14 décembre 2020

N° 252 - Tribut révérenciel


J'entends à la radio les mots que martèle un slameur de talent et les waouh de ses fans, qui aimeraient peut-être scander à leur tour :

Vade retro covid, virus pestilentiel !
Epargne-nous, Véran, ton débit torrentiel,
Tes chiffres inquiétants, précis et séquentiels,
Qui croissent chaque jour d'un pas incrémentiel
Et forment un graphique au galbe exponentiel
Toujours plus éloigné d'un tracé tangentiel...
Désertons sur le champ nos nids résidentiels
Négligeons, l'air de rien, les gestes prudentiels
Sans plus nous imposer le choix pénitentiel
D'éviter les endroits aux afflux démentiels
Et ne plus fréquenter que ceux, confidentiels,
Où l'on échappe encore au tout concurrentiel.
Résistons de pied ferme au tri différentiel
Entre le quotidien, sérieux et substantiel,
Et le facultatif d'ordre préférentiel :
Le rêve, les loisirs et l'événementiel.
Zappons, zappons ce mot, ce mot présidentiel
Mot fâcheux d'un laïus, blabla circonstanciel
Prononcé de là-haut en mode distanciel.
Vive Grand Corps Malade, homme providentiel,
Qui remet à l'honneur le bon référentiel
Pour qu'on désigne, enfin, ce qui est... essentiel*.


Ouais... Mais, en attendant, restons très, très prudents !


*Voir : https://www.youtube.com/watch?v=NencPkx7qgY

30 novembre 2020

N° 251 - Circuit court

 

J'entends à la radio que nous n'aurons bientôt plus besoin d'aller ni chez le boucher ni au supermarché pour acheter du beefsteak. Le louchebem1 commence d'ailleurs à se faire de la bile. Non, non, je ne te parle pas de steaks végans tout en pousses de soja et sang de betterave. Nous ferons de l'élevage nous-mêmes, à la maison. On s'en inquiète grave, tu penses, dans les chaumières du Charolais comme dans les bergeries de Haute-Provence... Parce que toute la filière est concernée, chevillards et équarisseurs compris. Mais non, ne crains rien, nous n'aurons pas à nous charger de ça. Et que nous n'ayons pas le moindre bout de terrain ni même un jardin n'est pas un problème. Je te l'ai dit : nous ferons de l'élevage à la maison. Eh bien... où tu veux : à la cave, dans le garage ou un coin de placard. Mais qui te parle d'installer un clapier sous la télé ? Il n'est pas question d'élever des animaux ! C'est fini, ça, de sacrifier de pauvres bêtes pour les bouffer. Il s'agit d'élever de la viande, seulement de la viande. Et rien que des bons morceaux, juste ce qu'il nous faut, au fur et à mesure des besoins. Ca ne prend pas de place du tout.

Je crois que tu es déjà un peu au courant des méga-burgers de viande cultivée ? Oui, la viande obtenue à partir de cellules souches d'onglet ou de rumsteak, incubées et marinées dans du sérum de fœtus de veau. D'accord, ça ne te fait pas trop envie, je te comprends. Tu aimerais pouvoir au moins choisir la race du bœuf, l'âge du fœtus, tout ça...

Mais c'est déjà de l'histoire ancienne, c'est dépassé. Maintenant tu n'auras plus aucun souci, ni de traçabilité ni de maltraitance : tu vas élever toi-même des cellules prises sur tes propres joues, avec un grand coton-tige, façon covid. Puis tu les laisses proliférer, foisonner, pulluler dans un bouillon de sérum périmé, le tien tant qu'à faire. Et quelques semaines plus tard, à table ! Tu dégustes ta joue, oui ta joue, en miroton, aux carottes nouvelles et aux petits oignons. Bien sûr, une fois que tu t'es fait la main, tu peux te grattouiller ailleurs, essayer ton jarret, ton dessus de côte, ou ton gigot... Et proposer d'y goûter. Imagine un peu nos amis, Désiré, Léonor, toute la bande2 qui vient diner... A qui tu demandes d'identifier celui de tes abattis d'où provient ta daube. Un triomphe ! Evidemment ils veulent tous s'y mettre. Et de soirée en soirée, ici nous partageons du Pamphile en brochettes, là nous nous taillons des bavettes de Marinette. Halal, kasher ou pas, ça n'est plus en question : nous nous entre-bidochons joyeusement dans les plus conviviales des barbacchanales !3


