16 décembre 2015

N° 156 - Les ko-taxes


J'avais entendu à la radio Mme Morano, plus lettrée qu'on ne croit, qualifier NKM de "mijaurée". Son ennemie jurée sans doute ? Elles connaissent pourtant la même disgrâce... J'avais retrouvé dans le "Bourgeois gentilhomme" : Voilà une belle mijaurée, une pimpesouée bien bâtie... Je songeais, dans la queue de la caisse 5 du Primini, à m'en servir dans un prochain billet. Pimpesouée, pimbêche... Curieux, ça n'existe pas au masculin. Mais chichiteux, oui. J'inventais déjà des mots à la Sarko : une pimbijaurée tourneboussolée1, une pimbéchouée farfelotte, une pimpêchiteuse enrhubarbouillée...

Mais le ton montait dans la file voisine, celle de la 6. C'étaient encore la brave Huguette et l'incorrigible Léon qui se chamaillaient2 !

-    Vous avez vu, Léon, il y a des produits halal maintenant au Primini.
-    Oui, Huguette, j'ai vu. Juste après le rayon casher et antillais. Et alors ? Il y a des clients...
-    Quand même, Léon, jusque chez nous ? Moi, je suis d'accord avec Mme Kosciuszko: s'ils ont besoin de mosquées, ce n'est pas à nous de payer. Il n'y a qu'à taxer la viande halal3.
-    On se demande ce qu'ils mangent, eux, les Komachinko, avec un nom pareil... Mais je suppose que vous proposez aussi une dime sur la bûche, la dinde et le chapon, pour payer les illuminations de Noël ?
-    Léon, vous n'êtes pas sérieux. Noël, ça fait partie de nos traditions : nous sommes un pays chrétien !
-    Ouais... Mais ça nous coute cher, l'entretien des églises. Tenez, on devrait remettre la gabelle4 sur le sauternes et le monbazillac. Ce sont les vins de messe préférés des curés, vous le saviez ?
-    Léon ! Vous allez blasphémer ! 
-    Huguette, mettez-vous dans la tête qu'on n'est plus au moyen âge. Aujourd'hui on n'obtiendrait pas des Rouennais de quoi payer la "tour de beurre" de leur cathédrale contre le droit de bouffer du beurre, de la crème fraiche et du pont-l'évêque pendant tout le carême5 !
-    Evidemment, Léon, je sais : on est en république, laïque, tout ça...
-    Voilà ! Et l'égalité : on ne paie pour personne. Même les bouddhistes. Vous savez qu'ils sont presque un million en France ? Avec des temples, des ashrams à gérer. Vous n'allez pas proposer de coller une vignette sur leur grand et leur petit véhicule ?
-    Léon, vous me fatiguez ! Je vous parle des églises, des mosquées...
-    Et les gens comme moi alors, nombreux, si nombreux, qui se demandent, comme Souchon : "Et si le ciel était vide ? Et si, en plus, y a personne ?" Et tous ceux qui ne croient vraiment ni à Dieu ni à Diable, ni au côté lumineux ni au côté obscur de la Force6 ? Qu'est-ce qu'on pourrait taxer pour qu'ils aient des endroits où se réunir ?
-    Calmez-vous Léon, calmez-vous. Je ne sais pas, moi... En tout cas pour les mosquées il vaudrait mieux que ni les sous, ni les imams viennent d'on ne sait pas où.
-    Là, je suis d'accord avec vous. Mais au fait, vous savez combien de curés des paroisses de France viennent d'Afrique ? Dites un chiffre, pour voir. A votre idée... Un sur cinq ! Alors, expliquez-moi, Huguette : pourquoi vous n'embauchez pas, ici, chez nous ?





Et pour K&JJ qui apprécient mes notes de bas de page :
2 Vous vous souvenez des "Mots //" n°129, du 9/9/2014 ?
4 Le mot vient du provençal gabela et désignait à l'origine un impôt indirect, prélevé notamment sur des articles de la production industrielle ou agricole en France durant le Moyen Âge et l'Ancien Régime (gabelle des vins, des draps, du blé).
5 Je n'apprends rien aux Normands. Les autres consulteront http://www.rouen-histoire.com/Cathedrale/tour_de_beurre.htm
6 Star wars, of course...


