des Champs, place Charles Deux Goals. J'admire sa façon de dépenser sans lésiner, pour le bien-être de ses sujets. Dans dix ans il invite la coupe du monde au Qatar. Il y fait construire neuf grands stades et retaper trois autres. De quoi accueillir tous les Qatariens, hommes, enfants, vieillards… Même les femmes, accompagnées et bâchées s'entend.
 
Ca lui coûtera 160 milliards d'euros. Le gaz augmentera de quelques centimes et nos grandes entreprises du BTP rivalisent déjà pour édifier ces colisées modernes, couverts et climatisés. Pour le même budget elles pourraient certes construire 20000 km d'autoroute ou 7000 de TGV, mais le Qatar fait à peine 160 km de long ! Ou un million de logements, mais il ne compte que sept cent mille habitants. Au moins les douze stades seront-ils utiles, eux, pendant un mois, cinq ou six fois chacun. Et puis rêvons un peu : si nous avions, nous, huit exemplaires du Stade de France dans chacun de nos départements ? Pour nous y purifier dans la qatar-sis de grands matchs, retransmis par Al-Jazeera...
 
Mais l'émir n'est pas seulement un grand bâtisseur. En pieux wahhabite il a ses œuvres, il soutient des ONG, il aide des islamistes. Il demandera peut-être au PSG de partager le Camp des Loges avec un groupe de fous de Dieu à l'entrainement. Et s'il achetait le château de Saint-Germain, dont les façades ont besoin d'être ravalées, des talibans pourraient y travailler, comme à Tombouctou. Situé comme il est, sur le plateau, il ferait, une fois en ruines, un superbe château… cathare !

13 juillet 2012


N° 83              Dépression
J'entends à la radio qu'il va pleuvoir demain. Demain, comme hier… Demain comme la semaine dernière et comme depuis des mois… Demain, sur les Champs, notre président va encore dégouliner, noyé par les ondées, défrisé par les Rafales. Il n'avait pourtant pas promis, lui, comme celui d'avant, d'arrêter le réchauffement climatique. N'empêche, l'été est aussi pourri qu'en 2007. C' n'était pas la peine assurément de changer de gouvernement ! Surtout s'il faut rallumer le chauffage quand GDF se rattrapera sur les tarifs.
Il pleut sur Nantes
Donne-moi la main
Le ciel de Nantes
Rend mon cœur chagrin...
Mais, Barbara, il pleut sans cesse sur Brest, sur Rouen, sur Orléans, Beaugency, Notre-Dame de Cléry, Vendôme, Vendôme, sur Arras, sur Lille-Roubaix-Tourcoing, sur Reims, sur Metz, Toul et Verdun ! Il pleut au nord d'une ligne passant par Rochefort et Dijon. A force de réclamer des frontières Mme Le Pen a obtenu le rétablissement de la ligne de démarcation. La zone libre se dore au soleil, prend le pastis à l'ombre, tire et pointe sous les platanes… Elle va à la plage, cuisine au barbecue... Cigale, au temps chaud, nuit et jour, à tout venant, elle chante…
Laissez-moi franchir la ligne passant par Rochefort et Dijon. Laissez-moi déserter l'Europe du nord, froide, grise et pluvieuse, l'Europe maussade des fourmis économes et travailleuses. Laissez-moi gagner celle du Club Med. Même écrasée de dettes, même dépourvue d'emplois. Je réclame le statut d'évadé fiscal. J'accepte de payer des taxes supplémentaires sur les parasols, l'huile de bronzage et les glaces à l'eau. Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil...
J'veux du soleil, j'veux du soleil, j'veux du soleil, j'veux du soleil !...

1 juillet 2012


N° 82              Pierre Lachaise
 
 
J'entends la radio parler de toutes sortes de sièges. A l'Assemblée les groupes recueillent sur leurs bancs les dissidents virés du parti (mais un camarade touité reste encore au ban du PS...). Madame Taubira ne veut plus de jurés populaires auprès des magistrats du siège : ils tiennent leur instruction civique des séries américaines et donnent du "votre honneur" au président ! Le Saint-Siège s'apprête à réintégrer les intégristes. Devedjian va perdre son siège de député pour cause de suppléant au cul entre deux chaises, l'une au Sénat, l'autre au Palais Bourbon.
 
Et je suis, moi aussi, dans un embarras inconfortable, le verre de montre entre deux strapontins. A la veille de mon anniversaire, je ne suis pas sûr de mon âge. Je ne sais plus combien "le dieu morne et taciturne qui préside aux choses du temps" a fait, pour moi, "de tours d'horloge, de sablier"
 
Je ne vous apprends rien, nous venons d'avoir droit à une seconde supplémentaire. Car notre bonne vieille Terre ne rajeunit pas, elle non plus : elle s'essouffle, patine, tourne moins rond, moins vite… Il lui faut maintenant plus de vingt-quatre heures pour se retourner. Pour ne pas lui faire de peine on camoufle ça en donnant de temps à autre un petit coup de pouce à nos pendules. Mais elle retarde déjà de trente cinq secondes sur le temps atomique international. Dont chacun sait que la seconde dure tout simplement 9.192.631.770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins de l'état fondamental de l'atome de césium 133*. Loin de moi l'idée perverse de provoquer un conflit entre écolos, confiants en la nature, présumés partisans de l'horloge de la révolution terrestre, et productivistes fanas du nucléaire, probables sectateurs du temps atomique. Mais j'aimerais quand même bien savoir si je suis ou non plus âgé de trente cinq secondes. Et si notre planète, qui, quand elle était jeune, il y a trois cents millions d'années, bouclait sa virevolte en moins de vingt-deux heures, va bientôt, de plus en plus poussive, nous faire des journées de trente-cinq heures. Au point de me laisser demain fêter mon centenaire alors que j'aurais, sans m'en rendre compte, dépassé les cent quarante. En chaise à porteurs ou en fauteuil roulant...




* Ce n'est pas une blague !