J'entends à la
radio le Ministre de l'Education nationale, Monsieur Blanquer. Ah, tu ne le
connaissais pas encore ? C'est lui qui a pris la place (et le contre-pied...)
de Najat V-B. Retiens bien son nom : on dit qu'il s'y préparait depuis
longtemps, donc il a envie de rester ! Le sujet du jour c'est l'égalité entre
filles et garçons. Rien à voir avec la grammaire inclusive : il a déjà donné
(son avis) et même tweeté là-dessus. Ce qu'on lui demande cette fois c'est
comment empêcher les garçons d'occuper toute la cour de récré pour jouer au
foot, et de tenir les filles en lisière.
Voilà bien le
genre de question qui ne se posait pas de mon temps... C'était simple : il n'y
avait pas de filles. Enfin, pas de filles à l'école, ni au lycée. Mais on
jouait déjà au foot. Enfin, pas tous... Moi j'ai arrêté assez tôt, après avoir
pris le ballon en pleine poire. Quand tu portes des lunettes, genre bésicles en
fil de fer, et que, sous le choc, les plaquettes s'incrustent dans ton os du
nez, crois-moi, ça fait mal. Bon, il parait que choper le ballon plus bas ne
fait pas de bien non plus (heureusement ma brève carrière m'en a épargné
l'expérience). Donc, je ne jouais plus au foot. Alors, je faisais quoi pendant
les récrés ? A vrai dire, je ne sais plus... Pourtant elles étaient longues les
récrés, le midi après la cantine, et le soir avant l'étude ! Et il y avait un
corniaud qui s'amusait parfois à piquer mon cartable pour m'obliger à le
courser... Sinon, à part jouer aux billes ou à chat perché, ou aux quatre coins
entre les arbres, ou à la pelote contre un mur du préau, je faisais quoi ? Ben,
pas grand-chose... Je devais plutôt glandouiller, assis sur un muret, les pieds
ballants, ou tourner en rond et regarder les autres taper dans la balle. Comme
les filles, finalement...
Mais voilà que
Monsieur Blanquer coupe son intervieweur. Il insinue qu'il doit y avoir un bout
de temps qu'il a quitté l'école (même normale et supérieure). Sinon il saurait
que, de nos jours, on ne joue plus au foot ni à aucun jeu de ballon dans les
cours d'école et de collège. On n'y saute plus à la corde, on n'y joue plus à
la marelle, ni aux osselets. On n'y fait plus de partie de cache-cache, ni de
gendarmes et voleurs, ni de colin-maillard. On n'y connait plus le jeu du
béret, ni la balle au prisonnier, ni Jacques-a-dit, ni 1-2-3-soleil.
Aujourd'hui les élèves, tous les élèves, filles comme garçons, restent le long
des murs. Ils y sont adossés ou assis par terre, à l'écart les uns des autres.
Les écouteurs implantés dans les oreilles, les pouces frénétiques, les yeux
rivés sur l'écran de leur smart-phone, ils courent avec Super Mario Run,
sautent avec Doodle Jump, bataillent avec Clash of Clans, empilent des briques
avec Tetris, les cassent avec Minecraft, tirent au pigeon avec Angry Birds,
jouent au foot avec FIFA Mobile... et s'accordent une douceur à la mi-temps
avec Candy Crush.
Le centre de
la cour est désert. La question ne se pose plus.
Mais, tu sais,
la récré m'aurait peut-être paru moins longue, de mon temps, avec un iPhone...
Remerciements : Je
tiens à remercier vivement Marine, qui m'a très utilement documenté sur les
jeux vidéo populaires dont il existe une version pour téléphone mobile, et
judicieusement conseillé dans le choix de ceux que j'ai cités !