J'entends à la radio tous les
jours, plusieurs fois par jour, que le virus est toujours là. Et que neuf
personnes sur dix qui en décèdent ont plus de soixante-cinq ans. L'insistance
mise à répéter ces nombres m'a fait soupçonner un instant une introduction subreptice
d'une nouvelle définition de l'âge pivot. Je me suis même demandé si en ces
temps d'entre-confinements cela ne risquait pas d'inciter de façon subliminale des
actifs à maugréer. A se plaindre de devoir se pourrir la vie pour y garder les
ainés dont ils paient les retraites... Mais, non, je n'en imagine aucun disant crûment,
comme tel autre à propos de l'environnement : la solidarité
intergénérationnelle "ça commence à bien faire"...
Mon point concerne les chiffres. Neuf
sur dix de plus de soixante-cinq ans ? Le concept de personne à risque prend là
une dimension des plus palpables... Aussi nul ne s'étonnera que je n'aie pu me
contenter d'une statistique aussi lapidaire. Je suis en effet allé y regarder
de plus près et voici ce que j'ai appris. D'abord les trois quarts des
personnes décédées du covid ont plus de soixante-quinze ans. Oui, seulement les
trois quarts. La perspective de succomber au virus diminue donc avec le grand
âge. En creusant plus avant j'ai même découvert qu'il n'y a plus qu'un défunt
sur deux qui ait dépassé l'âge de quatre-vingt-quatre ans (l'âge que
j'atteindrai justement vers la fin de ce macronnat). La chose m'a paru
suffisamment encourageante pour que je m'intéresse aux centenaires. Eh bien,
les ratios de MM. Véran et Salomon n'en font pas état. Ce qui signifie que le nombre
de centenaires morts de l'épidémie est, sinon nul, du moins tout à fait négligeable.
La conclusion est claire : il suffit de tenir jusque-là. Tenir, pour être tiré
d'affaire. Tenir, quoi qu'il en coûte !
J'exhorte donc les gens de ma
génération à ne pas compromettre cette chance unique. Frères et sœurs, amis du trois
ou quatrième âge, que vous soyez septua, octo ou nonagénaires, continuez à vous
préserver de la contagion. Même s'il faut pour cela que vous n'alliez plus vous
dandiner de sitôt à aucune teuf ou free-party. Même si, sérieusement cette fois, il faut
renoncer à vous pinter et shooter à aucun woodstock de province, fût-il niçois
ou nivernais. Même s'il faut vous résigner pour un temps à ne plus rejoindre
aucune rave clandestine. Et vous priver ainsi du bonheur de vous
y soûler de tribecore, de breakbeat ou de psytrance, diffusés à pleins tubes depuis
ces énormes murs d'amplis, depuis ces grappes d'enceintes sono suspendues
au-dessus de vos têtes qu'on appelle des... clusters 1.