14 octobre 2019

N° 226 - Bandes de vaches !


J'entends à la radio(1) que les travaux du professeur Tomoki Kojima vont faire du bruit. Kojima-sensei mène des recherches très pointues à Nagakute-shi, à l'est de Nagoya-shi, dans la préfecture de Aichi. Avec de dévoués assistants (Matsubara-senpai, Uchiyama-senpai, Aoki-senpai(2) pour ne citer qu'eux) il peint des bandes sur des vaches. Sur des vaches de race wagyu, de l'espèce kuroge-washu à robe noire. Il peint des bandes blanches sur les unes, des bandes noires sur les autres.

"Pourquoi des noires – t'étonnes-tu - si les kuroge-washu sont déjà noires ?"  Tu vas comprendre : Kojima-sensei veut vérifier que seule la couleur compte. Banzaï ! Que les vaches soient à poil (noir) ou à peinture noire, les résultats sont les mêmes. Mais pas avec les kuroge-washu rayées de peinture blanche. CQFD !

J'entends que tu t'impatientes : "Mais, les résultats de quoi, punaise ?" Justement, j'y viens. L'équipe de Kojima-sensei compte les mouches, les taons, les guêpes, les tiques, les moustiques qui piquent leurs vaches. Mais aussi combien de fois elles remuent une oreille ou la queue pour s'en débarrasser. Et les conclusions sont claires et nettes : les vaches zébrées sont deux fois moins importunées ! Moralité ? Il suffit de moitié moins d'insecticide.

Tu n'as pas l'air convaincue... Je suis d'accord avec toi, il reste beaucoup à faire. D'abord avec des kuroge-washu entièrement peintes en blanc. Et puis Kojima-sensei devrait sans doute demander à ses homologues du Kenya et du Bengale de peindre des zèbres et des tigres, tout en noir et tout en blanc-jaune, et d'observer les réactions de la tsé-tsé et du moustique-tigre. 

Mais tu persistes à persifler, goguenarde : "Et après, il fait quoi ton Tomoki, pour avoir des bœufs zébrés ? Il croise une wagyu avec un okapi ?" Franchement, ça, je ne sais pas... Mais, tu sais, les wagyu les plus fameuses ce sont celles de Kobe. Pas loin de Nagakute. Le bœuf de Kobe, il est déjà tout zébré à l'intérieur, enfin, persillé, comme on dit. Alors ce ne sera pas trop demander au fermier, qui le masse déjà tous les matins, de redonner en même temps un coup de pinceau à ses bandes blanches...

En tout cas une bonne nouvelle vient de tomber, à peine ce billet publié. Las de se demander chaque jour, consternés, "quelle mouche l'a encore piqué ?" en lisant ses tweets, les conseillers de Trump vont essayer un truc : lui souffler d'aller au bureau (ovale) fièrement drapé dans le "stars and stripes".


(1) C'était samedi matin à la revue de presse de Frédéric Pommier sur France Inter.
(2) Une petite révision de quelques suffixes japonais courants ?
- "Sensei" marque le professeur, le médecin, le maître d'arts martiaux ou un artiste reconnu.
- "Senpai" désigne quelqu’un qui a plus d’expérience qu’un autre dans un certain domaine.
- "Shi" signifie ville, pour celles qui atteignent un nombre suffisamment élevé d’habitants.

Celles et ceux qui aimeraient tout savoir de cette étude d'une grande rigueur scientifique prendront plaisir à consulter la communication mise à disposition sur : https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0223447





10 octobre 2019

N° 225 - Cave... canem ?


J'entends à la radio qu'un boa s'est glissé sur le balcon d'un petit immeuble neuf et pimpant des hauteurs de Marseille. Il venait de filer en douce du terrarium d'une voisine de palier. Il faisait beau, ce n'était plus l'heure du pastis mais bientôt celle du déjeuner. Une petite chatonne se trouvait là, indécise et circonspecte devant sa première écuelle de croquettes. Le serpent n'en a fait qu'une bouchée pelue. Pauvre minette... Comme la grande Zoa, qui fut mangée crue, par son boa*... Le reptile mesurait un bon mètre d'après les premiers témoins. Il en faisait au moins deux corrigea la radio une heure plus tard. Les gratuits distribués le soir sur la Canebière décrivaient un constricteur carnivore atteignant trois mètres. Peut-être un anaconda. Mais c'est Marseille... et on ne connait pas encore le chiffre de la police.

Une semaine plus tôt une panthère noire avait déjà pointé sa truffe hors de la mansarde d'un galetas d'Armentières. Après être resté un moment aux aguets devant le chien-assis, le léopard avait entrepris de suivre à pas souples et comptés les longs chéneaux désertés par les chats de gouttière. Nombre d'Armentiérois apeurés virent ainsi rôder devant les lucarnes de leurs soupentes un Bagheera sombre et silencieux.


Nous avons donc, d'un angle à l'autre de l'hexagone, des voisins qui élèvent et gardent chez eux, plutôt mal, des bêtes sauvages ! Qui sont-ils, sont-ils fichés, font-ils au moins l'objet d'un signalement ? Celui-ci ne serait-il qu'un ardent militant de la biodiversité, désireux de nous en faire partager la richesse en nous offrant de côtoyer au quotidien les animaux de la jungle ? Celle-là anticiperait-elle les effets désastreux du dérèglement climatique en s'habituant à vivre au milieu des espèces tropicales qui migreront bientôt par hordes entières jusque chez nous ? Cet autre, après tout, n'a peut-être que des envies de savane et de safari, des soifs de baroud et de relents de ménagerie que son gros 4x4 SUV tout-terrain ne suffit pas à assouvir ? Par contre celui-là déplore manifestement que le pitbull et le rottweiler se soient trop banalisés et ne fassent plus vraiment peur. Il lui faut, pour se faire craindre et respecter, avoir pour cerbère à tenir éventuellement en laisse un fauve plus rogue et plus redoutable, un carnassier bien plus féroce. A défaut de pouvoir invoquer le second amendement ?
Notre monde s'ensauvage...


* Chez Régine...