En amuse-bouche


1. Si tu ne connais pas ce mot, je te laisse chercher tout seul...
2. De vieilles connaissances, depuis les n° 146, 153...
3. Je n'invente rien (ou presque) : ce mode d'autoreplication comestible fait l'objet du projet "Ouroboros steak", du nom du serpent mythique égyptien qui se bouffe lui-même par la queue (option facultative).



17 novembre 2020

N° 250 - Pantouflage

J'entends à la radio que le confinement contribue beaucoup à un regain d'activité du commerce des pantoufles. Alors, merci pour la belle paire dont tu m'as fait cadeau*...


J'avoue j'en ai rêvé beaucoup, chez Carr'four
Puis tu m'en as offert, un jour, en velours
Je suis à l'aise
Les pieds dans tes charentaises
Mes deux arpions
Au fond de tes chaussons...

Quand tu voudrais qu'on marche un peu alentour
Je t'entends bien mais à tes vœux reste sourd
J'suis trop à l'aise
Les pieds dans tes charentaises
Mes deux arpions
Au fond de tes chaussons...

Quand nos volets sont verrouillés, double-tour
Quand près du feu tu baiss' un peu l'abat-jour
J'suis trop à l'aise
Les pieds dans tes charentaises
Mes deux arpions
Au fond de tes chaussons...

La vie vaut bien d'être vécue sans qu'on courre
Mêm' confinés en attendant les beaux jours
Prenons nos aises
Restons entre parenthèses
A la maison
Le temps d'une saison...


* C'est sur l'air de La javanaise, bien sûr, et enregistré sur https://youtu.be/cn3yp8QUiJ8.



 

13 novembre 2020

N° 249 - Le lion, l'âne et l'éléphant

 

On sait depuis toujours qu'une caricature
Qui vous donnait d'abord une ingrate figure
Peut voir au fil du temps son sens se retourner
Et faire à son auteur un malin pied de nez.

Il y a de cela plus de cent cinquante ans  
Parut dans un journal du Nouveau-Continent
Un dessin qui montrait un ministre défunt
Sous les traits d'un lion mort auquel, vil et mesquin,
Un âne, un bourricot minable et rancunier,
Décochait lâchement un dernier coup de pied
(1).
Feu le ministre avait servi pendant la guerre,
Celle de Sécession, qui divisa naguère
Les états désunis du rêve américain :
Il était du côté du Nord, Républicain.
L'âne incarnait le Sud du coton, du tabac
Où le camp Démocrate armait le branlebas.
Du pouvoir fédéral ardent contestataire,
Attaché à ses droits de fier propriétaire
Un démocrate alors tenait à l'esclavage
Dont toute plantation tirait un avantage
(Dites, quels changements dans le panorama,
De cette époque-là... à Barack Obama !)
Le parti s'arrangea de l'image ironique
Soulignant du baudet la nature énergique
L'aptitude à porter des fardeaux très pesants
L'entêtement loyal, sûr et persévérant.

 
Quatre ou cinq ans plus tard vint un autre croquis !
Un journal de New York en grand mal de copie
Avait fait circuler d'incroyables bobards :
Le président voulait s'accrocher à la barre
Prolonger son mandat, devenir... empereur ?
Echappés d'un grand zoo, y semant la terreur,
Des fauves se cachaient au cœur de Central Park !
L'humoriste alerté, finaud, chargea la barque
Illustrant un troupeau d'intrigants de tous poils
Dénigreurs du leader présumé déloyal
(On voit même caché sous une peau de lion
Un âne soupçonné d'en être le champion)
Bande qu'un éléphant mettait seul en déroute.
Le robuste animal, la légende l'ajoute,
En opposant son poids au complot des coquins
Symbolisait le grand parti Républicain.
 
