20 avril 2021

N° 259 - Mon petit Liré

J'entends à la radio la chanson où Salvador nous faisait rêver d'aller voir Syracuse et Kairouan, Babylone et le Fuji-Yama. Mais, aujourd'hui, nous n'en demandons pas tant. Moi, pour le moment...

J'aimerais bien, sans autre excuse,
Aller bientôt voir à Rouen
La tour où Jeanne fut recluse
Le Gros-Horloge et Saint-Ouen

Monter au donjon de Brionne
En revoir le panorama
Saluer du pont de Brotonne
Les grands voiliers de l'Armada

Voir le vieux chêne d'Allouville
Puis les moulins de la Durdent
Les rhodos de Varengeville
La mer... et marcher sur l'estran

J'aimerais voir l'aiguille creuse
Les vergers de pommiers fleuris
Flâner d'abbaye en valleuse 
Et peut-être oublier Paris...

Rouen - Gros Horloge - Saint Ouen

Brionne - Armada et Pont de Brotonne - Allouville

La Durdent - Les Moutiers - Varengeville

L'aiguille "creuse" d'Etretat - Une valleuse - Chaumière et pommier 


Pour vous épargner de naviguer sur le web :

Saint-Ouen : Grande abbatiale gothique, l'un des principaux monuments de Rouen. Son orgue est fameux.
Brionne : Bourg de l'Eure où j'avais un grand-père épicier (cf. n° 238).
Armada : Imposant rassemblement de grands voiliers, organisé tous les quatre ans à Rouen. Prochain rendez-vous en juin 2023.
Allouville : Bourgade du Pays de Caux où une minuscule chapelle se niche dans le tronc creux d'un chêne qu'on dit vieux d'au moins mille ans.
La Durdent : Petit fleuve d'une vingtaine de kilomètres qui serpente dans les près jusqu'à Veulettes-sur-mer.
Varengeville : Village proche de Dieppe où l'on peut découvrir, outre le Parc des Moutiers et ses massifs de rhododendrons géants, le manoir de Jehan Angot, des vitraux de Georges Braque et, en haut de la falaise, le "cimetière marin" où le peintre est enterré.

Sans oublier :
Liré : Petit village d'Anjou où naquit Joachim du Bellay et qu'il a dit préférer à Rome, ses splendeurs et ses collines : "Plus me plait le séjour qu'ont bâti mes aïeux / (...) / Plus mon petit Liré que le Mont Palatin"...

Ni, bien sûr, la version originale de la chanson (musique de Henri Salvador, paroles de Bernard Dimey) : https://www.youtube.com/watch?v=fOw6_NaT24k

J'aimerais tant voir Syracuse
L'île de Pâqu's et Kairouan
Et les grands oiseaux qui s'amusent
À glisser l'aile sous le vent

Voir les jardins de Babylone
Et le palais du grand Lama
Rêver des amants de Vérone
Au sommet du Fuji-Yama

Voir le pays du matin calme
Aller pêcher au cormoran
Et m'enivrer de vin de palme
En écoutant chanter le vent

Avant que ma jeunesse s'use
Et que mes printemps soient partis 
J'aimerais tant voir Syracuse
Pour m'en souvenir à Paris.






6 avril 2021

N° 258 - Une et indivisible


J'entends à la radio qu'il y aura bientôt plus de modèles d'attestation dérogatoire que de variants du virus ! Tenez, le voisin du troisième, qui s'est réfugié dans le Cotentin : quand le garde-champêtre l'a interpellé, il lui a tendu un acertainement dérogatouère(1) pouor se déhalaer, il
câotioune qu'i sort sa maisoun pouor allaer travailli ou en rev'nin ou acataer de la mâquâle dauns des magasins qu'ount le dreit de faire coumerche.  Et la mamie du même palier, partie à Tréguennec ? Elle n'oublie pas son testeni dilec'hian quand elle fait ses dek c’hilometr hed tro-dro d’an ti-annez d’ar muiañ en vélo. Et, moi qui vous cause, je connais personnellement une jeune agronome maintenant alsacienne(2) qui ne s'éloignerait certainement pas de Schiltigheim sans son bewiis-zettel fer im notfall ùsszegehn.

Ah, la Bretagne, les Vosges, et le midi bien sûr, ça fait rêver.... Mais sait-on ce qu'on pourra vraiment faire cet été ? Nous, au moins, pauvres vaccinés coincés ici, on ne pourrait pas nous lâcher un peu la bride ? Même s'il nous faut porter un insigne, un badge qui rassure tout le monde. Une cocarde, pourquoi pas, comme les conscrits d'antan, épinglée du côté où on a été piqué. Avec trois anneaux, trois couleurs qui diraient tout sur notre tranche d'âge, sur le type de vaccin et le nombre de doses. Une fois étiquetés on pourrait alors moduler pour nous les restrictions, entrouvrir un peu les barrières, nous laisser partir, gagner d'autres cieux, d'autres régions... A tout hasard j'ai mis de côté la testacion derogatoria de desplaçament valable en Occitanie et tout ce que j'ai pu trouver comme laissez-passer en basque, en ch'ti, en catalan et même en corse et en créole. Pour traverser ces départements sans être repérés nous avons dans la boite à gants un jeu de 101 stickers à coller sur notre plaque(3). On ne sait jamais : un·e gendarme soupçonneu·x·se(4) pourrait vouloir vérifier quelle langue on parle dans le département de notre matricule. Et même contester notre légitimité à lire et traduire notre sauf-conduit(5). Au pire nous risquerions, les mains sur le capot et les pieds écartés, qu'iel (!) ouvre notre coffre, vide nos sacs et nous identifie d'après leur contenu comme d'inoffensifs déloyaux-yvelinistes, vaguement biblio-boulistes mais obstinément balado-gépéessistes...

Hé ! Ho ! Nous voilà différenciés, catalogués, étiquetés de partout ! Pauvre Président qui nous exhorte : "Faisons bloc, restons unis et solidaires"...

 

(1)          Disponible sur internet, et légale  ! (https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement/couvre-feu-des-attestations-derogatoires-de-deplacement-en-langues-regionales_4353099.html)

(2)          Ca, c'est juste entre nous.

(3)          Je sais, ça n'est pas permis : on peut mettre le numéro de son choix, mais il ne faut plus en changer !

(4)          Il faut le savoir : le féminin de gendarme, c'est gendarme, pas gendarmette. Mais faudra-t-il vraiment écrire comme ça ?...

(5)          Le genre de questions soulevées à propos des poèmes d'Amanda Gorman (https://www.franceculture.fr/emissions/lhumeur-du-matin-par-guillaume-erner/lhumeur-du-jour-emission-du-lundi-08-mars-2021)