13 décembre 2013

N° 114 - De pied en cap


J'entends à la radio que le député Jean Lassalle est de retour. Tu vois qui c'est ? Mais si, souviens-toi : ce grand escogriffe béarnais qui avait chanté "Si canti, you que canti, canti pas per jo…" du haut des gradins de l'Assemblée. Et qui avait fait carême quarante jours, en plein Palais Bourbon, pour sauver une usine. Il y avait laissé quarante livres : il ressemblait à "l'homme qui marche" de Giacometti... Et bien, depuis, il s'est bien remplumé et il a marché, marché, marché pendant huit mois. Coiffé de son béret basque, chaussé de bonnes grolles (pas des basquettes…) il a fait cinq mille kilomètres et le tour de France. Attention : pas la moitié en avion et l'autre chez les voisins, comme d'aucuns. Lui, il a bien suivi le contour de l'hexagone, à petites étapes et grandes enjambées1. Rien que pour causer aux gens ! Bon, il n'a pas gravi les cols ; mais il n'y aurait pas vu grand monde. Et puis il a oublié le centre ; c'est quand même curieux pour quelqu'un du Modem… Mais il parait qu'il a rencontré énormément, vraiment énormément de mécontents. Il rentre pour alerter le Président.

En fait Jean Lassalle a inventé un ersatz très économique et super-écologique de manif. Si tu veux protester, contester, revendiquer, ne te fatigue pas à mobiliser le ban et l'arrière-ban. Ne confectionne pas de banderole, ne loue pas de car ni de train spécial. Ne va pas saccager la sous-préfecture ni bloquer l'autoroute. Ne te déplace pas. Reste chez toi : le député de la montagne viendra-t-à toi. 

Ainsi, chemin faisant, Jean Lassalle a enfilé l'un sur l'autre, sous son béret basque, le bonnet rouge du matraqué de l'écotaxe, la bombe orange du harassé de centre équestre, le bandana vert du compressé des transports, le masque à gaz du professionnel libéralement asphyxié, la calotte rose du soutien de sainte famille, le bitos bleu du poulet pas pigeon, la charlotte blanche du parent d'élève arythmique et le bibi jaune de l'abeille mutualiste2. Après une opération escargot il a garni son coudic3 d'une coquille. Puis il a épinglé à son béret la carotte du buraliste en manque de vapoteuse (qui se verrait bien vendre aussi les fleurs de nicotiana, le tabasco et les billets pour Tabarin et Bartabas, après tout ?).

Jean Lassalle portera les chapeaux au Président. Il lui chantera :

     Moi mes souliers ont beaucoup voyagé 
     Ils m'ont porté de l'école à la guerre 
     J'ai traversé sur mes souliers ferrés 
     Le monde et sa misère4

Et comme ses pompes commencent à être bien fatiguées, il ira les déposer… au vestiaire des Restos du Cœur ?



     
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1 Voir la carte où il a tracé son itinéraire avec… ses lacets.
3 C'est le nom d'une petite queue, celle du béret. Tu ne le savais pas ? Moi non plus.
4 Félix Leclerc, bien sûr…

28 novembre 2013

N° 113 - Tournez manèges !


J'entends à la radio que la TVA a fait monter les managers de manège sur leurs grands chevaux de bataille. On a vu défiler derrière eux des gamines pomponnées, cramponnées à des poneys près de se tamponner... 

Ces manégeurs prédisent la mort du petit cheval ? Ils n'ont peut-être pas tort : est-il sain de surtaxer les cavaliers quand on se prépare à manquer de pétrole ? Va-t-on rançonner aussi les marcheurs, les cyclistes, les nageurs et les véliplanchistes ? Vous me direz qu'un canasson, c'est un luxe : c'est cher, c'est encombrant et ça ne bouffe pas seulement quand on s'en sert…