Il en est demeuré jusques ici l'emblème
Mais l'image aujourd'hui pose un sacré problème
Car l'homme qui répand les plus fausses nouvelles
Celui qui a recours aux plus grosses ficelles
En ne s'interdisant aucun moyen mafieux,
Qui de la Maison Blanche entend squatter les lieux
Plutôt que renoncer au poste et à ses pompes
Du totem du parti ne garde que... la trompe !


(1) Un clin d'œil à Jean de La Fontaine et sa fable "Le Lion devenu vieux".


28 octobre 2020

N° 248 - D' ??


Tout à l'heure notre président va nous dire comment nous allons devoir vivre dans les semaines qui viennent. Alors, demain, vous vous direz peut-être "C'était le bon temps!" en écoutant cette complainte d'un homme (prétendument...) sauvage et solitaire accablé par le couvre-feu... Pour l'entendre en version originale, illustrée et chantée par l'auteur (!...) cliquez sur ce lien : https://youtu.be/kX4Y-WA0miM.



Je m'enhélicroqueville  
En fond de coquille
La covid est là...
Je me ratatinuscule
Dès le crépuscule
La covid est là...
Je me confinaquemure
Sous la couverture
Ça n'en finit pas
Et la vie devient chagrine
Incoloroquine
La covid est là...


Oh là là
Qu'elle rend la vie dure
Oh là là
Dure dure là...

J'ai le couvre-feu-aux-fesses 
Dès que le jour baisse
Je suis aux abois
Je suis ciné-pas-trop-phile
Lorsque dans la file
On est plus de trois
Rendu resto-bistro-phobe
Par l'ennemicrobe
Qui prospère là
J'ai la ciao-les-gastrite
De peur qu'on m'invite
Ou vienne chez moi...

Oh là là
Ca rend la vie dure
Oh là là
Dure dure là...

Je m'hydro-gel-alcoolise
Et m'emmasquebise
Et pars, quelquefois,
Comme un déambulomade
En dérobuscade
Tout au fond des bois
Loin des rencontrinopines
De copains copines
Mais... c'est pas la joie
Sans bisebécotiller
Ni cajolouiller
Le moindre minois...

Oh là là
Qu'elle rend la vie dure
Oh là là
Cette covid ordure
Oh là là
Cette ordure là...



Vous l'avez peut-être reconnu, cela s'inspire de "Croquemitoufle" une chanson de Gilbert Bécaud, Pierre Delanoé et Louis Amade, interprétée par Gilbert Bécaud (1958) puis Colette Renard (1960). Voir : https://www.youtube.com/watch?v=nzSE3sXeOKA


20 octobre 2020

N° 247 - Atterrés

Nous entendons tous à la radio, à la télé, à la maison, comme au boulot sans doute, l'émotion, l'horreur soulevées par l'assassinat du prof de Conflans. Nous les lisons dans nos journaux, nos mails, nos messages. Je ne me vois pas reprendre ici le cours de mes rubriques futiles comme si de rien n'était. Je n'ai évidemment aucun titre à écrire quoi que ce soit sur le sujet. Si ce n'est le besoin de partager avec celles et ceux qui lisent volontiers mes billets deux ou trois choses qui m'ont remué.

Une pancarte, vue sur BFMTV, brandie sur la Place de la République : "Si Dieu existait, il aurait honte". Oui, certainement, honte des fanatiques qui le trouvent à l'évidence trop tolérant, trop coulant et qui décident de prendre les choses en main, de sévir à sa place, de s'occuper eux-mêmes du jugement dernier. Honte des illuminés qui, finalement, ne lui font pas confiance, ne le trouvent pas à la hauteur.

