21 décembre 2018

N° 212 - Circuit fermé



Je l'entends à la radio mais je te le confirme : Mon vieux ! Le problème de la circulation ça ne s'arrange pas... J'étais dans ma voiture. J'arrive à un rond-point. Je prends le sens giratoire. Emporté par le mouvement, je fais un tour pour rien. Je me dis : "Ressaisissons-nous."
TomTom me dit : "Prenez la première sortie".  Sens interdit. Je me dis : "C'était à prévoir !"
TomTom me dit : "Prenez la deuxième sortie". Sens interdit. Je me dis : "Il fallait s'y attendre !"
Je vais pour prendre la troisième. Sens interdit. Je me dis : "Là, ils exagèrent !"
Je vais prendre la quatrième. Sens interdit. Je dis : "Tiens...".
Je fais un tour pour vérifier : quatre sorties, quatre sens interdits.
Il y a des gens au milieu. Je klaxonne pour les appeler. Deux types s'approchent. Ils ont leurs noms sur leurs vestes : Gilles et John(1) 
-  Il n'y a que quatre sorties et elles sont toutes les quatre en sens interdit ?
-  On sait. C'est nous qui avons mis les panneaux : on est samedi.
-  Alors, pour sortir ?
-  Vous ne pouvez pas !
-  Alors, qu'est-ce que je vais faire ?
-  Tournez et klaxonnez avec les autres.
-  Ils tournent depuis combien de temps ?
-  Il y en a, ça fait cinq samedis.
-  Ils ne disent rien ?
-  Que voulez-vous qu'ils disent ? Ils ont l'essence, sans hausse des taxes. Ils sont contents !
-  Alors pourquoi klaxonnent-ils ?
-  Chaque coup de trompe leur vaut un euro de prime d'activité.
-  Et ce portique au dessus de la route ?
-  C'était pour l'écotaxe. On l'a remonté là. Tu vois le pompon qui danse au dessus des voitures ? Si tu l'attrapes, t'es exonéré de la taxe d'habitation.
-  Mais ce monsieur en déambulateur ?
-  C'est un petit retraité. A chaque tour il réduit de 1% l'augmentation de sa CSG.
-  Et la petite guérite sur la voie extérieure ?
-  Ah, là, c'est Vinci. Si t'as franchi un péage incendié sans casquer, ils réclament un don.
-  Et ce monsieur qui frappe aux vitres et tend une boite aux conducteurs ?
-  Lui, c'est mon père. Toi, quand tu tournes, tu fais un mouvement de révolution autour du rond-point, d'accord ? Eh bien mon père y fait RIC(2) : lui, il la prépare, la révolution.
-  ??
-  Tout ce que tu voudrais voir changer tu l'écris sur un papier et tu le mets dans la boite. Après, il y aura un référendum chaque semaine.
-  Dites-moi ? Qu'est-ce que c'est que cette voiture bleue là, qui double tout le monde ?
-  C'est la police. Priorité ! Ils viennent seulement d'entrer dans le circuit mais ils n'ont pas mis longtemps à ramasser un bon paquet. Mais ne reste pas là, roule, sinon ils vont te virer.
-  Et la camionnette blanche là, qui essaie de s'infiltrer ?
-  Ca ? C'est l'ambulance de l'hôpital. Ils ont peur qu'il ne leur reste encore que des miettes. Allez, roule !
Alors j'ai tourné, j'ai tourné... Il y avait la queue aux entrées. Soudain on a tous pilé et on est partis en marche arrière. J'ai demandé à la dame qui était dans la file d'à côté :
-  Qu'est-ce qu'il se passe ?
-  C'est le SMIC. Le premier ministre a réduit la hausse de 100 à 78 euros !
On a fait deux tours en marche arrière. C'était l'embouteillage aux quatre entrées. La dame m'a crié :
-  Finalement ça sera 118 !
Alors on est repartis dans le bon sens. A un moment, comme je tournais à côté d'une twingo, j'ai demandé aux six jeunes qui s'y serraient :
-  Dites-moi jeunes gens, savez-vous qui va payer ? Le Père Noël ?
-  Tkt, papy(3) ! C'est nous ! Il n'y aura plus de parcours sup, plus d'exams, plus de concours. On va tous faire ENA et Polytechnique. On sera tous ministres ou traders. Alors on sera tous milliardaires et on paiera tous l'ISF. Tkt !
-  OK !... C'est cool...
Tournez manège enchanté...



