13 novembre 2020

N° 249 - Le lion, l'âne et l'éléphant

 

On sait depuis toujours qu'une caricature
Qui vous donnait d'abord une ingrate figure
Peut voir au fil du temps son sens se retourner
Et faire à son auteur un malin pied de nez.

Il y a de cela plus de cent cinquante ans  
Parut dans un journal du Nouveau-Continent
Un dessin qui montrait un ministre défunt
Sous les traits d'un lion mort auquel, vil et mesquin,
Un âne, un bourricot minable et rancunier,
Décochait lâchement un dernier coup de pied
(1).
Feu le ministre avait servi pendant la guerre,
Celle de Sécession, qui divisa naguère
Les états désunis du rêve américain :
Il était du côté du Nord, Républicain.
L'âne incarnait le Sud du coton, du tabac
Où le camp Démocrate armait le branlebas.
Du pouvoir fédéral ardent contestataire,
Attaché à ses droits de fier propriétaire
Un démocrate alors tenait à l'esclavage
Dont toute plantation tirait un avantage
(Dites, quels changements dans le panorama,
De cette époque-là... à Barack Obama !)
Le parti s'arrangea de l'image ironique
Soulignant du baudet la nature énergique
L'aptitude à porter des fardeaux très pesants
L'entêtement loyal, sûr et persévérant.

 
Quatre ou cinq ans plus tard vint un autre croquis !
Un journal de New York en grand mal de copie
Avait fait circuler d'incroyables bobards :
Le président voulait s'accrocher à la barre
Prolonger son mandat, devenir... empereur ?
Echappés d'un grand zoo, y semant la terreur,
Des fauves se cachaient au cœur de Central Park !
L'humoriste alerté, finaud, chargea la barque
Illustrant un troupeau d'intrigants de tous poils
Dénigreurs du leader présumé déloyal
(On voit même caché sous une peau de lion
Un âne soupçonné d'en être le champion)
Bande qu'un éléphant mettait seul en déroute.
Le robuste animal, la légende l'ajoute,
En opposant son poids au complot des coquins
Symbolisait le grand parti Républicain.
 
Il en est demeuré jusques ici l'emblème
Mais l'image aujourd'hui pose un sacré problème
Car l'homme qui répand les plus fausses nouvelles
Celui qui a recours aux plus grosses ficelles
En ne s'interdisant aucun moyen mafieux,
Qui de la Maison Blanche entend squatter les lieux
Plutôt que renoncer au poste et à ses pompes
Du totem du parti ne garde que... la trompe !


(1) Un clin d'œil à Jean de La Fontaine et sa fable "Le Lion devenu vieux".


1 commentaire:

  1. On a beau s'attendre à une fin d'actualité, on est quand même surpris par la chute , avec élégance et érudition, comme d'hab !

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