Cette pancarte, en s'adressant directement à Dieu plutôt qu'à ses saints, est plus sévère encore que la fameuse une de Charlie où le prophète se lamente : "C'est dur d'être aimé par des cons"... Des cons d'extrémistes qui s'approprient ce qu'ils appellent leur religion, en font carrément leur affaire, l'utilisent à leurs fins. Car les hommes continuent à inventer les religions...

J'entends (toujours sur BFM, depuis mon vélo d'appartement) le recteur de la mosquée de Lyon répéter avec force qu'on ne peut pas se prétendre croyant et attenter à la vie, si l'on croit la tenir de Dieu. Pour ma part je crois fermement à la vie (avec une majuscule peut-être) si je ne crois plus guère en Dieu. Ou alors, je confonds les deux ? La vie, on en est sûr ; et c'est à peu près tout... Il y a quelques dizaines d'années j'ai relu par curiosité le credo que j'avais souvent récité. Je ne pouvais plus souscrire à aucune de ses lignes (sauf celles que les historiens confirment : "... a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli"). Et je me demande plus que jamais, pour m'en tenir aux religions d'ici, comment on peut se réclamer de Moïse, de Jésus, de Mahomet ou de Luther, pourquoi pas de Joseph Smith [1], et s'affronter, se trucider, s'exterminer à l'occasion, au nom d'un seul et même être, réputé suprême et bienveillant ?

Alors oui : liberté, égalité, fraternité ça me suffit, largement. Avec laïcité, qui participe des trois. Et j'y tiens.


[1] "Prophète" fondateur des Mormons (16 millions de fidèles) voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Smith.

  

29 septembre 2020

N° 246 - Régime salé

 

J'entends à la radio qu'un collectionneur anonyme a donné au Guggenheim de New York la fameuse banane de Cattelan (1). Il l'avait acquise pour 150 000 dollars. L'art éphémère et périssable, biodégradable et comestible, entre ainsi dans l'un des plus célébres temples de l'art moderne... L'un de ses habitués nous raconte ça, sur l'air de "La ballade des gens heureux", de Gérard Lenorman (2) .


Notre musée n'a pas que des toiles
Car un mécène mystérieux
Lui a fait don de sa banane
Sa banane, c'est généreux, 
Lui a fait don de sa banane
Sa banane, c'est généreux.

Un jeune gardien du patrimoine
Y veill' comme le lait sur le feu
Il ne quitterait la banane
La banane jamais des yeux
Il ne quitterait la banane
La banane jamais des yeux.

Quand un jour des taches s'y propagent
Quand s'en recroqueville la queue
C'est qu'elle est mure la banane
La banane, c'est pas douteux, 
C'est qu'elle est mure la banane
La banane, c'est pas juteux.

Pour le garde c'est vraiment dommage
Mais, pas le choix, c'est impérieux,
Il faut remplacer la banane
La banane qu'est trop dégueu
Il faut remplacer la banane
La banane qu'est trop dégueu.

Il sait qu'on garde au grenier un pagne
De Joséphine, un pas trop miteux. 
Il y prélève une banane
Un' banan' des dessous fameux
Il y prélève une banane
Un' banan' des dessous fameux
(3).

D'un papier collant il l'enrubanne
Et sur le mur la scotche au milieu
Juste au bon niveau la banane
La banane, c'est minutieux
Juste au bon niveau la banane
La banane, c'est minutieux
(4).

La dame qui vient pour le ménage
Chaque lundi depuis sa banlieue
Recueille les vieilles bananes
Les banan's pour les loqueteux
Recueille les vieilles bananes
Les banan's pour les loqueteux.

Rois de la dèche et de la panade
Migrant, clochard ou chômeur sans boulot
Ils vont se flamber des bananes
A huit cents briques le kilo
(5) 
Ils vont se flamber des bananes
A huit cents briques le kilo...



1.    Une simple vraie banane scotchée sur un mur, de l'artiste italien Maurizio Cattelan... 
3.    Rien à voir avec un banana... slip.
4.    La banane et le scotch sont à la charge du propriétaire et l’installation doit être impérativement placée à 1,72 m au-dessus du sol suivant un angle de 37 degrés.
5.    A raison de 0.86 € pour un dollar et 150 g par banane, le calcul donne même 860 000 €/kg.