(1) Oups !...
(2) Re-oups !...
(3) Tkt = T'inquiète ! (en langue "réseau social")

Puis-je rêver meilleur contexte que ce flot de bonnes nouvelles pour vous souhaiter de joyeuses fêtes et une excellente fin d'année ?

Ce billet s'inspire évidemment beaucoup du fameux sketch de Raymond Devos : "Le plaisir des sens". A propos, on se promet bien d'aller voir "J'ai des doutes", le spectacle où l'inégalable François Morel lui rend hommage !




29 novembre 2018

N° 211 - La fin de tout ?


J'entends à la radio que bien des gens aimeraient qu'on y parle plus souvent des fins de mois que de la fin du monde. Ma pension et mon âge m'exonèrent aujourd'hui de l'un et l'autre soucis et je pourrais me contenter d'écouter les bons tuyaux pour la fin de la semaine ou la fin décembre. Mais je ne suis pas du genre à dire "après moi le déluge", tel le Bien-Aimé, et je m'inquiète quand même un peu : au final, comme on dit maintenant, le commencement de la fin des haricots est-il vraiment pour demain ?

Normalement nous avons encore devant nous six cents millions d'années à peu près tranquilles avant que le soleil s'enfle lentement, devienne de plus en plus mahousse, de plus en plus brulant et nous rôtisse tous à petit feu vif, jusqu'au dernier. A moins que d'ici là un autre mastard d'astéroïde ne tamponne notre planète et ne cause notre disparition brutale, sans prévenir, comme c'est arrivé à ces balourds de dinosaures il y a seulement soixante-cinq millions d'années. A moins encore qu'un nouvel enchainement de plissements, de séismes et d'éruptions monstrueuses, comme il y a deux cent cinquante millions d'années, ne libère tellement de poussières et de gaz à effet de serre que la température du globe s'élève, en allant jusqu'à provoquer, pour tout arranger, un énorme dégagement de méthane depuis le fond des océans. D'après les savants géo et paléontologues la température avait alors augmenté petit à petit de dix degrés. Ce à quoi quatre-vingt-quinze pour cent des espèces marines, comme les trilobites proetidae pourtant caparaçonnés, et les trois quarts des espèces terrestres, comme les agiles pélycosaures à voile, n'ont pas eu la chance de survivre(1). Pour seulement dix petits degrés de plus, en cinq cent mille ans !...

A propos, nous n'allons sans doute pas réussir à limiter notre réchauffement à moins de deux degrés d'ici la fin du siècle(2)...

Que voulez-vous, il faut bien se faire une raison : d'une manière ou d'une autre, de notre fait ou de celui de la nature, un jour, dans cent ans ou cent millions d'années, le développement, le progrès, la croissance, la religion, la civilisation, l'amour, tout ça, il n'y aura plus personne pour en parler...

Mais... va savoir si les espèces inconnues qui nous remplaceront n'auront pas la radio ?

Pélycosaure à voile

(1) Ce fut la troisième des cinq fameuses extinctions massives, celle du Permien. On dit que la sixième est en route...
(2) Soit mille fois plus vite qu'au Permien...

Pour vous permettre de tenir votre éphéméride à jour, voici un petit aide-mémoire :
- Le big-bang, c'était il y a 13 milliards d'années, un lundi.
- Le soleil a 5 milliards d'années. Il ne lui en reste pas beaucoup plus devant lui : il va s'enfler si bien qu'il en crèvera.
- La terre est un poil plus jeune, 4.5 milliards d'années, mais ne fera pas de vieux os si le soleil l'avale avant de s'effondrer.
De toute façon il nous faudra sans doute encore attendre quelques dizaines de milliards d'années avant que l'univers, après s'être rétracté, fasse une fin (?) dans une espèce de big-bang à l'envers. On se tient au courant !

5 novembre 2018

N° 210 - Asia Bibi


Il est des événements qui révoltent et font froid dans le dos, mais qui rappellent aussi, inévitablement, une fable toujours d'actualité...


La fureur des ultras sévit avec rigueur :
Nous l'allons montrer tout à l'heure.

