22 août 2012


N° 87              Volare, oh, oh…

 
J'entends à la radio que des compagnies "low cost" n'embarquent dans leurs réservoirs que juste assez de pétrole pour voler jusqu'à destination. Sans le moindre baril de sécurité ! Même Air France ! Souvenez-vous : contraint de faire un détour et de se poser en chemin pour faire le plein, un équipage a dû faire la manche auprès des passagers pour payer le pompiste ! On suspecte un essai de bas cout, en coup bas…
 
Il faut en être bien conscient, l'avion c'est d'abord une question de poids. Il faut du kérosène en plus pour emporter le kérosène en trop puis du kérosène en rab pour trimballer le kérosène en plus et ainsi de suite... De toute manière on va faire la chasse aux kilos superflus, tant du côté des compagnies que des tours opérateurs. Pour commencer, le prix du billet dépendra du régime du passager, qui passera sur la bascule à l'enregistrement. Et s'il souhaite disposer à bord d'une petite réserve de pétrole pour parer aux imprévus, il lui faudra présenter sa nourrice et se peser avec elle (prévoir cinq litres par personne aux cent kilomètres). Même chose s'il a vraiment l'intention de manger. On le pèsera avec sa musette : il en aura de toute façon le contenu sur les genoux ou sur l'estomac, ce qui ne change rien pour les réacteurs. Mais si chacun se charge de son casse-croute (comme au bon vieux temps des wagons en bois de troisième classe et des escarbilles…) on pourra se passer d'hôtesses et de stewards. Cela fera quelques quintaux de gagnés.
 
Une autre idée est à l'étude pour les charters : plutôt que de s'encombrer pendant deux semaines, une fois sous les cocotiers, des vêtements chauds portés pour gagner l'aéroport, on les laissera en consigne. On se couvrira pour monter dans l'avion de ces blouses qui ne trouvent plus grâce à l'hôpital (au passage : plus de portique ni de fouille au corps, économie sur les équipements et le personnel au sol). Puis on empruntera à l'arrivée, dans un vestiaire pourvu par le voyagiste, des tenues légères à sa taille. Plus de bagages, vingt kilos de moins par personne, au moins dix litres de kérosène sauvés par tête de pipe !
 
Et puis, à l'accueil dans l'appareil, tout passager titulaire d'un CCP de technicien de surface sera invité à prendre le manche à balai en main. Et cela fera encore dans les quatre-vingt kilos de pilote, de casquette et de galons laissés à terre !
 
 

9 août 2012


N° 86              Cock-a-doodle-do


J'entends à la radio qu'on a reculé d'une place au classement des JO. C'est déplaisant… On n'est plus que sixièmes. Et ça pourrait se gâter en fin de semaine, vu que les Kazakhs nous collent aux baskets ! Alors écoute-moi, on n'attend pas, on fait le point maintenant. De quoi on parle ? Du nombre de médailles d'or ? Et l'argent et le bronze, ça compte pour du beurre ou du chocolat peut-être ? Faudrait pas oublier qu'au nombre total de médailles on est trop bien placés : les Coréens sont derrière nous !


Ah bon, les Japonais nous passent devant ? Evidemment, c'est facile… Si tu mets toutes les médailles dans le même panier, sans t'occuper du métal et de la couleur, c'est pas la peine de se fatiguer à arriver premier. Moi, je te le dis, il faut mettre l'or à trois points, l'argent à deux et le bronze à un. Ca c'est honnête. Et à ce compte-là on est cinquièmes. Derrière les Chintoks, les Ricains, les Rosbifs et les Russes. Tu te rends compte ? Derrière les Chintoks ! Ils sont un milliard trois cents millions, vingt fois plus que nous ! Ca aussi, c'est facile… Tiens, c'est comme la guerre de sécession : c'est sur, si les sudistes avaient été plus nombreux, les nordistes auraient drôlement pris la pâtée. Et bien nous, si on était cent millions et les Chinois aussi, nous, aujourd'hui on aurait déjà quarante-trois médailles. Tandis qu'eux, ils en auraient, je sais pas, on va dire, six ou sept, pas plus.
 
C'est clair, on est les meilleurs. Les Ricains, ils font que du sport à l'université, et bien ils n'en ramasseraient pas deux douzaines. Les Russes, ils ont de beaux restes, mais ils n'en feraient pas trente-six. Bon, je sais, il y a les Kazakhs, qui sont quatre fois moins que nous. T'as raison, eux, ils en auraient cinquante-huit. Mais si tu vas par là, les deux millions de Slovènes, ils en récolteraient deux cents. Et les quatre-vingt mille Grenadins ? Mille deux cents ! Moi je te parle de ceux qui font toutes les compètes, de ceux qui participent pour de bon. L'important c'est de participer. Un petit pays que tu sais même pas où il est, avec un seul gus qui pique une médaille, ça compte pas. Nous, on est les meilleurs des concurrents sérieux, c'est clair.
 
Les Rosbifs ? Non, j'ai pas oublié les Rosbifs. Ouais, ils sont presque autant que nous et ils ont davantage de médailles. Mais, dis, ça se passe chez eux ! Ils sont sur place, pas dépaysés, pas décalés. Avec Dad, Mom, Grandpa, Grandma, la famille et tous les potes sur les gradins. C'est dans leurs stades et va savoir ce qu'ils ont collé dans la piste pour que ça les arrange… Ca se court dans les parcs, dans les rues où ils trottinent et pédalent tous les dimanches. Et ils nagent et ils rament dans leur flotte. Ca aide, non ?
Et puis toi, quand tu as du monde à la maison, tu donnes les meilleurs morceaux à tes invités et tu te sers en dernier, s'il en reste. Tu t'installes pas au salon, à faire le beau. Tu la ramènes pas, tu t'occupes discrètement de la cuisine et de la plonge. Je suis pas chauvin, tu le sais, mais je vais te dire : si les JO avaient eu lieu à Paris, nous on n'aurait pas eu le culot de rafler autant de médailles que les Anglais. Parce que nous on a des principes et de la pudeur. Nous on est des gentlemen, nous on est fair-play…