Mais on va s'organiser pour se passer de voiture ! On va rouvrir les relais de poste et installer un point d'Equilib' dans chaque quartier. On y choisira sa monture en fonction du besoin : un trotteur pour faire ses courses, un frison pour aller chez le coiffeur, un petit cheval pour le mauvais temps ou un pzrewalski pour se rendre au club de scrabble. On empruntera un bourrin comme un bouquin, à l'hippothèque, le temps de couvrir une équidistance. Le choix ne manquera pas, on a de l'équipotentiel. Bien entendu on apprendra à monter dès l'école, avec des classes équipées pour les handicapés moteurs (hippocagneux) ou visuels (hippotaupes). On remplacera les cours de morale, hippocritement à cheval sur les principes, par l'apprentissage des figures de dressage, depuis le pas de côté à l'équilatéral jusqu'au quadrille au carré de l'hippoténuse. Les équivalences de diplômes seront équitables et sans équivoque et l'on pourra mener ses études jusqu'à l'hippothèse de doctorat.

Enfin, répétons-le : faire ou manger du cheval, c'est bon pour la santé ! C'est un remède* contre l'hippotonie et l'hippocondrie et ça dispense de l'hipposuccion.


* de ch'val, aurait dit Bobby Lapointe.





9 novembre 2013

N° 112 - ±AA


J'entends à la radio que notre note est ABC. Le monde politique en est tout AJT. Le ministre des finances, bien qu'un peu NRV, RST serein. Mais il a beau LEV la voix et réclamer plus d'AQIT, il a du mal à FAC une mauvaise impression. Notre PI risque d'OQP cette fâcheuse position un moment et même d'IVGT. Le président semble très DπT (pour emprunter à l'αB du PY) et presque ÉBT, comme si ça l'AVHEV. Ca fait un drôle d'FÉ… Ah, s'il AVAJ plus tôt, avec davantage d'NRJ, on n'en serait pas là. Il se plaint, bien sûr, d'avoir RIT de la crise et de n'être pas OBI. C'est certain sa cote s'est ROD. On ne va pourtant pas KC son FIJ ni le condamner au JB ou à être DKπT (un autre AVQ ça au terme d'un règne FMR). Mais il n'a personne à qui refiler le BB et il est encore LIJ la prochaine fois*…



*Ca ne se voit peut-être pas, mais LIJ est écrit en bleu…

23 octobre 2013

N° 111 - OGM




J'entends à la radio qu'un Tournesol d'outre-Manche a percé le mystère du yéti. Depuis des années ce savant curieux et obstiné bat la montagne, dans l'espoir de lui tomber sur le poil. Il y cherche des touffes de crin accrochées aux arbres ou aux rochers. Des poils sur le caillou, ça m'intrigue, évidemment… J'ai voulu en savoir un peu plus long.

Notre savant Cosinus, tout à son idée fixe1, est retourné au Tibet, où il a repris du poil de la bête. Il a glané, butiné, grappillé tant qu'il y avait du poil à gratter. Il est revenu, plutôt de bon poil, avec une pleine valise d'échantillons. Il en stocke chez lui tout un assortiment, de tout poil et de toutes époques. Pas pour fabriquer des brosses ou des blaireaux : il s'évertue à en confronter les ADN. Alors qu'à Lépanges-sur-Vologne on n'a rien tiré, en trente ans, de la salive d'un corbeau2, lui, il a réussi à faire parler le crin blanc d'un ancêtre d'ours polaire disparu depuis cinquante mille ans. D'après lui ce plantigrade arctique, venu musarder au Tibet à la faveur d'un rafraîchissement climatique, y aurait enjôlé une ourse brune, indigène et ingénue. Bizarrement ce n'est pas d'un bon gros nounours que la naïve native, séduite et abandonnée, aurait accouché, mais bel et bien de l'abominable homme des neiges3 !

Notre chercheur va maintenant se pencher sur le dahu. On sait que les dahus de l'hémisphère nord tournent autour des sommets dans le sens de l'histoire et des aiguilles d'une montre, comme les anticyclones et l'eau des lavabos, tandis que ceux du sud sont rétrogrades4. Quelques brins de poil et de rebrousse-poil pourraient démontrer que les fantaisies du climat les ont fait se croiser, eux aussi, sur les sentiers de naguère. Et quelques accroche-cœurs pendus aux branches de sites accidentés permettraient de rêver de croisements aussi féconds qu'acrobatiques. Encore qu'on ne connaisse pas de dahu aux courtes pattes en diagonale…