Asia se désaltérait
D'un gobelet d'eau fraiche et pure.
Une femme survint qui dit d'une voix dure :
"Qui te rend si hardie à troubler ce breuvage ?
Tu seras châtiée et l'auras mérité !
Tu connais pour ce puits la règle du village :
Nul ne peut y puiser que l'on n'y voit prier.
Fous le camp de ce puits, retire-toi, dégage !
Cette eau est réservée à ma communauté.
Eloigne-toi d'ici, ne bois pas davantage,
Jette ce gobelet ! Va-t'en de ton côté,
Retourne à ton gourbi, ta soif est un outrage,
Ton culte est étranger à notre société."

Mais, répond Asia, d'où vient cette colère ?
Dans toute religion la charité tolère
Qu'on partage entre tous l'eau qui nous vient du ciel
Sans devoir confesser une foi officielle...

Contre Asia Bibi, rebelle,
La loi fut sévère et cruelle :
Elle a fait huit ans de cachot
Pour un petit gobelet d'eau
Qu'on l'accusait d'avoir souillée
De sa bouche à peine mouillée
Mais coupable de prononcer
Ce qu'on tient pour insanité,
Sacrilège, infâme blasphème,
Et lui a valu l'anathème.

La loi l'emporte, et ça dérange,
Sans autre forme de procès*...




* 5/11. Asia Bibi a finalement été acquittée et pourrait échapper à la pendaison. A moins que les fanatiques qui manifestent pour exiger un nouveau procès n'obtiennent gain de cause. En attendant, elle reste en prison...
8/11. Elle vient d'être libérée ! Mais reste en danger, surtout tant qu'elle ne se sera pas réfugiée dans un autre pays.

8 octobre 2018

N° 209 - La puce à l'oreille


J'entends à la radio que les sourds vont pouvoir téléphoner. Moi qui entends déjà "un peu haut", comme on dit en province, je tends l'oreille. C'est vrai, on ne s'en rend pas compte, mais ce n'est pas toujours facile d'appeler, ni de répondre, quand on est dur de la feuille. Mais je crois comprendre que les opérateurs auraient une solution ?

La radio dit qu'à... (ah, Audika... à propos d'Audika, il faut que je passe à la boutique pour faire régler mes appareils) la radio dit qu'à partir d'aujourd'hui les sourds auraient droit à une assistance ? Les bénéficiaires de ce service rendu paieraient... (ah, Duperey... c'est Anny Duperey qui fait la pub d'Audika : elle est partout sur les brochures et les murs de la boutique. J'aime bien Anny Duperey. J'aurais pu la rencontrer quand j'étais jeune : elle allait au lycée de Rouen, comme ma sœur. On se serait peut-être... bien entendus) en fait ne paieraient rien, à condition de ne pas utiliser le service plus d'une heure par an. Autrement dit, pas question de conversations du style : "Qu'est-ce que tu dis ? Tu peux répéter ? Je n'ai pas compris !"

J'avoue ne pas bien saisir comment ça marchera. Je vais faire un test en enregistrant sur mon fixe : "Bonjour. Vous êtes sur le répondeur d'un malentendant. Merci d'y laisser votre message : il me sera transmis par écrit et par la poste avant la fin de l'année". Ca me rappellera la partie d'échecs commencée avec mon correspondant gallois quand j'avais quatorze ans : par courrier, une lettre tous les deux mois, un coup par bafouille. En réalité, si j'ai bien entendu, il n'est pas question de secrétaire mais d'interprète. Mais une interprète qui fera quoi, et comment ? Est-ce qu'elle viendra à domicile pour tout me traduire, au fur et à mesure, en langue des signes (est-ce qu'Anny Duperey connait la langue des signes) ? Non, ça ne doit pas être ça... Ils parlent d'un système développé par une startup. Ca doit être moderne et passer par des ordinateurs.

Pardon ? Tu peux répéter ? Ah, seulement sur les smart-phones. Avec une interprète agitant les mains et les doigts en bas de l'écran. Je vois... Donc je vais avoir besoin d'un nouveau portable. Mais, dis-moi, au total, avec l'interprète, ça va me couter plus cher que les prothèses que Macron a promis de rembourser d'ici deux ans ! Comment ? Tu as dit quoi sur Anny Duperey ? "Ce serait la dernière fois où Anny Duperey" ?... Ah, où Manu duperait les vieux retraités. Oh, tu sais, tu connais l'adage : les promesses n'engagent que ceux qui les entendent...