31 août 2020

N° 245 - Que d'ô, que d'ô...


 J'entends à la radio qu'on n'aura plus France Ô sur la TNT. Tu me diras que diffuser la chaine d'outre les mers sur la télé numérique terrestre ça ne tombait pas sous le sens... En tout cas le candidat qui avait promis de la maintenir "quoi qu'il en coûte" s'est fait une raison une fois président : il n'y avait pas foule à l'audimat... 

Mais c'était fatal : France Ô, quand on a déjà la Une, la Deux, la Trois, la Cinq, c'est zéro, c'est nul ! De toutes façons, ça ne peut pas marcher avec un seul O. Tiens, Pamphile1, toi par exemple, tu connais le château d'Ô, en Normandie2 ? Non, bien sûr. Ce n'est même pas celui de la O de l'histoire3... C'est clair, aucune chance avec un seul O, même circonflexe. Quand on veut aguicher le client on ne fait pas les choses à moitié. Il fallait doubler l'Ô, la baptiser France ÔÔ cette chaine ou, tout bêtement, la ÔÔ.

 Franchement, tu surferais sur le web, toi, si c'était avec gogle ? Bien sûr que non, même en bluetoth ! Tu n'irais pas non plus tchatcher avec tes potes sur facebok. Ni émailler la conversation de "C'est col, super col" !.. Je parie que tes mômes se feraient prier pour aller au fastfod et qu'ils ne voudraient même pas d'un cokie au gouter. Je te fiche mon billet qu'on ne parlerait ni du Bayern ni du PSG s'ils jouaient au fot. Les bokmakers ne prendraient pas les paris, il n'y aurait même pas deux holigans pour se tabasser à la sortie. Tiens, pendant le confinement, personne n'aurait tenu le coup s'il n'y avait eu que zom pour proposer l'apéro ou une confcall. Et, entre nous, Pamphile, tu aurais vraiment envie de réussir dans le business si on te présentait comme un tycon ? Ca ferait rire le grom de l'hôtel ou tu as l'habitude d'être boké... Tu noierais ton dépit dans l'alcol en écoutant grover le croner du bar et tu n'oserais pas lui demander si la pol du roftop est ouverte. Tu aurais peur qu'il te trouve le lok d'un papy-bomer. Oui, excuse-moi, pas celui d'un clone de Cloney. Peut-être de Dany Bon, et encore... Tiens, puisqu'on est chez les ch'tis, presqu'en Wallonie : s'il avait su que Wellington l'attendait à Waterloo Napoléon n'aurait pas pris la pâtée à Waterlô4, c'est sûr. Mais avec un seul O ç'était foutu d'avance...

 C'est comme ça... Après la Ô de l'outre-mer à l'étale et marée basse on pouvait espérer que le stop-covid de Cédric O5 allait nous protéger de la deuxième vague... Mais, ce n'est pas un scop, ça non plus ça ne marche pas...



1 Un vieil ami qu'on retrouve de temps en temps, depuis les n° 146, 153...

Le joli château Renaissance de la famille d'O (dont François d'O, mignon de Henri III) à Mortrée, dans l'Orne.

3 Celle du roman X de Pauline Réage.

4 C'est le nom wallon de cette commune francophone, à 20 km au sud de Bruxelles.

5 Toujours Secrétaire d'Etat chargé du Numérique.

3 août 2020

N° 244 - Mascotte ?


Venant de Chine, après un détour bergamasque,
Un virus effrayant, suspendu à nos basques,
Pourrait en quelques jours rendre nos poumons flasques !
Aussi, couvrons nos nez et nos lèvres d'un masque.

Gardons au lavabo la visière et le casque
Et savonnons cent fois nos deux mains dans la vasque
Où noyer le virus. Pris dans cette bourrasque
Privons-nous sans regrets de fêtes et de frasques...

