18 décembre 2019

N° 230 - Sympa tronc


J'entends à la radio que le curé de Chioggia a viré les troncs de son église et les a remplacés par un TPE de CB. Oh, excuse-moi, je veux dire : un terminal de paiement électronique lecteur de carte bancaire sans contact(1). Tu te doutes que les enfants de chœur font la tronche : plus moyen de récupérer la picaille des cierges avec un chewing-gum au bout d'un lacet ! Et les mendigots, les mains vides à la sortie de la messe, n'ont même pas la consolation de pouvoir crocheter la tirelire... Aujourd'hui c'est sur un compte PayPape que les ouailles du curé de Chioggia donnent à la quête.

Mais ce n'est qu'un début. Car ce curé geek réfléchit à une appli confessbook. Je t'explique, pour le cas où tu te sentirais un peu concerné. Une fois logged in tu retombes sur ta dernière liste de péchés. Si tu sélectionnes "no progress" ta pénitence est reconduite, avec un malus de 10%. Autrement tu décoches les cases des méfaits, sacrilèges et autres stupres que tu penses n'avoir plus commis ; ou, au contraire, tu checkes les FAQ(2) et valides de nouveaux aveux. L'appli calcule alors ta peine, en aves et paters, et la vidéo du padre te bénit. Pas mal, hein ? Ca t'évite des déplacements inutiles. C'est du télétravail sur soi. Après... la communion par abonnement, emballée et livrée à domicile par minipapamobile (oui, ça sert d'auto...) ça n'est peut-être quand même pas pour demain...

Maintenant laisse-moi te raconter quelque chose d'incroyable, peut-être même un miracle. Tu te doutes que pour écrire un billet de ce genre je prends la précaution de vérifier deux ou trois choses sur le web. Le hasard me livre alors quelquefois une info qui tombe à pic. Eh bien, écoute-moi. Tape "curé Chioggia"  sur Google. La première référence concerne un saint homme du siècle dernier. La seconde... une recette à base de Curé Nantais (je ne savais pas qu'il s'agit d'un fromage...) et de betterave de Chioggia, aux cernes roses et blancs. Jusque là rien d'extraordinaire. Mais, attention : don du ciel !! C'est une recette de dos de cabillaud. Don Cabillo !! Moi qui allais renoncer à chercher comment passer de PayPape à Peppone(3)...
Moi qui tenais aussi à ce que ça finisse en queue de poisson ! Histoire, tant qu'à faire un tour en Italie, d'espérer qu'il y ait aussi chez nous, un jour, plein de "sardines" sur les places publiques(4).



(2)   Je traduis ? Frequently asked questions.
(3)   Les jeunes ignorent peut-être tout du petit monde de Don Camillo, le curé de Brescello, et de Peppone le maire communiste du village ? Les nouvelles de Giovanni Guareschi puis une série de films avec Fernandel les ont immortalisés dans les années 50.
(4)   As-tu entendu parler de ce mouvement qui manifeste contre Matteo Salvini, ses discours anti-migrants et fascisants ? Les gens sont si nombreux sur les places où ils se rassemblent qu'ils y sont serrés comme des sardines. Et ils les ont prises pour emblème !
(6)   Pardon de ne pas dire un mot des grèves, de Delevoye, de l'âge pivot : je ne suis (presque) plus au courant de rien... France-Inter est en grève 3 minutes sur 7, alors j'explore les ondes transalpines...