Mais revenons au yéti. Certes, s'il est à ce point effroyable, ce bonhomme des neiges ne plaide guère en faveur du métissage… Mais voilà au moins un homme qui ne descend pas du singe ! Et que la bonne-dame5-de-Rethel (bonne ? ou plutôt, elle, vraiment abominable ?) qui prétend n'être pas raciste, bien sûr, ne saurait redouter de voir un jour Ministre de la Justice6



Besoin d'éclaircissement, ou d'une piqûre de rappel ? Sur le navigateur de votre moteur de recherche, tapez :
1 Cosinus idée fixe
2 Vologne corbeau ADN            
3 Yéti ours
4 Anticyclone lavabo nord sud              
5 Dame Loudun                         
6 Rethel singe justice

13 octobre 2013

N°110 - Lily


Inhabituel, heureusement, un moment d'immense tristesse, mais d'actualité, sur un air emprunté, avec son titre, à Pierre Perret. On peut le fredonner, accompagné par http://www.youtube.com/watch?v=KL5R7xHlsBI.


   Ils l'ont trouvé(e) plutôt jolie, Lily
Elle arrivait des Somalies, Lily…
Dans un rafiot plein d'émigrants
Entassés comme des harengs
Par des passeurs indifférents.  
   Ell(e) fuyait la faim, la misère, Lily
La peur, les seigneurs de la guerre, Lily…
Autour d'elle ils étaient cinq cents
Debout déjà depuis longtemps
Sans rien se mettre sous la dent.
   Ell(e) voguait vers l'Eldorado, Lily
Sur cet improbable radeau, Lily…
Elle était pleine d'espérance :    
On allait lui donner sa chance
En Italie ou bien en France.

   Une lumière l'abusa, Lily
Elle crut voir Lampedusa, Lily…
On l'a poussé(e), près d'expirer,
Pour voir la terre désirée
Et la barcasse a chaviré.
   Elle a coulé tout doucement, Lily
Les bras en croix comme en planant, Lily…
Quand les plongeurs au fond de l'eau
L'ont aperçu(e) près du bateau
Elle était bercé(e) par les flots.
   Ils l'ont trouvé(e) plutôt jolie, Lily
Sous la mer encore embellie, Lily…
Ils l'ont entouré(e) d'un drap blanc
Puis déposée en bout de rang.
Elle avait peut-être vingt ans…




11 septembre 2013

N° 109 - Coup de boule


J'entends à la radio de quoi faire frémir les gens de mon âge. Nous ne sommes plus en sécurité nulle part !

Voyez cette Mamie claquemurée tout un dimanche dans les oubliettes des basses-fosses de sa banque, abandonnée au silence lugubre, aux ténèbres sépulcrales de la salle des coffres, cernée par un columbarium de casiers hermétiques et mystérieux. Un seul était ouvert, le sien, disponible et patient. Elle n'y avait malheureusement entreposé ni ballotin de Petits Lu, ni fillette d'Evian, ni bobineau de pq… Elle n'y serrait pour tout trésor que la carte bleue qu'elle n'osait porter sur elle, de crainte de se faire détrousser par un gredin. Elle se défiait de la canaille des faubourgs ; elle a failli périr victime de l'indifférence glaciale de la banque et de la finance(1)

Voyez ce brave octogénaire lâchement agressé alors qu'il jouait aux boules. Les pieds bien tanqués à l'intérieur du cercle, le jarret fléchi, il se préparait à faire un beau palet en tirant, modestement, à la raspaille. Ses compères des deux triplettes retenaient leur souffle, les yeux rivés sur le petit, quand ils entendirent le craquement sinistre d'une coquille qu'on écrabouille. Le pauvre vieux venait de se faire culbuter, démantibuler, ratatiner... Le monstre qui l'avait estourbi avait ramassé la boule(2). Il semblait s'apprêter à pointer, du bout de la trompe dont il avait balayé le pépé. Il venait de s'échapper de l'enclos d'un cirque forain pour se joindre à la partie(3).