N'y pensons plus... Flânons, du rocher monégasque
Au palais d'Avignon, en passant par Venasque.
Goûtons le rosé frais, l'écarlate marasque...

Car nul ne craint ici ce vibrion fantasque.
On le promène en laisse, il rouscaille et renasque1,
Picots drus et dos rond : ce n'est que la Tarasque2 !














2 Même les ch'tis (de Villeneuve d'Ascq ?) s'en doutaient :  dans le midi il y a longtemps qu'on a trouvé mieux que la chloroquine !
3 "Sonnet. C'est un sonnet..." comme dit Oronte dans le Misanthrope. On distingue habituellement le sonnet de forme Marot (aux rimes abba abba ccd eed) du sonnet de forme Peletier (abba abba ccd ede). Me pardonnera-t-on d'avoir cédé à la facilité (!!) en faisant a = b = c = d = e ?





18 juillet 2020

N° 243 - CQFD !



J'entends à la radio tous les jours, plusieurs fois par jour, que le virus est toujours là. Et que neuf personnes sur dix qui en décèdent ont plus de soixante-cinq ans. L'insistance mise à répéter ces nombres m'a fait soupçonner un instant une introduction subreptice d'une nouvelle définition de l'âge pivot. Je me suis même demandé si en ces temps d'entre-confinements cela ne risquait pas d'inciter de façon subliminale des actifs à maugréer. A se plaindre de devoir se pourrir la vie pour y garder les ainés dont ils paient les retraites... Mais, non, je n'en imagine aucun disant crûment, comme tel autre à propos de l'environnement : la solidarité intergénérationnelle "ça commence à bien faire"...

Mon point concerne les chiffres. Neuf sur dix de plus de soixante-cinq ans ? Le concept de personne à risque prend là une dimension des plus palpables... Aussi nul ne s'étonnera que je n'aie pu me contenter d'une statistique aussi lapidaire. Je suis en effet allé y regarder de plus près et voici ce que j'ai appris. D'abord les trois quarts des personnes décédées du covid ont plus de soixante-quinze ans. Oui, seulement les trois quarts. La perspective de succomber au virus diminue donc avec le grand âge. En creusant plus avant j'ai même découvert qu'il n'y a plus qu'un défunt sur deux qui ait dépassé l'âge de quatre-vingt-quatre ans (l'âge que j'atteindrai justement vers la fin de ce macronnat). La chose m'a paru suffisamment encourageante pour que je m'intéresse aux centenaires. Eh bien, les ratios de MM. Véran et Salomon n'en font pas état. Ce qui signifie que le nombre de centenaires morts de l'épidémie est, sinon nul, du moins tout à fait négligeable. La conclusion est claire : il suffit de tenir jusque-là. Tenir, pour être tiré d'affaire. Tenir, quoi qu'il en coûte !

J'exhorte donc les gens de ma génération à ne pas compromettre cette chance unique. Frères et sœurs, amis du trois ou quatrième âge, que vous soyez septua, octo ou nonagénaires, continuez à vous préserver de la contagion. Même s'il faut pour cela que vous n'alliez plus vous dandiner de sitôt à aucune teuf ou free-party. Même si, sérieusement cette fois, il faut renoncer à vous pinter et shooter à aucun woodstock de province, fût-il niçois ou nivernais. Même s'il faut vous résigner pour un temps à ne plus rejoindre aucune rave clandestine. Et vous priver ainsi du bonheur de vous y soûler de tribecore, de breakbeat ou de psytrance, diffusés à pleins tubes depuis ces énormes murs d'amplis, depuis ces grappes d'enceintes sono suspendues au-dessus de vos têtes qu'on appelle des... clusters 1.



1 Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Cluster, en musique.



Dessin emprunté à La Ziq à Caz


25 juin 2020

N° 242 - Déconfi...serie


J'ai entendu à la radio que la police de Bayonne est allée distribuer des bonbons aux enfants qui reprenaient l'école, sans doute pour "recréer du lien" et "restaurer l'image" ? Un de ces écoliers gâtés a bien voulu me raconter ça avant de partir en vacances1. Il a même eu le bon goût de me le chanter sur l'air d'une vieille chanson égrillarde : Chandernagor, de Guy Béart2 (un ancien, déjà disparu, de mon école à moi)...