26 novembre 2019

N° 229 - Propre et commun


J'entends à la radio (pas sur France Inter, à moitié en grève...) que le dernier grenelle se serait plutôt bien passé. Du coup on espère (?) un grenelle des impôts pour bientôt. Avant, on s'en souvient (?), on avait eu le grenelle de l'environnement, puis le grenelle de la mer. Mais celui qui se termine ces jours-ci mérite qu'on en dise un mot(1). Même si ça n'est pas facile dans un blog d'audience internationale... Amis lecteurs, vous êtes français, en grande majorité. L'audimètre me révèle que dans les trois jours qui suivent la parution d'un nouveau billet vous êtes déjà plus de cent compatriotes à l'avoir lu. Mais il me signale aussi, de temps en temps, un follower en Pologne ou aux USA, un en Thaïlande, un autre en Australie, ou même en Russie ! Sans compter, deux fois par semaine, avec la régularité du métronome, qu'il y ait du neuf ou pas : cinquante-neuf Italiens ! Cinquante-neuf d'un coup, comme un seul homme. Je ne sais d'ailleurs qui soupçonner : une congrégation romaine ou un automate ? En tout cas, puisqu'ils s'intéressent à mes écrits, je dois veiller à ce que ces allophones me comprennent. Je me doute (pour certains, je le sais...) qu'ils ont recours à des logiciels de traduction. Pour les passages ambigus ces robots carburent à l'intelligence artificielle, qui tient compte du contexte, des fautes de frappe habituelles de l'auteur et de ses marottes. Mais grenelle, ça n'est pas facile : ça ne figure dans aucun dico.
Alors l'I.A. se fie à des similitudes et se contente d'à-peu-près. Pour le grenelle de l'environnement par exemple elle scanne écolo, nature, climat, météo et traduit par : la grenouille du bocal. C'est déroutant... J'allais essayer grenelle des ondes(2), mais ma radio grundig m'égrène les griefs de la grève qui la gangrène, elle (oups...)(3).  J'hésite aussi à tester le grenelle des violences, qui pourrait déraper vers arme, carabine, plomb, grenaille... La grenaille de la violence, ça n'est pas hors sujet, mais c'est réducteur. Et puis il y a grenaille et grenaille, la pomme de terre nouvelle. On en récoltait jadis dans le grenier de Paris qu'était le village de Grenelle... Tout au bout d'une venelle devenue la rue des Ministères.
Là où se tînt le premier de ces conciliabules d'un nouveau genre(4). Ces grenelles dont le nom devenu nom commun prendra place dans l'histoire au même titre que les états généraux. Tout comme au musée Grévin le gilet-jaune côtoiera le sans-culotte et le bobo le muscadin.
A propos, cette grève, hein ?



(1)    Le grenelle des violences conjugales.
(2)    Lancé par NKM en 2009.
(3)   A part pour gangrenelle, je vous dois un mot d'excuse : j'ai des problèmes avec le G de mon clavier, fatigué ou encrassé. C'est vrai. Alors je le fais travailler...
(4)    Il y a cinquante ans ? P...

9 novembre 2019

N° 228 - Deux mots sur le mur


Tout le monde parle ou va parler aujourd'hui du mur de Berlin. Alors, pourquoi pas ici ? Mais disons que c'est un billet hors-série, sans humeur ni humour... Juste deux souvenirs. N'est-ce pas ce qu'on attend plus ou moins des gens de mon âge : qu'ils racontent les souvenirs qui les ont marqués, quitte à radoter un peu... tant qu'il en est encore temps ?


Quand le mur est tombé, il y a trente ans, j'étais à Tokyo pour la semaine. Comme à peu près chaque année j'y animais un petit séminaire des ingénieurs de la branche japonaise de ma boite. Du fait du décalage horaire j'appris la nouvelle en direct (sans doute par CNN, pas à la radio...) le 10 novembre au réveil.
Sitôt ma petite classe installée et les "ohayô, ohayô gozaimasu" d'usage échangés, j'éprouvai le besoin de leur dire avant de commencer : "Vous ne le savez peut-être pas encore, le mur de Berlin est tombé !" Mon émotion était certainement inhabituelle, mon ton même un peu solennel. Je ne sais comment l'interprète l'exprima. En tout cas personne, absolument personne, ne réagit : pas un hochement de tête, pas un "heee", pas un "ussooo !"
Ma déclaration tomba complètement à plat. Un flop ! Aussi nous passâmes à l'ordre du jour. Au Japon, on ne s'affranchit pas comme ça de l'ordre du jour. Il n'y avait évidemment aucun sujet de géopolitique à notre agenda...
Je me suis dit après coup qu'il aurait pu y avoir un malentendu. Nous étions en effet réunis pour parler de notre spécialité, de nos réalisations. Or il s'agissait surtout de grands murs de soutènement. Les mots de l'interprète auraient-ils pu leur laisser penser qu'un ouvrage s'était effondré ? Mais tous auraient alors montré leur stupeur et attendu des détails.
En fait tous ces jeunes gens étaient nés après la guerre. Celle du Japon s'était déroulée en Asie. Ils ne savaient probablement pas grand-chose de ce qui s'était passé en Europe. Et, le Japon s'étant rangé du mauvais côté, tout ce qui risquait de ramener au souvenir de cette époque était peut-être encore tabou ?
Je ne saurai donc jamais si le mur de Berlin n'évoquait rien pour eux. Mais, après tout, que savais-je, moi, de... la situation aux Kouriles, par exemple ?

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Six ans avant qu'il ne cède j'avais eu l'occasion de voir le barrage qui séparait les deux Allemagnes. C'était lors d'un voyage à Geesthacht, notre ville jumelle, près de Hambourg. Nos hôtes nous avaient emmenés voir le "rideau de fer". Au retour j'avais confié ces lignes au bulletin du comité de jumelage.