Notes
- La puce est électronique, bien sur.
- Pour des détails (plus sérieux) voir par exemple : https://www.lejdd.fr/economie/lappli-qui-aide-les-sourds-a-telephoner-3609872
- Pour les promesses, voir : https://www.lejdd.fr/societe/sante/lunettes-protheses-dentaires-appareils-auditifs-comment-fonctionnera-le-reste-a-charge-zero-3679361




25 septembre 2018

N° 208 - Appellation garantie d'origine

J'entends à la radio que M. Zemmour s'est fait remarquer en fustigeant les Français qui portent des prénoms pas très catholiques*. Il est vrai que c'est un peu la pagaille du côté de l'état civil. On se demande pourquoi les choses n'y sont pas aussi claires et nettes qu'à la Sécu. Tenez, moi qui suis né à Rouen il y a quatre fois vingt ans mon matricule est limpide : 1 pour le mâle, 38 pour le millésime, 07 pour le mois, 76 pour le département, 540 pour la commune. Ainsi tout le monde sait d'où je viens, et depuis quand. Cela fait partie des choses qu'on a besoin de connaitre. Je dirai même plus : des choses qu'on aime faire savoir. Si je me décide un jour à changer de voiture -avant de renoncer à conduire- je ferai comme tout le monde : je ne manquerai pas de faire ajouter au coin de la plaque un petit 76 affichant mes racines normandes (un bout de scotch suffira à le transformer en 75 les jours où ma mie prendra le volant).

C'est tellement légitime que je ne comprends pas pourquoi mes parents m'ont fait baptiser Pierre. Sans doute ont-ils cru bien faire : le patronage du plus illustre des apôtres, du premier pape, du porte-clefs du Paradis présentait certainement à leurs yeux toutes les garanties souhaitables. Pourtant le cas de ce barbu n'est pas très clair... D'abord, Pierre, c'est un pseudo, sous lequel il masquait sa véritable identité : Simon Barjona... où barjona signifie "rebelle" en araméen ! Ensuite on ne sait pas vraiment quand ni comment, pour échapper à la persécution, il a réussi à gagner Rome avec ces faux papiers. Il est sans doute passé par la Syrie et la Turquie, avant de traverser un bout de Méditerranée, mais on ignore quelle barcasse de passeur lui a permis de débarquer clandestinement, peut-être dans une petite anse de la côte sicilienne.

Bref, si Pierre est un prénom très répandu et considéré comme très chrétien, j'aurais, à tout prendre, préféré le parrainage d'un saint bien d'cheu nous. Ce n'est pas ce qui manque à Rouen, la ville aux cent clochers ! Ils sont légion ceux qui n'auraient laissé planer aucun doute, aucune ombre sur l'authenticité et la pureté de mes origines. On aurait plutôt dû me baptiser Ouen, du nom du saint évêque qu'honore une grande abbatiale. Ou Maclou, qu'on vénère dans un petit bijou d'église gothique. Ou encore Sever, ou même Nicaise. Bien sur je n'oublie pas mes frères : j'aurais tant aimé pouvoir appeler celui-ci Godard ou Mellon, celui-là Victrice ou Hilaire ; et les plus jeunes, en élargissant un peu l'horizon : Riquier, ou Wandrille, ou Lo tout simplement ; et pourquoi pas Vaast, Prétextat ou Regnobert ? Au moins nous ne risquerions pas de passer pour des métèques, avec nos petits noms passe-partout et tellement cosmopolites !

Dieu me garde d'oublier notre sœur. Mais le choix est plus réduit : à part Thérèse, on n'a guère canonisé qu'Austreberthe au pays normand. La parité n'étant pas de règle sous l'auréole, M. Zemmour admettra peut-être quelques exceptions ?





4 septembre 2018

N° 207 - Pas d'accord !


