J'entends
à la radio qu'il faut vraiment faire attention à ce que nous mettons dans nos
assiettes. On nous alerte de toutes parts à l'approche des fêtes. Mais je veux
rassurer nos amis. Marinette et Pamphile, Léonor et Désiré, soyez sans crainte
: quand vous viendrez partager notre réveillon, vous ne courrez aucun danger.
J'y veillerai personnellement.
Léonor,
tu le sais, nous avons déjà banni le foie gras et les huitres, depuis que tu nous as
convaincus qu'il est aussi inhumain d'avaler les fines de claire vivantes que
de gaver les oies. C'est une cause entendue.
Toi, Pamphile, qui raffoles des
plats du terroir, tu seras d'accord pour qu'on renonce aussi au cassoulet et à
la choucroute. Tu sais maintenant que la saucisse, qu'elle soit de Toulouse, Montbéliard
ou Strasbourg, nous expose au cancer, tout comme le lard, la couenne, le jarret,
l'épaule et l'échine de porc. En fait, rien n'est bon dans le cochon. Tout est
cancérigène. Enfin, cancérigène ou cancérogène. Si c'est ogène, ça favorise
l'apparition du cancer ; si c'est igène, ça facilite son développement. Donc si
tu manges ogène avant igène, tu es foutu. Mais si tu fais l'inverse, disons les
saucisses après la viande, tu risques moins. En principe... Mais ce n'est pas tout
à fait sûr, alors on fait une croix dessus. Déjà que ce n'est ni halal ni casher...
Désiré,
tu vas nous dire : "Pas de souci, faites nous donc une petite fondue
bourguignonne, ou un bon civet de biche". Mais, malheureux, à la fin 2015
tu auras sans doute déjà bouffé un demi-quintal de viande rouge. C'est moitié
trop ! Retiens bien ça : une livre par semaine, maxi, sinon, un de ces jours,
ton colon va te rappeler à l'ordre, recta !
Par contre, sur un sac de jute, est-ce qu'on peut trouver facilement la provenance, la traçabilité, les informations nutritionnelles, tout ça ? C'est à voir...
Bon,
chers amis, nous tenons beaucoup à vous, vous le savez. Alors pour le réveillon
nous allons faire simple et sûr. Pour une fois je ferai la cuisine moi-même. Nous
nous régalerons uniquement de pain complet, riche en fibres, et de végétaux du
jardin, garantis sans pesticides, cueillis sur place le jour même, sans
transport ni empreinte carbone. Nous les dégusterons crus, bien entendu, pour
ne laisser perdre aucun nutriment, aucune enzyme ni la moindre vitamine. Et nous
les mastiquerons lentement pour ménager nos estomacs.
Je
sais : notre potager se limite à quelques jardinières de balcon, où ne pousse
que du géranium. Mais je vais me renseigner. Ne vous inquiétez pas. Je vais quand
même m'assurer qu'il ne s'agit pas de géranium 235 radioactif.
*Comme
mon grand-père à Brionne, dans l'Eure, après la guerre...