Die Grenze, la frontière.

Elle est toute proche de Geesthacht, vingt kilomètres à peine, guère plus de trois villages à traverser. Des villages aux larges granges ventrues, tout en briques et colombages ; aux pointes des pignons, comme de petites antennes sur de gros scarabées, deux têtes de cheval stylisées s'entrecroisent.

La frontière, bientôt atteinte, c'est le terme de l'excursion. C'est elle que nos amis de Geesthacht tiennent surtout à nous montrer. Dans la forêt de pins et de bouleaux, une large saignée se coule jusqu'à l'horizon, silencieuse comme un fleuve. Une alternance de hautes clôtures hérissées, de pistes rectilignes, de tranchées bétonnées, de labours fraichement ratissés jalonnés de tours de guet. C'est la frontière, le bout du pays, le "finis-terre". On ne va pas plus loin.

Voilà ce que nos Geesthachters voudraient nous voir comprendre, anxieux de nous faire sentir qu'il s'agit là de leur vie de tous les jours ; voilà ce qu'ils nous expliquent, émus, dans la forêt où le soir tombe : ils habitent au bout du monde. Moins heureux que les Savoyards, ils vivent comme au pied d'une chaine de montagne que ne franchirait aucun col. Moins heureux que les Bretons, ils demeurent au rivage d'une mer sans iles, sans voiliers ni navires.

Aux dimanches de printemps quand il nous prend, à nous, l'envie de faire un tour, le pique-nique est déjà dans le coffre de la voiture que nous n'avons pas encore décidé de la direction à prendre. On hésite entre le château de Chantilly au nord et celui d'Anet à l'ouest. On balance entre la forêt de Fontainebleau vers l'est et celle de Rambouillet, plein sud. Aux dimanches de printemps, à Geesthacht, on n'a pas le choix. Si l'on ne reste pas chez soi, on va vers l'ouest. Ou alors on longe la frontière. Die Grenze, la frontière allemande-allemande.
De l'autre côté (les deux tiers des habitants de Geesthacht y ont de la famille) de l'autre côté on a des frères, des oncles qu'on aimait bien, de jeunes cousines qui ont dû grandir. Mais on n'ira pas les surprendre à l'heure du dessert. Elles ne viendront pas non plus, à l'improviste, présenter leur fiancé.

La frontière... Ailleurs c'est une limite qu'on s'amuse quelquefois à franchir rien que pour le plaisir, rien que pour le dépaysement. Pour reconnaître, à des riens, qu'on a en quelques centaines de mètres changé de décor. Pour s'exercer, laborieusement, à convertir les prix lus dans les vitrines, mettre un point d'honneur à s'expliquer avec la vendeuse, dans sa langue, jusqu'au fou rire. Et puis gagner cent sous sur un article dont on n'avait pas vraiment besoin.
Dans tous les comités de jumelage du monde on a un faible pour les frontières. On s'ingénie à les traverser le plus souvent possible, dans tous les sens, sous le moindre prétexte. Elles sont des portes ouvertes vers d'autres peuples vivant sous d'autres lois ; ouvertes sur d'autres traditions, d'autres cultures, d'autres richesses à découvrir et partager. Au comité de jumelage de Geesthacht, comme chez tous les autres, on adore les frontières ; les vraies. Mais pas la frontière allemande-allemande.                                                                (4/10/1983)

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Le barrage qui séparait l'est de l'ouest est tombé il y a trente ans. On en a dressé depuis, un peu partout, beaucoup d'autres : en Cisjordanie, à Chypre, à Ceuta et Melilla, à Calais, de San Diego à El Paso, en Hongrie... La plupart, cette fois, entre le sud et le nord.



4 novembre 2019

N° 227 - Tu clauses, tu clauses...


J'entends à la radio qu'on n'est pas sorti de l'auberge avec la réforme des retraites ! Les grèves, à la SNCF, à la RATP, les hésitations de Macron, tout ça fait beaucoup causer dans les chaumières et même discuter ferme au Club des Anciens. J'avais du mal à y lire mon journal tellement Huguette et Léon1 parlaient fort. Elle ne rajeunit pas, d'ailleurs, cette brave Huguette...