(En deux versions, sans le son ou avec  : https://youtu.be/PFZSGStsfDU).


Ils avaient, ils avaient
Des Carambars gros modèle
Ils avaient, ils avaient
Des Carambars à poignée
Pour nous seuls, pour nous seuls
Ils balançaient à la ronde
Des tapées de pralines
Des volées de Carambars
Pas question
Dans ces conditions
Qu'on se débine ou qu'on se débande...

Ils lançaient, ils lançaient
Des Marshmallows élastiques
Ils lançaient, ils lançaient
Des Marshmallows ronds et noirs
Et nous seuls, et nous seuls
En avions plein les mirettes
Plein les yeux, plein la vue
De ces super Marshmallows
Pas question
Dans ces conditions
Qu'on se débine ou qu'on se débande...

Ils lâchaient, ils lâchaient
Des œufs Kinder à surprise
Ils lâchaient, ils lâchaient
Des œufs Kinder détonants
Et nous seuls, et nous seuls
Ne perdions rien de la grêle
De dragées, de valdas
Qui giclaient de ces Kinder
Pas question
Dans ces conditions
Qu'on se débine ou qu'on se débande...

Ils jetaient, ils jetaient
En l'air comme des chouquettes
Ils jetaient, ils jetaient
Des chouquettes à fumée
Et nous seuls, et nous seuls
Ca nous faisait rire aux larmes
D'inhaler, d'inhaler
Les bouffées de ces chouquettes
Pas question
Dans ces conditions
Qu'on se débine ou qu'on se débande...

Ils avaient, ils avaient
Le pot d'Haribos facile
Ils avaient, ils avaient
Le pot d'Haribos copieux
Seulement, seulement
Ce n'était pas ordinaire
Et ça nous est resté
Un moment sur l'estomac
Pas question
Dans ces conditions
Qu'avant longtemps on en redemande...




8 juin 2020

N° 241 - Derniers carats


Nous entendons à la radio l'indignation que soulève le crime de Minneapolis. La réflexion et les débats que cela entraîne ramènent décidément encore à cette chanson de Maxime Leforestier : "Est-ce que les gens naissent égaux en droit, à l'endroit où ils naissent ? Est-ce que les gens naissent pareils, ou pas ?" Pourtant son refrain - qui s'insurgeait déjà contre la brutalité - n'est pas facile à retenir : "Nom'inq wand'yes qwag iqwahasa (quand on a l'esprit violent, on l'a aussi confus)" !

C'est en langue zoulou, une raison de plus pour raconter dès maintenant la suite de ma journée à Oranjemund*. C'était il y a bien 40 ans mais j'en garde des souvenirs qui m'ont marqué. Dont un que je ne crois plus possible de voir aujourd'hui puisque bien des choses ont heureusement fini par changer dans cette partie du monde.
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Nous quittons l'aérodrome et nous dirigeons vers la ville : en fait c'est, au milieu du désert et de nulle part, un lotissement de grandes maisons basses et semblables, couleur ciment, entourées de larges pelouses arrosées en permanence, où vivent les cadres de la mine de diamant et leurs familles. Nous sommes partis tôt de Cape Town aussi nous allons d'abord déjeuner, au mess destiné aux visiteurs. Je ne m'attendais pas, dans ce désert, à ces tables rondes couvertes de longues nappes blanches et d'argenterie... Nous sommes servis par un maître d'hôtel stylé dont la carrure et la dignité m'intimident. On me dit qu'il est probablement de l'ethnie Ovambo. Je n'ai pas oublié ce mot, ni mon impression de voir sur son visage, tellement noir, des reflets bleu marine...