J'entends à la radio que les Wallons ont du mal avec la grammaire. Deux de leurs "anciens professeurs de français" voudraient la simplifier. J'ignore si l'ancienneté dont ils se targuent est liée à leur âge ou à un licenciement pour faute lourde d'orthographe. Toujours est-il qu'ils voudraient écrire "les crêpes que j'ai mangé" au lieu de "les crêpes que j'ai mangées"1. A la radio, je le reconnais, je ne saisis pas bien la nuance. Leur compatriote Charline Vanhoenacker (comme ça se prononce) essaie sur Inter de rendre la chose plus accessible - sinon aux Bretons, du moins aux Belges - en proposant un autre exemple : "les frites que j'ai mangé" plutôt que "les frites que j'ai mangées". A l'oreille la différence ne me frappe pas davantage...

Dans l'espoir de mieux comprendre ce qui embarrasse nos voisins d'outre-Quiévrain je me tourne vers la presse écrite. Du moins ce que Google en extrait pour moi en son vingtième anniversaire. 

Le Figaro s'est penché sur le sujet2. Je le lis en toute confiance car, en cette matière comme en d'autres, son penchant conservateur en fait certainement un tenant de l'orthodoxie et de l'académisme. Je remarque que Figaro préfère choisir l'exemple du chocolat. Sans doute pour être bien compris, lui aussi, au pays de Leonidas et de Jeff de Bruges. Il rappelle la règle : "Employé avec l'auxiliaire avoir, le participe passé s'accorde en genre et en nombre avec le complément d'objet direct quand celui-ci le précède. Exemple : Les chocolats que j'ai mangés". Puis il pointe la difficulté du doigt : "Seulement, si le COD se trouve après l'auxiliaire avoir, il reste invariable : ils ont mangé du chocolat". Pris d'un doute, je relis, je re-relis... Et je me rends à l'évidence : Figaro n'a rien compris à la question posée par nos Wallons. Les bras m'en tombent : j'en reste... chocolat (😉).

A propos de clin d'œil, j'irais bien en jeter un à ce qu'a pu écrire Le Monde Diplomatique. Mais je crains qu'il n'ait cherché à mettre tout le monde d'accord en prenant un exemple du genre : "Les choux de Bruxelles que j'ai acquis" (cod avant) contre "J'ai acquis des choux de Bruxelles" (cod après).







Accord frites et chocolat

30 août 2018

N° 206 - Taïaut, taïaut !



J'entends à la radio que le vote d'un chasseur vaut deux cents balles. C'est la ristourne sur le tarif du permis de chasse dont M. Macron vient de se fendre, avant les élections européennes... Mais ce ne sont pas deux cents balles à blanc : un chasseur sachant chasser ne saurait chasser sans son flingue. Il ne pratique pas le no-kill, comme le pêcheur qui remet sa prise à l'eau1

Qui plus est, M. Macron (bien briefé par son mentor même pas occulte en gibiers et pétoires2) devrait accorder au courlis cendré, au grand tétras et au cormoran le droit de se faire, eux aussi, bientôt canarder3. Sans la moindre chance, une fois lestés de plomb, de reprendre leur vol et d'être offerts au tromblon suivant, comme feraient les pêcheurs... Il parait que le cormoran paierait ainsi son goût immodéré pour le fretin qui peuple encore les étangs. Cela a tout l'air d'un marché passé entre pêcheurs à la ligne et chasseurs à la carabine, sous prétexte de biodiversité à protéger. Aux dépens, entre autres, de la carpe et du lapin...

En tout cas les marchands d'escopettes se frottent les mains : un jeune qui économise deux cents balles sur le permis de chasse va pouvoir s'équiper correctement. Ce qui ne l'autorisera pas forcément à aller au lycée avec sa sulfateuse made in USA...




2 Si tu ne sais encore rien de M. Thierry Coste, lis par exemple :





11 août 2018

N° 205 - Coups de trompe


J'entends à la radio que Donald Trump sait comment mettre fin à la répétition des feux de forêt qui ravagent la Californie, comme le Portugal, la Grèce et même la Suède. Il a pépié qu'il faut couper les arbres.
On sourit : bon sang, mais c'est bien sûr ! Le réchauffement climatique, c'est du pipeau. On reste confondu devant tant de lucidité. Depuis Jacques de Chabannes, Seigneur de la Palice - qui serait encore en vie s'il n'était mort devant Pavie il y a cinq siècles - personne n'a rien dit d'aussi sensé. Pas d'arbres, pas de forêts. Pas de forêts, pas de feux de forêt ! C'est aussi évident, aussi limpide que pas de bras, pas de chocolat. A-t-on jamais entendu dire qu'on avait envoyé des canadairs arroser le Sahara ? Non. Eh bien voilà, c'est tout, c'est clair. De toute façon, les arbres c'était bon du temps du carbonifère, pour remplir les mines de charbon et les puits de pétrole. Mais aujourd'hui ils sont tellement nuisibles qu'on se demande pourquoi on a tant tardé à les interdire. Ils paralysent le pays en s'abattant sur les routes et les voies ferrées. Ils ruinent le tourisme en écrasant les campeurs dans leurs tentes et leurs caravanes. Ils déciment les populations en attirant la foudre. Enough !