Léon, dis-moi, cette "clause du grand-père", ça n'est tout de même pas pour les grands-mères ?
Si, bien sur, Huguette ! Les mamies comme les papis. C'est la parité.
Mais... je pourrai quand même continuer à prendre le RER ?
Evidemment ! Aucun rapport. Ca ne concerne pas les voyageurs, voyons.
Bah, oui, quand même... Ca les concerne les jours de grève.
Bon, c'est à moi de jouer ? Voilà : débrayez, avec ton r, deux fois triplé, 9 fois 30, plus 50 pour le scrabble, 320 !
Léon ! 320 ? Mais c'est énorme... Tu as une veine de...
Ta ta ta!... C'est à toi Huguette.
Tu ne m'as pas expliqué pour les grands-pères. Ils n'auront donc plus le droit de prendre leur retraite ?
Comment ça ? Pour eux, justement, il n'y aura rien de changé. Par contre, les jeunes...
Ah... Il faudra être grand-père avant de partir en retraite, c'est ça ?... Mais... si on n'a pas d'enfants ?
Ecoute-moi tranquillement, deux minutes. La clause grand-père ça vient des Etats-Unis.
Je m'en doutais ! Encore ce Trump... Mais je ne savais pas que sa Melania était grand-mère.
Mais pas du tout ! Ca remonte à la guerre de Sécession. Tu situes, le Général Lee, tout ça ?
Yes sir ! Pour qui me prends-tu, Léon ?
Alors, après qu'ils aient bel et bien pris la pâtée2 les sudistes ont été obligés d'accorder le droit de vote à tout le monde. Mais ils ont triché : ils ne l'ont donné qu'à ceux dont le grand-père votait déjà avant.
Attends... ils avaient déjà le RER du temps du Général Lee ?
Mais tu dérailles ! En tout cas ce sont les noirs qui ont été marrons...
Alors ça, vraiment, ça n'est pas juste... Parce que tu sais, Léon, dans le RER, les places réservées aux vieux, eh bien elles sont toujours prises par des gamins qui jouent sur leur téléphone. Ta clause grand-mère, je te jure, ils s'en contrefichent ! Les seuls qui me proposent leur place, des fois, justement, ils sont...
Bon, tu joues, Huguette, oui ou non ?
Ca vient, ça vient... Mais, Léon, dis-moi franchement : s'ils finissent par trouver un boulot, tu crois qu'ils vont bien vouloir continuer à payer les retraites de leurs papis et mamies ?
Euh... j'espère. Mais si jamais on va chercher une "clause orphelin" pour les payer moins cher, ils auront peut-être du mal.
D'accord, d'accord... Je n'ai toujours rien compris, mais ça n'est pas grave3 . Tiens, orphelin, avec le n de banquer, deux fois doublé, 52, plus 5 et 4, et le scrabble, ça fait 111. Quoi, seulement 111 points pour moi ?... Au fait, Léon, mardi prochain, tu voudras bien m'expliquer la retraite par points ?



(1) De vieilles connaissances, depuis les n°129 et 156 !
(2) Ca ne te dit rien ? Va voir : https://www.youtube.com/watch?v=glt4SykkzF8
(3) Tout s'éclaire heureusement avec wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Clause_d%27antériorité (en deux mots une grandfather clause permet de préserver les droits acquis des seniors ; une orphan clause va jusqu'à réduire les droits des nouveaux venus).


14 octobre 2019

N° 226 - Bandes de vaches !


J'entends à la radio(1) que les travaux du professeur Tomoki Kojima vont faire du bruit. Kojima-sensei mène des recherches très pointues à Nagakute-shi, à l'est de Nagoya-shi, dans la préfecture de Aichi. Avec de dévoués assistants (Matsubara-senpai, Uchiyama-senpai, Aoki-senpai(2) pour ne citer qu'eux) il peint des bandes sur des vaches. Sur des vaches de race wagyu, de l'espèce kuroge-washu à robe noire. Il peint des bandes blanches sur les unes, des bandes noires sur les autres.

"Pourquoi des noires – t'étonnes-tu - si les kuroge-washu sont déjà noires ?"  Tu vas comprendre : Kojima-sensei veut vérifier que seule la couleur compte. Banzaï ! Que les vaches soient à poil (noir) ou à peinture noire, les résultats sont les mêmes. Mais pas avec les kuroge-washu rayées de peinture blanche. CQFD !

J'entends que tu t'impatientes : "Mais, les résultats de quoi, punaise ?" Justement, j'y viens. L'équipe de Kojima-sensei compte les mouches, les taons, les guêpes, les tiques, les moustiques qui piquent leurs vaches. Mais aussi combien de fois elles remuent une oreille ou la queue pour s'en débarrasser. Et les conclusions sont claires et nettes : les vaches zébrées sont deux fois moins importunées ! Moralité ? Il suffit de moitié moins d'insecticide.