Ce n'était donc pas assez de l'incivilité du vaurien, du larcin du tire-laine, de l'abus de faiblesse de l'aigrefin ? Voilà qu'il nous faut maintenant nous garder aussi des bêtes sauvages (dont, il faut le dénoncer, on ne contrôle pas non plus suffisamment les conditions de détention) et affronter chez nous les périls de la jungle. Quelle époque…


(2)    Il était venu sans les siennes. Il parait que les connaisseurs appellent cela "faire sa Micheline" !

5 septembre 2013

N° 108 - Belle Hellène


 J'entends à la radio un appel au peuple : il faut un million pour la victoire de Samothrace*. Et j'en entends qui râlent déjà et refusent de donner un sou pour une nouvelle expédition de Hollande! Oh là, pas de panique : il s'agit d'une statue grecque que le Louvre doit restaurer, celle de Niké, la déesse ailée de la victoire (d'accord, pas génial comme nom: être niqué, ça n'est pas ce qu'il y a de plus glorieux...).

Voyons, faites un petit effort de mémoire : Samothrace, ce n'est pas le nom d'une bataille, ni celui du vainqueur, c'est la petite ile, tout en haut, où on a trouvé la statue, en mille morceaux. On les a ramenés chez nous, recollés soigneusement, mais elle n'a toujours ni bras ni tête**.

Et ça n'est pas facile pour le Louvre : faire la manche pour une statue qui n'a pas de bras, ce n'est pas le pied ! Mais on s'est dit qu'avec le tronc on devait pouvoir faire la quête et, bien sûr, on a commencé par taper les mécènes. Sans trop de succès... Vinci a tergiversé : "La victoire, veni, vidi, vici, sans doute… mais, non, pas vinci." Nestlé s'est montré catégorique : "Pas de bras, pas de chocolat !" Chou blanc aussi, c'était fatal, avec les fabricants de smart-phones, l'industrie du shampoing, les marchands de lunettes…  Beaucoup de boites américaines comprenaient "Mickey" et ne voyaient pas bien où placer les oreilles. D'autres s'offusquaient : "For Niké ? What do you mean, bloody guys ?" On a appelé Nike, évidemment, mais ils ont été trop exigeants : "Il lui reste deux pieds ? Alors OK, à condition qu'elle mette des baskets." Du coup on a mis l'accent sur les ailes, mais les compagnies aériennes ont tiqué, à cause du vol sans visibilité.

Toujours est-il qu'il manque encore un million pour lessiver la victoire de Samothrace. Et qu'on fait appel à notre bon cœur. C'est vrai, on a déjà beaucoup donné pour les Grecs ces temps derniers... Mais est-ce que, malgré tout, on n'a pas réussi à trouver dix millions pour éponger la défaite de Sarko ?



**   Dommage… Elle avait sans doute, elle aussi, les bras blancs de Nausicaa (leukôlenos) et les belles tresses de Calypso (euplokamoi). ("Du grec ? Il sait du grec ?...").





Photomontage "Worth 1000"

30 juillet 2013

N° 107 - Quo non ascendet ? *


(La clé des bouts-rimés de l'autre jour n'a échappé à personne et nul n'a osé insinuer qu'ils n'avaient ni rime ni raison, ni queue ni tête, puisqu'ils ils rimaient par les deux bouts... Quant à la raison, nique-ab, nique-ab, c'est plus discutable... Après cet exercice "littéraire", reprenons nos devoirs de vacances (déjà ?!) pour une petite révision de mathématiques).


J'entends à la radio M. Sapin faire, à sa manière, le point sur le pari de M. Hollande d'inverser la courbe du chômage : "Le retournement n’est pas là. Il y a un ralentissement. Le ralentissement c’est le moment qui précède le retournement de la courbe du chômage".

Vous le savez, ces gens là ne parlent jamais pour ne rien dire. C'est au trébuchet que leurs conseillers com' pèsent les mots qu'ils leur susurrent. Si M. Sapin préfère "retournement" à "inversion", c'est qu'il y a une raison. Et, chers lecteurs, vous qui avez le goût et le souci du mot juste, vous êtes sensibles à la nuance : deux courbes, l'une retournée, l'autre inversée, ne sont évidemment pas plus parallèles que les mots qui les désignent.