Mais Donald ne met pas tous ses œufs dans le même panier. Il a pépié aussi qu'il faut quand même de l'eau, beaucoup d'eau pour noyer le feu. Pour ça il ne faut plus laisser les fleuves se jeter pour rien dans les océans (1).
On raille : il faut leur barrer la route, comme aux Mexicains, avec de longs murs. De longs barrages, pour former d'immenses lacs où il n'y aura qu'à puiser. C'est simple et facile à comprendre. Quand on pense qu'il y a cinq cents ans - là aussi - Léonard de Vinci, qui passe pourtant pour un génie, s'est fatigué à inventer la vis d'Archimède (ce loser d'Archie n'avait rien breveté, même pas sa baignoire...) pour faire monter l'eau des rivières dans les réservoirs ! Quelle ânerie... Archimède et Léonard ? Des low IQ. Donald, lui, voit juste : il suffit de transformer les rivières en réservoirs. Et si l'on engloutit des forêts du même coup, c'est toujours ça de pris.

Bon... il parait que ces gazouillis, c'est sa manière à lui de dire qu'il faut gérer mieux les Eaux et Forêts. Alors quand il lance le projet, all the way, d'une Force de l'Espace prête à allumer le feu sur le prochain champ de bataille de la guerre des étoiles (2), j'aimerais bien croire qu'il ne fait encore que gringotter, ou... zinzinuler (3)?



(1) August 6, 2018. @realDonaldTrump 
   California wildfires are being magnified & made so much worse by the bad environmental laws which aren’t allowing massive amounts of readily available water to be properly utilized. It is being diverted into the Pacific Ocean. Must also tree clear to stop fire from spreading !

(2) Cf : https://www.sciencesetavenir.fr/espace/systeme-solaire/force-de-l-espace-trump-aura-ses-space-troopers-en-2020_126652

(3) Comme le rossignol, ou la mésange.







17 juillet 2018

N° 204 - Marchons, marchons ?



J'entends à la radio le babillage exalté, le concert de congratulations dithyrambiques qui prolongent à l'envi ces jours de liesse et d'ivresse que j'ai, bien sur, comme des millions d'entre vous chers lecteurs, vécus à la télévision. Je ne voudrais pas qu'on me taxât d'acariâtreté, ni qu'on me fît grief d'être de ces rabat-joie, de ces trouble-fête, de ces pisse-vinaigre ou pisse-froid qui se plaignent toujours que la mariée soit trop belle. Mais, quand-même, il y eut plus d'un loupé inexcusable, plus d'un couac improbable, plus d'un incident stupéfiant qui incitent à penser que, malgré les apparences, notre Emmanuel Monarc est bien loin de tout contrôler...

Nous avons tous vu ces deux brigadiers à motocyclette, habituellement chargés de guider et sécuriser son convoi, se tamponner sous son nez et prendre un gadin qui pourrait leur valoir d'être mutés à la garde républicaine !
Nous avons vu les cracks de la patrouille de France, ces chevaliers du ciel, ces Tanguy et Laverdure de nos forces aériennes, ces super-héros à qui l'on confierait sans hésiter le manche à balai d'un Rafale lourd de missiles nucléaires, se tromper de bouton-poussoir et de feu de Bengale !
Nous avons vu Hugo Lloris, dit "no pasarán", le gardien vigilant et véloce, le garant de l'inviolabilité du dernier carré du territoire, pour tout dire l'ultime rempart de notre défense nationale, en livrer d'un orteil négligent la clé passe-partout à un franc-tireur envahissant !

