J'entends à la radio que bien des
gens aimeraient qu'on y parle plus souvent des fins de mois que de la fin du
monde. Ma pension et mon âge m'exonèrent aujourd'hui de l'un et l'autre soucis et
je pourrais me contenter d'écouter les bons tuyaux pour la fin de la semaine ou
la fin décembre. Mais je ne suis pas du genre à dire "après moi le
déluge", tel le Bien-Aimé, et je m'inquiète quand même un peu : au final, comme
on dit maintenant, le commencement de la fin des haricots est-il vraiment pour demain
?
Normalement nous avons encore devant
nous six cents millions d'années à peu près tranquilles avant que le soleil s'enfle
lentement, devienne de plus en plus mahousse, de plus en plus brulant et nous
rôtisse tous à petit feu vif, jusqu'au dernier. A moins que d'ici là un autre mastard
d'astéroïde ne tamponne notre planète et ne cause notre disparition brutale, sans
prévenir, comme c'est arrivé à ces balourds de dinosaures il y a seulement soixante-cinq
millions d'années. A moins encore qu'un nouvel enchainement de plissements, de
séismes et d'éruptions monstrueuses, comme il y a deux cent cinquante millions
d'années, ne libère tellement de poussières et de gaz à effet de serre que la
température du globe s'élève, en allant jusqu'à provoquer, pour tout arranger, un
énorme dégagement de méthane depuis le fond des océans. D'après les savants géo
et paléontologues la température avait alors augmenté petit à petit de dix
degrés. Ce à quoi quatre-vingt-quinze pour cent des espèces marines, comme les
trilobites proetidae pourtant caparaçonnés, et les trois quarts des espèces terrestres,
comme les agiles pélycosaures à voile, n'ont pas eu la chance de survivre(1).
Pour seulement dix petits degrés de plus, en cinq cent mille ans !...
A propos, nous n'allons sans doute pas
réussir à limiter notre réchauffement à moins de deux degrés d'ici la fin du siècle(2)...
Que voulez-vous, il faut bien se
faire une raison : d'une manière ou d'une autre, de notre fait ou de celui de
la nature, un jour, dans cent ans ou cent millions d'années, le développement, le
progrès, la croissance, la religion, la civilisation, l'amour, tout ça, il n'y
aura plus personne pour en parler...
Mais... va savoir si les espèces inconnues
qui nous remplaceront n'auront pas la radio ?
Pélycosaure à voile
(1) Ce fut la
troisième des cinq fameuses extinctions massives, celle du Permien. On dit que
la sixième est en route...
(2) Soit mille fois plus vite qu'au Permien...
(2) Soit mille fois plus vite qu'au Permien...
Pour
vous permettre de tenir votre éphéméride à jour, voici un petit aide-mémoire :
- Le big-bang, c'était
il y a 13 milliards d'années, un lundi.
- Le soleil a 5
milliards d'années. Il ne lui en reste pas beaucoup plus devant lui : il va s'enfler si bien qu'il
en crèvera.
- La terre est un poil
plus jeune, 4.5 milliards d'années, mais ne fera pas de vieux os si le soleil l'avale
avant de s'effondrer.
De toute façon il nous faudra sans doute encore attendre
quelques dizaines de milliards d'années avant que l'univers, après s'être
rétracté, fasse une fin (?) dans une espèce de big-bang à l'envers. On se tient au
courant !