C'est au volant, sur la route des vacances, que nous avons entendu M. Sapin. Ce n'est pas un hasard s'il a causé GPS. Qui, en effet, oublierait de ralentir avant de faire demi-tour immédiatement ? M. Sapin prédit donc, l'air de rien, que la courbe du chômage va revenir à son point de départ. Etonnant, non ? Mais tout bien pesé, ce n'est peut-être pas plus facile à concevoir que l'inversion de M. Hollande…


On ne peut pas douter que le Président, soigneusement briffé par son staff, se réfère, lui, à la définition rigoureuse et mathématique de l'inversion géométrique. "Id est" la transformation qui fait correspondre à un point M de la courbe (du chômage en l'occurrence) un point M' de sa courbe inverse, à partir d'un pôle O (le pôle emploi ?) et d'une constante k, avec OM*OM' = k. Si vous n'avez qu'un vague souvenir de la chose le petit schéma ci-contre vous sera utile. L'intérêt qu'il y a à afficher la courbe inverse plutôt que la courbe d'origine saute immédiatement aux yeux!

Ce serait de la mauvaise foi de trouver la ficelle un peu grosse, ou de la médisance d'insinuer que le mot inversion a été choisi à la légère. Ce serait faire injure au Président d'imaginer qu'il anticipe seulement une inflexion, un franchissement graduel de la tangente, un passage progressif de courbe concave à contre-courbe convexe, sans que la ligne cesse, peut-être, ni pour autant, d'être ascendante... Ce serait indigne de supposer qu'il veut simplement nous faire rêver de douces ondulations, de sinuosités harmonieuses, de cambrures souples, de rondeurs modelées, de galbes bien balancés…

Mais je m'égare. Ce pauvre M. Hollande n'a pas la chance de M. Raffarin pour qui la ligne, fût-elle en forte pente, était toute droite. Lui n'a d'autre choix que de biaiser, louvoyer, tournailler autour du pot et distiller dans le serpentin de ses circonvolutions cérébrales des formules alambiquées qui lui permettent de finir par une pirouette. Il ne va quand même pas se risquer à déclarer, platement : "Le nombre de chômeurs va diminuer" ?





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* Jusqu'où ne montera-t-elle pas ? (Cf. les pages roses du dictionnaire, ou Nicolas Fouquet).

24 juillet 2013

N° 106 - Deux titres au choix


Tout le monde est en vacances : dans les magazines les articles de fond laissent la place aux jeux d'été. Même chose sur http://mots-paralleles.blogspot.fr/ où vous ne trouvez cette fois qu'une pochade en vers de mirliton, à l'une des façons de l'OuLiPo1 (au passage, salut aux amis qui avaient soupçonné dans de vieux numéros une manière de jeux… oulipiques). Pochade vaguement inspirée d'un fait divers récent (uniquement pour jouer et sans intention polémique). A vous d'en découvrir la clé !


        A Trappes, nigaud !…   
ou    Pêche melba, enlève le haut

(Exercice de type oulipien, ou oulipoésie ?)


Habitué de la plage et des quais de Pornic
Abdel s'en va pêcher la praire et la bernique
A bord d'un vieux rafiot2 baptisé Tit' Annick
(Absurde jeu de mots d'un mataf satanique ?).

A bâbord, il perçoit les côtes Britanniques3,
Abominable nid de flibustiers cyniques…
Aboyant sans répit, des goélands tourniquent,
Abusifs, importuns, en vol cacophonique…

Abdel pêche à foison, sans la moindre panique,
Abreuvé de soleil, trempé d'embruns toniques,
Abruti de grand vent, de brise océanique,
Absorbé par le bruit sourd de la mécanique,
Abrité seulement le temps d'un pique-nique,
Habile en son labeur et sûr de sa technique.

Abonné d'un réseau radiotéléphonique
(Aboutissant, là haut, au relais d'un Spoutnik)
Hâbleur, il est trompeur dans ce qu'il communique
A Badia, son épouse, en caisse à Prisunic,
Abrégeant un rapport concis et laconique :
"Abondante est la coque, en qualité unique !"

"Ah bon ?", lui répond-elle, acerbe et sardonique,
A bout de soumission, lasse d'un sort inique
Abject et contraignant, stupide et tyrannique.
"A bon entendeur, tiens…" (son rire est ironique) :
"Abdel, c'est décidé, je tombe la tunique
Abandonne le voile et demain… mets les voiles !