Nous avons enfin vu le déluge s'abattre soudain des cieux moscovites et détremper sur place les Bleus et l'Emmanuel, comme s'il n'était qu'un vulgaire président normal de l'ancien temps. Nous avons alors mesuré, alors qu'un grand pébroc noir se déployait immédiatement au dessus du tsar Vladimir, mais de lui seul, le degré d'imprévision météorologique, d'impréparation et, disons le, d'amateurisme de l'entourage de notre e-Monarc. "Gouverner, c'est pleuvoir" confessait son devancier, qui avait suffisamment mouillé la chemise, le costard et les fumantes pour qu'on lui prêtât l'oreille sur ce point. Emmanuel dégoulinait... Parmi ses gardes affligés, ruisselant en silence, autour de lui rangés, il y avait nécessairement le porteur de la fameuse mallette. Si quelque crise internationale, fomentée peut-être par l'impavide Vladimir, avait alors nécessité de la sortir du sac, elle aurait pris l'eau de toutes parts et notre arsenal dissuasif aurait fait un gros plouf...

Citoyens, "on est les champions" sans doute. Mais la Patrie n'en est pas moins en danger !




4 juillet 2018

N° 203 - 80 maxi ?


J'entends à la radio que, partout en France, depuis le 1er juillet, beaucoup rechignent à ne plus dépasser 80. Je dois avouer que je me suis demandé si j'allais moi-même me plier à cette limitation. J'en devine qui froncent le sourcil, surpris que je me montre indocile. D'autres qui soulignent que cela concerne justement les amateurs d'itinéraires plus ou moins parallèles, dont la géométrie variable rend la sécurité aléatoire et parfois sujette à caution. 

Mon souci n'est pas là. J'ai précisément ce 1er juillet fêté mes 80 ans, en compagnie d'ailleurs d'un bon nombre de mes fidèles lecteurs. Devant eux je me suis posé la même question que Bécaud, il y a plus d'un demi-siècle : "Et maintenant, que vais-je faire" ? Ma chère épouse, qui m'accompagne avec un léger décalage horaire d'une dizaine d'années, m'a aidé à trouver la réponse, sur l'air (mais pas le ton) d'un succès de Charles Aznavour : "Tu t'laisses aller"...

👩Tu sais, t'es drôle à regarder 
T'es là, tu mang's, tu fais la fête 
Tu chant's, t'arrêt's pas d'rigoler 
Le champagn' te monte à la tête...
👨J'ai un peu bu, ça doit se voir, 
Mais ça me donne du courage 
Pour te dir' que j'ai bon espoir 
De ne pas vieillir davantage.  
J'attendrai qu'on ait le même âge
Pour rallumer tous ces bougeoirs...


👩 Je t'en prie ne dis pas d'sottises
Arrête un peu la vantardise
 
T'es pas sérieux, tu exagères,
Tu prends ça trop à la légère...
👨 Non, tes reproches seront vains
Car après ce premier juillet 
Tu sais qu'au delà d'quatre-vingts 
Faut pas aller, faut pas aller. 

Fair' davantage est défendu
J'ai plus l'droit de changer d'allure
Je vais garder, c'est entendu, 
A jamais la même figure 
La même voix tout de velours
Qui m'a valu l'heur de te plaire 
Les mêmes cheveux un peu courts
La même masse musculaire
Et le galbe extraordinaire
De ma brioche faite au tour.

👩 Comment peux-tu bien t'engager
A n'avoir pas l'air plus âgé
A demeurer le même encor
Voudrais-tu battre des records ? 
👨 Moi ? Pour garder résolument
Cette jeunesse inégalée
Sur le vélo d'appartement
J'vais pédaler, j'vais pédaler...

Et grâce à toi qui prendras soin
De mon régime et d'mes artères
Je ne prendrai pas d'embonpoint
Ma forme sera du tonnerre !
Un peu de marche, un verr' de vin,
Un petit scrabble certains soirs
Une pétanque et un câlin
Tu vois, c'est pas la mer à boire...
Voilà comment je vais pouvoir
Me maintenir à quatre-vingts.

👫 Et quand on aura au compteur
Tous deux quatre-vingts, comme une fleur,
On continu'ra sans s'presser
Sans imprudence et sans excès
On passera sous les radars
Sans jamais être repérés
Et l'on arrivera, peinards,
Sans s'emballer, à cent balais...