Tu n'as pas l'air convaincue... Je suis d'accord avec toi, il reste beaucoup à faire. D'abord avec des kuroge-washu entièrement peintes en blanc. Et puis Kojima-sensei devrait sans doute demander à ses homologues du Kenya et du Bengale de peindre des zèbres et des tigres, tout en noir et tout en blanc-jaune, et d'observer les réactions de la tsé-tsé et du moustique-tigre. 

Mais tu persistes à persifler, goguenarde : "Et après, il fait quoi ton Tomoki, pour avoir des bœufs zébrés ? Il croise une wagyu avec un okapi ?" Franchement, ça, je ne sais pas... Mais, tu sais, les wagyu les plus fameuses ce sont celles de Kobe. Pas loin de Nagakute. Le bœuf de Kobe, il est déjà tout zébré à l'intérieur, enfin, persillé, comme on dit. Alors ce ne sera pas trop demander au fermier, qui le masse déjà tous les matins, de redonner en même temps un coup de pinceau à ses bandes blanches...

En tout cas une bonne nouvelle vient de tomber, à peine ce billet publié. Las de se demander chaque jour, consternés, "quelle mouche l'a encore piqué ?" en lisant ses tweets, les conseillers de Trump vont essayer un truc : lui souffler d'aller au bureau (ovale) fièrement drapé dans le "stars and stripes".


(1) C'était samedi matin à la revue de presse de Frédéric Pommier sur France Inter.
(2) Une petite révision de quelques suffixes japonais courants ?
- "Sensei" marque le professeur, le médecin, le maître d'arts martiaux ou un artiste reconnu.
- "Senpai" désigne quelqu’un qui a plus d’expérience qu’un autre dans un certain domaine.
- "Shi" signifie ville, pour celles qui atteignent un nombre suffisamment élevé d’habitants.

Celles et ceux qui aimeraient tout savoir de cette étude d'une grande rigueur scientifique prendront plaisir à consulter la communication mise à disposition sur : https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0223447





10 octobre 2019

N° 225 - Cave... canem ?


J'entends à la radio qu'un boa s'est glissé sur le balcon d'un petit immeuble neuf et pimpant des hauteurs de Marseille. Il venait de filer en douce du terrarium d'une voisine de palier. Il faisait beau, ce n'était plus l'heure du pastis mais bientôt celle du déjeuner. Une petite chatonne se trouvait là, indécise et circonspecte devant sa première écuelle de croquettes. Le serpent n'en a fait qu'une bouchée pelue. Pauvre minette... Comme la grande Zoa, qui fut mangée crue, par son boa*... Le reptile mesurait un bon mètre d'après les premiers témoins. Il en faisait au moins deux corrigea la radio une heure plus tard. Les gratuits distribués le soir sur la Canebière décrivaient un constricteur carnivore atteignant trois mètres. Peut-être un anaconda. Mais c'est Marseille... et on ne connait pas encore le chiffre de la police.

Une semaine plus tôt une panthère noire avait déjà pointé sa truffe hors de la mansarde d'un galetas d'Armentières. Après être resté un moment aux aguets devant le chien-assis, le léopard avait entrepris de suivre à pas souples et comptés les longs chéneaux désertés par les chats de gouttière. Nombre d'Armentiérois apeurés virent ainsi rôder devant les lucarnes de leurs soupentes un Bagheera sombre et silencieux.


Nous avons donc, d'un angle à l'autre de l'hexagone, des voisins qui élèvent et gardent chez eux, plutôt mal, des bêtes sauvages ! Qui sont-ils, sont-ils fichés, font-ils au moins l'objet d'un signalement ? Celui-ci ne serait-il qu'un ardent militant de la biodiversité, désireux de nous en faire partager la richesse en nous offrant de côtoyer au quotidien les animaux de la jungle ? Celle-là anticiperait-elle les effets désastreux du dérèglement climatique en s'habituant à vivre au milieu des espèces tropicales qui migreront bientôt par hordes entières jusque chez nous ? Cet autre, après tout, n'a peut-être que des envies de savane et de safari, des soifs de baroud et de relents de ménagerie que son gros 4x4 SUV tout-terrain ne suffit pas à assouvir ? Par contre celui-là déplore manifestement que le pitbull et le rottweiler se soient trop banalisés et ne fassent plus vraiment peur. Il lui faut, pour se faire craindre et respecter, avoir pour cerbère à tenir éventuellement en laisse un fauve plus rogue et plus redoutable, un carnassier bien plus féroce. A défaut de pouvoir invoquer le second amendement ?
Notre monde s'ensauvage...


* Chez Régine...

4 septembre 2019

N° 224 - Volare, cantare, oh, oh...