Post Scriptum
Abscons ! me diras-tu, et pas très euphonique
A bien y réfléchir... Ni guère œcuménique…
Absous-moi, cher lecteur : l'abus du gin-tonic
A base de genièvre, et du punch Martinique,
(Absolument proscrits à l'âge canonique)
A beau m'embarrasser, j'en suis accro chronique !




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1 OuLiPo : Ouvroir de Littérature Potentielle, groupe d'écrivains (plutôt farfelus) fondé en 1960. Ses membres se fixent des contraintes sur différentes manières d'écrire des poèmes, entre autres, contraintes qu'ils jugent bonnes pour l'esprit car elles le forcent à donner son maximum (??).
2 Chacun sait, bien sûr, qu'on pêche ces coquillages à pied, sur l'estran, à marée basse. Mais on ne va pas, dès la troisième ligne, s'imposer en plus des contraintes halieutiques !
3 Mettez Binic, si vous pensez qu'on en voit mieux l'Angleterre que depuis Pornic !...





2 juillet 2013

N° 105 - Trou de mémoire


   J’entends à la radio que le journal de Spirou parait depuis 75 ans. Cela fait un bail, dites donc !... Remarquez, je ne le lis plus depuis la guerre. Alors pourquoi ce nombre me trotte-t-il comme ça dans la tête ? Voyons… Rien à voir avec la plaque de la voiture : on habite les Yvelines, pas Paris… Attendez un peu, à Paris, c’est peut-être bien le numéro du bus qui fait Pont Neuf - Porte de Pantin ? Mais je ne l’ai jamais pris, donc il doit y avoir autre chose... Nous ne sommes pas concernés par la super-taxe à Hollande, que je sache… Alors, c’est quoi ce nombre ? Ah, ça me revient, c’est une histoire d’anniversaire ! Mes anciens collègues m’ont invité à fêter les cinquante ans du brevet Terre Armée*. Et bien, c’est l’espacement des armatures, une rangée tous les 75 cm, qui me revient en mémoire ! 

   A moins que… Laissez-moi réfléchir…  J’ai remonté de la cave tout à l’heure une bouteille de champagne ; non, pas un magnum, une de 75 centilitres qui suffira bien. Avec, quand même, en plus, un petit bourgogne dont on va boire un canon. Mais pour fêter quoi déjà ?... Ah, voilà : le fameux canon de 75, le préféré des artilleurs ! Mais je débloque ou quoi ? J’ai fait mon service dans le génie, moi... J’ai même la carte d’ancien combattant ! D’ailleurs, j’y pense, il faut que j’aille chercher ma carte améthyste à la mairie : c’est que j’ai droit à 75% de réduction sur le RER, moi, parfaitement ! Dites, quand même, à mon âge… 

   Pardon ? Superman aussi a 75 ans ? Ah bon, y a pas que Spirou ?… Mais pourquoi vous me dites ça ? J’ai quelque chose à voir avec Superman ?




* Pour ceux à qui ça ne dirait rien :  
http://www.terre-armee.fr/appli/internet/TerreArmee/WebTerreArmeeFrance.nsf/ag_Creation_Page?OpenAgent
et puis tiens, pourquoi pas :
 http://c.f.m.s.free.fr/Manifestations/090325/Pierre%20Segrestin.pdf

11 juin 2013

N° 104 - Banana split


J’entends à la radio une histoire qui me remet en tête la ballade de Bourvil :

Un oranger sur le sol irlandais
On ne le verra jamais
Un jour de neige embaumé de lilas
Jamais on ne le verra…


et la complainte des esquimaux d’Antoine :

Y a pas d'cerises
En Alaska
Outchi outchi outchi awawa
Sur la banquise
Pas d'mimosas
Outchi outchi outchi awawa
Pas de petits moutons
Broutant sur le gazon
Pas de rutabagas
Et pas de bouillon gras…