2 décembre 2015

N° 155 - Sic transit


Pas facile de reprendre ses habitudes après ce qu'il s'est passé... Ni de se remettre, sans entrain, à écrire des futilités, qui feront au mieux sourire jaune. Et qui paraitront fatalement aussi fades et maladroites que prématurées et déplacées. Mais il ne faut pas nous laisser faire. Alors, essayons.

Ce préambule inhabituel me donne l'occasion d'adresser un clin d'œil à mon cadet, le "verbicruciste invétéré". Nous venons de nous rejoindre : lui à la tête de 155 grilles, moi de 155 billets ! L'œillade est d'autant plus appuyée que je vais m'aventurer ici dans ce qui fut un peu sa spécialité médicale. Au risque de me rendre suspect de... carabinade.



     J'ai entendu à la radio ce pauvre François Morel, qui aurait aimé parler d'autre chose. Mais de quoi ? Le carnage commis froidement par des tueurs complètement givrés nous a tous glacés d'effroi. Alors, la Cop21 peut-être ? Oui, pour nous réchauffer un peu (mais pas trop quand même)... Et pour parler de vivre, vivre ensemble sur cette planète, plutôt que des soi-disant "fous de Dieu" qui prétendent hâter la fin du monde [1]. Tenez, causons du roi de Suède, qui nous ouvre son cœur et sa salle de bains. Cela fait du bien de se sentir aussi solidaires, presque intimes. Charles XVI Gustave prend sa douche (tous les Suédois ne font pas toilette en se roulant nus dans la neige). Il nous montre sa baignoire, qu'il va faire déposer. Il a honte de ce qu'il faut d'eau chaude pour la remplir, honte des calories gaspillées. Il s'écrie : "Jag hittade (en français : euréka) : supprimons les baignoires !"  C'est sa contribution à la Cop21. Cela me rappelle une définition chère aux cruciverbistes : vide les baignoires et remplit les lavabos. L'entracte... les salles de spectacle... Non, parlons d'autre chose.

     Oui, des Suèdois encore. Un tiers des bus de Stockholm roulent maintenant au biogaz produit par la fermentation de ses eaux usées. C'est-à-dire, ne tournons pas autour du pot, des déjections [2] de ses habitants [3]. Sans distinction de couleur, de sexe ni de religion. Non plus que de cuvette, à l'occidentale ou à la turque. Mais évitons les digressions... Rendons plutôt ce qui lui est dû à César, c'est à dire au trône d'Angleterre : voilà un an que le premier bio-bus circule à Bristol [4]. Une ville plutôt connue jusqu'ici pour son papier, qu'on associe difficilement aux lieux d'aisance. 
     On le voit sur la photo, on n'y fait pas mystère de l'origine du carburant. S'ils suivent cet exemple les autocars promus par M. Macron trouveront grâce aux yeux des écolos. Surtout s'il n'est pas nécessaire de faire le plein à l'usine à gaz. Car JCDecaux ne tardera probablement pas à concevoir pour la RATP un sanisibus, aussi convivial qu'autonome. Un rouleau de papier recyclé y tiendra lieu de passe Navigo. Pas question cependant de double-decker, gentlemen upstairs, ladies en bas. Non, tous ensemble, tous ensemble. Mais parlons d'autre chose...

     Ce mode de fonctionnement vaudra aussi pour les voitures, naturellement. Il suffira de modifier les sièges et de les relier à un petit fermentateur dans un coin du coffre. Du coup le covoiturage aura le vent en poupe (?) : plus on sera, plus on ira loin. Et c'en sera fini du principe des précautions avant de partir. Aucun problème non plus avec les deux roues : les motards pourront rouler plein-pot. A la maison même, un méthaniseur domestique bouclera la boucle en faisant tourner le compresseur du frigo. Grâce à de substantielles... exonérations.

     Encore un mot quand même. On sait jusqu'où Vladimir Poutine se dit déterminé à buter les terroristes [5]. Maintenant que nous sommes presque coalisés, demandons-lui de leur laisser deux minutes, rien que deux minutes. Le temps de faire quelque chose pour nous, et pour la planète. Et n'en parlons plus.








[1] Il s'agit là d'eschatologie (du grec eskhatos, dernier, et logos, discours) : croyances relatives aux fins dernières de l'homme et de l'univers. 
[2] A ne pas confondre avec scatologie (du grec skôr) : propos ou écrits grossiers où il est question d'excréments.