6 avril 2021

N° 258 - Une et indivisible


J'entends à la radio qu'il y aura bientôt plus de modèles d'attestation dérogatoire que de variants du virus ! Tenez, le voisin du troisième, qui s'est réfugié dans le Cotentin : quand le garde-champêtre l'a interpellé, il lui a tendu un acertainement dérogatouère(1) pouor se déhalaer, il
câotioune qu'i sort sa maisoun pouor allaer travailli ou en rev'nin ou acataer de la mâquâle dauns des magasins qu'ount le dreit de faire coumerche.  Et la mamie du même palier, partie à Tréguennec ? Elle n'oublie pas son testeni dilec'hian quand elle fait ses dek c’hilometr hed tro-dro d’an ti-annez d’ar muiañ en vélo. Et, moi qui vous cause, je connais personnellement une jeune agronome maintenant alsacienne(2) qui ne s'éloignerait certainement pas de Schiltigheim sans son bewiis-zettel fer im notfall ùsszegehn.

Ah, la Bretagne, les Vosges, et le midi bien sûr, ça fait rêver.... Mais sait-on ce qu'on pourra vraiment faire cet été ? Nous, au moins, pauvres vaccinés coincés ici, on ne pourrait pas nous lâcher un peu la bride ? Même s'il nous faut porter un insigne, un badge qui rassure tout le monde. Une cocarde, pourquoi pas, comme les conscrits d'antan, épinglée du côté où on a été piqué. Avec trois anneaux, trois couleurs qui diraient tout sur notre tranche d'âge, sur le type de vaccin et le nombre de doses. Une fois étiquetés on pourrait alors moduler pour nous les restrictions, entrouvrir un peu les barrières, nous laisser partir, gagner d'autres cieux, d'autres régions... A tout hasard j'ai mis de côté la testacion derogatoria de desplaçament valable en Occitanie et tout ce que j'ai pu trouver comme laissez-passer en basque, en ch'ti, en catalan et même en corse et en créole. Pour traverser ces départements sans être repérés nous avons dans la boite à gants un jeu de 101 stickers à coller sur notre plaque(3). On ne sait jamais : un·e gendarme soupçonneu·x·se(4) pourrait vouloir vérifier quelle langue on parle dans le département de notre matricule. Et même contester notre légitimité à lire et traduire notre sauf-conduit(5). Au pire nous risquerions, les mains sur le capot et les pieds écartés, qu'iel (!) ouvre notre coffre, vide nos sacs et nous identifie d'après leur contenu comme d'inoffensifs déloyaux-yvelinistes, vaguement biblio-boulistes mais obstinément balado-gépéessistes...

Hé ! Ho ! Nous voilà différenciés, catalogués, étiquetés de partout ! Pauvre Président qui nous exhorte : "Faisons bloc, restons unis et solidaires"...

 

(1)          Disponible sur internet, et légale  ! (https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement/couvre-feu-des-attestations-derogatoires-de-deplacement-en-langues-regionales_4353099.html)

(2)          Ca, c'est juste entre nous.

(3)          Je sais, ça n'est pas permis : on peut mettre le numéro de son choix, mais il ne faut plus en changer !

(4)          Il faut le savoir : le féminin de gendarme, c'est gendarme, pas gendarmette. Mais faudra-t-il vraiment écrire comme ça ?...

(5)          Le genre de questions soulevées à propos des poèmes d'Amanda Gorman (https://www.franceculture.fr/emissions/lhumeur-du-matin-par-guillaume-erner/lhumeur-du-jour-emission-du-lundi-08-mars-2021)



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