J'entends à la radio que sept cent mille citoyens ont déjà dit vouloir voter sur la privatisation des aéroports de Paris. J'entends aussi que la petite Greta Thunberg a préféré le voilier au Boeing pour se rendre à New York, à l'ONU. Tout a bien changé depuis que Gilbert Bécaud rêvait d'aller le dimanche à Orly... Il est donc grand temps de mettre sa chanson à jour !

N.B.     Si vous n'avez jamais entendu parler de Gilbert Bécaud (et de ses cravates à pois) ou si vous avez tout oublié, vous feriez bien d'écouter d'abord un enregistrement de 1963 (!) sur https://www.dailymotion.com/video/x2kcaa (ne serait-ce que pour ne pas louper les changements de rythme).
Mais si vous étiez là quand j'ai testé une première mouture de ce remake lors d'une joyeuse fête d'anniversaire (c'était... dimanche à Croissy) n'ayez crainte : la fin n'est pas la même !


D'ici l'année 2021
Les financiers du gouvernement
Se promettent, si tout marche bien,
De vendre ADP au plus offrant.
Ils en espèrent au minimum
Un pognon de dingu' pour Darmanin
(On s'en doute sans être médium :
Chez Vinci on se frotte les mains...)
Le plus drôle c'est qu'en même temps,
On n'arrête pas, à la télé,
De nous dissuader fermement
De prendre l'avion pour voyager !

Faudra plus maint'nant à Roissy,
De l'aéroport, jamais décoller
En avion vers aucun pays,
Ni vers le Midi, pour aller bronzer...
Ce n'sera plus permis de polluer
Pour s'envoler au loin, et y glander...

Désormais avec ma Valentine
Le monde, on le sillonne en métro :
On a fait Luxembourg-Argentine
Par Pyramid's et Solferino.
Au lieu de descendre l'Amazone
De l'Ourcq on a longé le canal
Et pour préserver la couch' d'ozone
On a fait la canopée des Halles...

Plus question d'un tour aux Seychelles
D'un break aux Maldiv's ou à Tahiti
On n'se rend plus qu'à Saint-Michel
Des fois à Mals'herb's ou à Pernety.
Sous terr', bien au chaud, entre Parigots
On rafoll' des circuits "Pass' Navigo"...




P.S.     Ceux qui connaissaient Gilbert Bécaud ont évidemment vibré en découvrant le titre de ce billet. Mais ils se souviennent que c'est un crooner italien, Domenico Modugno, qui chantait "Volare, cantare..." (ou plutôt "Nel blu dipinto di blu") un autre fameux tube de l'époque. Allez, ne résistez pas, écoutez aussi : https://www.youtube.com/watch?v=t4IjJav7xbg.



15 août 2019

N° 223 - Lâcher prise !


Cette fois c'est le creux de la vague… Tout le monde est parti, il ne se passe plus rien, alors les "Mots Parallèles" aussi font relâche !

J'entends à la radio, ce matin... pas grand-chose !
Les vacances d'été, bien sûr, en sont la cause :
Les journalistes sont au vert et, de surcroit,
Moi, je n'écoutais plus Inter qu'un jour sur trois.

Au moins suivis-je les exploits d'Alaphilippe
Et (sans plus m'occuper du brave Edouard Philippe...)
Je sus tout sur le Tour et sur le maillot jaune
Sans jamais m'inquiéter des derniers gilets jaunes.

Je fus en Morbihan où déjà l'air marin
Me fit ne plus penser à Gérald Darmanin.
Au bout de la ria, sous la brume, oh, la mer
Est "trop" belle... Oublié aussi Bruno Le Maire !

Quand mes petits-enfants gagnaient au "Mille Bornes"
Je feignais d'en vouloir à la ministre Borne
Et lorsqu'ils culbutaient les quilles du mölkky
D'alerter Castaner, sur un talkie-walkie.

Jamais je n'ai quitté la table de ping-pong
Pour voir à la télé les bastons de Hong Kong
Ni je n'ai suspendu le tournoi de pétanque
Au motif que Pékin y concentrait des tanks.

J'aimais, en randonnant autour de Padirac,
Ne m'informer qu'un peu, mais surtout pas d'Irak,
Ni - devant un confit aux pommes sarladaises -
De Damas, où parade un al-Assad à l'aise.

Je me suis bien passé de Trump et de ses tweets,
De Poutine et Boris, des émirs Alaouites,
Et même de Macron, qui est je ne sais où.
On s'en moque, on s'en fout : aujourd'hui c'est quinze août !




19 juillet 2019

N° 222 - C'est le bouquet !