Nous gagnons l'entrée de la concession. C'est plus sérieux qu'un poste frontière. Le territoire de la compagnie s'étend sur des centaines de kilomètres le long de la côte sauvage et sur quelques dizaines en largeur. Il est fermé par un véritable rideau de fer : hautes clôtures barbelées, chemin de ronde ratissé... On laisse la voiture à l'extérieur : on en prendra une autre de l'autre côté (à peu près rien de ce qui entre dans la mine ne peut en sortir). Les autorisations d'accès et les cartes d'identité sont minutieusement contrôlées. Mais ce sera plus strict encore au retour : on passe à tour de rôle devant une longue glace sans tain d'où l'on se sait observé au risque d'être fouillé. Je devrai, le soir, tel un voleur pris la main dans le sac, vider la poche de sable que j'imaginais naïvement pouvoir emporter pour le faire analyser...

Nous roulons maintenant sur la piste. Il n'y a rien, à perte de vue, que du sable et du caillou. On voit des traces de travaux, de terre déplacée, étalée ou mise en terrils. L'océan n'est pas loin, le vent est fort, l'air est salé, chargé d'embruns. Un vrai no man's land... Nous parvenons au bord d'un gigantesque cratère. Plantées dans les gradins étroits de ses parois, des centaines de tubes verticaux pompent l'eau pour tenir au sec l'immense fond de la fouille, vingt mètres au dessous du niveau de l'océan, dont on voit les lames déferler. Là, une énorme excavatrice, véritable usine sur chenilles, tend au bout d'un long bras de charpente métallique une roue dont les godets creusent la terre qu'elle déverse dans un défilé de dumpers géants.

C'est à quelques kilomètres de là que sera construit le mur le plus haut que nous ayons encore jamais conçu, aussi haut qu'un immeuble de 15 étages. Les dumpers graviront une rampe jusqu'à son sommet, d'où ils benneront, dans une cascade de trémies, de cribles, de bandes transporteuses et de centrifugeuses, 40 tonnes de déblai d'un coup... dont ne seront extraits que quelques carats de pierre précieuse.

En chemin vers ce site nous traversons d'autres zones de terrassement, où sont à l'œuvre des flottilles de scrapers, bulldozers et pelleteuses. Nous nous arrêtons pour voir un secteur où le sable a déjà été déblayé, sur des mètres d'épaisseur, jusqu'au roc qu'il recouvrait. Il ressemble aux rochers où l'on cherche des étrilles, chez nous, à marée basse. Il n'y manque que l'humidité des algues. La pierre est nette et propre. On y travaille un peu plus loin. Des cordes divisent le terrain en bandes. Dans chacune un homme penché vers le sol, ou agenouillé, brosse soigneusement le rocher avec une balayette. Les balayeurs Ovambos progressent lentement, de front, sous la surveillance de gardes-chiourme. 
Ils traquent les derniers diamants qui pourraient encore rester aux creux de la pierre. A la fin de la journée ils se hisseront dans la benne d'un camion rouillé qui les larguera près de la baraque où ils logent, à l'intérieur même de l'enceinte de la mine, en plein désert, dans cet environnement invivable. Comme on ne saurait les soumettre tous les soirs à une fouille complète et soupçonneuse, ils n'auront de permission de sortie que dans quelques semaines, ou quelques mois...

Voilà le souvenir tenace, ineffaçable, qui ne devrait plus être d'actualité**. Je l'ai déjà souvent raconté, comme par besoin de m'en soulager. Derrière tout diamant, qu'il soit sur un diadème, une Rolex, une broche ou une simple bague de fiançailles, je revois toujours le désert interdit d'Oranjemund, la démesure des machines et des engins et, surtout, les fiers Ovambos... à balayette.

"Est-ce que les gens naissent pareils, ou pas ?"



* Voir le n°240, "Micros-mégas".
** C'était du temps de l'apartheid. L'exploitation de la mine était alors concédée au groupe sud-africain Anglo American-De Beers, qui la partage maintenant avec le gouvernement Namibien. Les gisements côtiers seront bientôt taris et on a commencé à extraire les diamants des fonds marins, à partir de navires-usines.