J'entends la radio parler beaucoup d'arthropode... Cela m'inquiète car je pourrais bien être concerné. Mon toubib m'a dit en effet l'autre jour, après m'avoir examiné : "Que voulez-vous... C'est de l'arthrose ! Il n'y a pas grand-chose à faire..." Mais les élancements de mes articulations lombaires n'ayant pas gagné celles de mes pieds, ce qu'il me reste de grec du lycée m'a permis de lever un doute : je ne suis pas arthropode. Ce n'est donc pas mon cas qui intéresse la radio. Du moins, pas cette radio là... Je me suis quand même renseigné sur le web : le corps d'un arthropode, constitué de segments munis chacun d'une paire de pattes articulées, est couvert d'une carapace rigide qui lui sert d'exosquelette. Je l'ai échappé belle, non ? Même si, avec mes os à l'extérieur, je pourrais me dispenser de radio. Wikipédia cite des exemples : le mille-pattes, le perce-oreille, le cloporte, le scorpion, le homard...

Oh, à propos, vous avez entendu cette histoire ? Pas croyable... Ce n'est pas un bobard : un homard a fait tomber un Ministre d'Etat ! Il y a dix ans un homard avait déjà failli couter sa place au Ministre de la Culture : celui (le homard) que Jeff Koons avait pendu au plafond de la Galerie des Glaces. Mais il était énorme ! Le homard de De Rugy, lui, était juste de gros calibre et peut-être un peu trop fréquent sur sa table, du temps de son règne au Palais Bourbon. 
C'est dommage quand même, quand on a le souci de la biodiversité, de ne pas servir aussi de temps en temps de la langouste royale, des gambas à la plancha, des écrevisses sauce Nantua, des langoustines flambées, des cigales de mer à l'ail ou de simples plateaux de crevettes grises...


Voilà donc qu'il y a maintenant des écolos-homards, en plus de la gauche-caviar. Un vrai panier de crabes... A propos, tenez, il me semble que depuis un moment la REM, vous savez la République En Marche, eh bien elle ne va pas vraiment de l'avant. J'ai même le sentiment qu'elle a plutôt tendance à marcher en crabe, si vous voyez ce que je veux dire : de côté, tout de travers, comme ces tourteaux qui en ont une plus grosse que l'autre, celle qui en pince pour la droite...

Savez-vous que c'est aujourd'hui, 19 juillet, que commencerait le mois de thermidor, fatal au homard ? Après l'histoire de De Rugy faudra pas s'étonner si on entend chanter, dans les rues de Versailles et d'ailleurs : "Ah, ça ira, ça ira, ça ira, les aristo-crabes à la Lanterne !..."



5 juillet 2019

N° 221 - Tweet and tweet, let's tweet again !


J'ai entendu à la radio que Trump est allé poser un pied au delà du 38eme parallèle. On ne parle jamais de parallèle sans éveiller mon attention. Une fois là, il a pris tendrement les menottes du petit Kim Jong-un dans ses grandes paluches, il a plongé son regard jusqu'au tréfonds de ses yeux bridés et lui a fait cette déclaration solennelle : "Hey, guy !"
Depuis, les géopolitologues les plus avertis se perdent en conjectures : les uns, évoquant le petit pas d'Armstrong, croient à un grand pas vers la paix dans le monde ; les autres citent Labiche et son "Embrassons-nous, Folleville".

C'est qu'il semble bien loin, tout à coup, le temps où Donald surnommait Kim "the rocket-man" et tweetait que ce petit gros était complètement cinglé ; celui où, de son côté, Kim le traitait de fripouille, de gangster et de "dotard", autant dire de vieux con gâteux. Mais je l'ai tenu moi-même pour une ganache insane quand, avec des outrecuidances de gougnafier, il a nié le dérèglement climatique. Puis j'ai maudit ses rodomontades de matamore et son cynisme de soudard quand il a prétendu murer la frontière mexicaine. Je l'ai qualifié de paltoquet, de béotien et de maroufle pour avoir plaqué l'UNESCO. De mufle et d'escobar pour son rejet de l'accord de Paris. Je l'ai sans doute traité de sagouin et d'ostrogoth le jour où il a autorisé des forages en Arctique. De boutefeu givré quand il a transféré son ambassade à Jérusalem. Et au moins d'olibrius, de faquin, de gourdiflot et de pendard obtus lorsqu'il s'est assis sur l'accord nucléaire. Je le voyais comme un butor, un flambard, un sacripant mal-embouché, un spadassin tudesque tant qu'il menaçait d'annihiler l'Iran.

Mais tout a changé... Donald Trump est aujourd'hui comme cul et chemise avec le despote de Pyongyang. On s'attend donc à ce qu'il aille maintenant bécoter l'ayatollah Ali Khamenei, qu'il fleurisse sa barbe puis époussette gentiment les épaules de son kaftan. On ne doute pas qu'il remplacera bientôt les barbelés du Rio Grande par des haies de charmille, ni qu'il conduira lui-même la parade du prochain 4 juillet en tête d'un essaim de pom-pom girls en trottinette.

On aimerait tant partager le rêve américain d'un second mandat...




3 juin 2019

N° 220 - Toudânmonkha


J'entends à la radio qu'on me presse de mettre noir sur blanc, sans plus atermoyer, mes directives anticipées. J'avoue que lorsqu'un hacker a fait courir, il y a un mois, des fake news sur ma santé, ceux qui s'en sont alarmés m'ont ouvert les yeux : si nul ne sait de quoi demain sera fait, on peut craindre à mon âge qu'il n'y ait plus d'après-demains, comme chantait Guy Béart, l'un de mes alumni(1). Alors, anticipons...

D'abord le côté pratique. Sans aller jusqu'à exhumer les racines rurales de mes aïeux il suffit d'évoquer la place qu'a tenue la terre dans mon curriculum, qu'elle soit renforcée, armée(2) ou simplement boutée au bulldozer, pour comprendre mon parti d'y retourner. Je ne goûterais guère en effet d'être jeté à l'eau en un sac, tel Buridan(3), ou comme un terre-neuvas, même au large de Senneville(4). Je ne priserais pas davantage d'être disséminé en cendres aux quatre vents, avec la fleur du pissenlit, malgré l'estime que je porte au petit Larousse(5). Je préfèrerais m'attarder, faire durer un peu... A l'instar de Tonton Georges, j'aimerais prendre le chemin le plus long, puis, de mort lente(6), m'accorder un répit sous la dalle. Je ne serais pas fâché d'y avoir une adresse, genre Avenue des Magnolias, ilot C, n°15, où l'on pourrait me déposer le journal pour me tenir informé de la marche du monde. Je rends grâce d'ailleurs à l'amie attentionnée qui m'a déjà offert la boite à fixer sur ma stèle(7). J'aimerais aussi garder ma radio, bien sûr, et mon portable, avec facebook pour les nouvelles des petits-enfants. Mais plutôt que de me charger de piles, trop polluantes, je n'exclus pas de prêcher d'exemple, après avoir lancé cet appel à nos défunts : faites un geste pour votre ancienne planète, remplacez vos plaques de marbre ou vos carrés de gravillon par des panneaux solaires !

Puisque j'en suis au mausolée : faisons simple et dépouillé, mais quand même assez grand pour deux, un jour ou l'autre. Dispensons-nous modestement de tout signe ostentatoire, ainsi que des bénédictions imméritées de clercs inconnus, popes, rabbis, abbés, bonzes ou imams... Les hommages de la famille et des amis suffiront bien. Je n'irai pas jusqu'à vouloir, comme le grand Jacques, qu'on rie, qu'on danse et qu'on s'amuse comme des fous(8). Mais qu'on chante, ça, ça me fera vraiment plaisir.

Je me suis peut-être aventuré au-delà de ce qui intéresse la faculté ? Pour ce qui me concerne, je l'ai dit, rien ne presse et l'éternité peut attendre. Mais j'entends le corps médical déplorer le manque de personnel, l'insuffisance de lits et les patients dans les couloirs. Alors, qu'ils fassent tout ce qu'ils peuvent, ils ont toute ma confiance, mais, le moment venu, qu'ils ne s'encombrent pas de moi au-delà du raisonnable.
Voilà, ça, c'est fait... La prochaine fois, promis, on revient aux choses sérieuses.





Quelques références :

(1)   Du temps où l'ENPC se trouvait encore rue des Saints-Pères, "à Saint-Germain-des-Prés"...
(2)   Au besoin cliquer sur http://www.terre-armee.fr/TA/wtaf_fr.nsf puis "50 ans de Terre Armée".
(3)   François Villon, "Ballade des dames du temps jadis" : "Semblablement où est la reine / Qui commanda que Buridan / Fût jeté en un sac en Seine ?  / Mais où sont les neiges d'antan ?"
(4)   Senneville-sur-Fécamp, dont les gars faisaient "faire un navire pour aller au hareng blanc"...
(5)   Un fameux logo, plus que centenaire...
(6)   Deux formules empruntées à Brassens, dans "Le testament" et "Mourir pour des idées".
(7)   Factice... et tout en carton !
(8)   Jacques Brel, "Le moribond".


Et deux illustrations :


La "boite aux lettres" adhésive...
et le logo Larousse (avec une préférence pour la racine...)