Chefs d’œuvre cultes des années 60 à 80 ! Autant dire l’âge de glace… Mais les temps changent. Même si nous en avons douté récemment, le réchauffement climatique n’est pas une fable. Certes (je peux en témoigner) le François qui siège maintenant à Rome semble aussi doué que le nôtre pour gouverner et pleuvoir, en chantant avec Sacha Distel :

Toute la pluie tombe sur moi
Oui, mais moi je fais comme si je ne la sentais pas
Je ne bronche pas, car
J'ai le moral et je me dis
Qu'après la pluie vient le beau temps
Et moi j'ai tout mon temps…


N’empêche, les faits sont là : la banquise s’évapore et l’ile de Jersey exporte des bananes ! On verra bientôt les ladies anglo-normandes aux frisettes bleutées porter par dessus leur guêpière en jersey-dentelle le pagne de Joséphine :

I have two loves
Milandes and Paris
By them always
Is my heart ravished.


On l’a compris : pendant que les régimes des républiques bananières naviguent en conteneurs réfrigérés, la facture en virevolte, papillonne, s’enfle de divers compléments, là où les taxes sont avantageuses. Un arrêt aux Caïmans pour rémunérer la centrale d’achats. Un passage à Luxembourg pour inclure des frais financiers. Un détour par l’Irlande pour honorer la marque. Un crochet par Man pour régler les primes d’assurance. Puis une dernière étape à Jersey pour gratifier les managers. Parvenue à Rungis, la banane de Jersey ne vaut - magie de l’ingénierie fiscale... - que cinq fois celle de Colombie.

Cinq fois quand même… La banane ne l’est pas, mais l’affaire est juteuse. Davantage peut-être que celles de M. Tapie, qui ne manquera pas de porter une… Orange à un ami contraint à Lagarde à vue* ?


























17 mai 2013

N° 103 - Non, mes allocs, quoi... (1)


      J'entends à la radio que les allocs, c'est décidé, vont diminuer pour les ménages dont les revenus dépassent cinq mille euros par mois. La réduction sera bien entendu d'autant plus importante que ce revenu sera plus élevé. Il ne manque pas d'experts dans les cabinets ministériels compétents pour mettre au point une équation paramétrée donnant (inspirez...) le montant de l'allocation Q en fonction du revenu R, du nombre N d'enfants, de l'âge AN de chacun d'eux, du caractère mono ou poly-parental, figuré par un nombre entier de 1 à x, du foyer où ils sont élevés (le terme "ménage" n'étant pas toujours adéquat) d'un facteur a tenant compte s'il y a lieu des gardes alternées au prorata de leurs durées estimées sur une base annuelle, d'un coefficient d'actualisation l = Q/Q0 = IPC/IPC0, où Q0 est le montant calculé à la date de la publication du décret d'application et IPC0 et IPC sont les valeurs de l'indice des prix à la consommation sans tabac respectivement à cette date de référence et à celle du versement de la dite allocation, la fonction Q = f(R) étant représentée par une courbe constituée d'un palier pour les valeurs de R variant de 0 à lx5000 puis d'une branche décroissante et convexe admettant comme asymptote la droite d'expression Q = 0 quand Rॠ (soufflez...). Personne ne contestera l'équité d'une telle mesure.

      Non plus que celle qui pourrait nous permettre bientôt, comme la radio l'a également annoncé, de bénéficier chez le pharmacien d'un prix de vente de nos médicaments ajusté au niveau de nos revenus (2). Tout cela va à l'évidence dans le bon sens de la justice sociale.

      Tout comme cette initiative d'un garagiste solidaire de Montchanin, en Saône et Loire, qui facture ses réparations non pas selon la cote argus de la voiture mais, bien plus simplement, selon ce qui reste à ses clients en fin de mois une fois qu'ils ont réglé toutes leurs autres charges et dépenses (3).

      La commodité et le bien-fondé de cette façon de faire sont tellement flagrants qu'elle ne tardera pas à se généraliser. Il suffira d'avoir sur soi un duplicata certifié conforme de ses quittances de loyer, de gaz, de téléphone et d'électricité, de ses avis d'imposition (IRPP, taxe d'habitation, taxe locale et éventuellement ISF) et de ses relevés bancaires et bulletins de salaire, ou de pension, le tout des cinq dernières années, pour négocier directement avec la caissière du supermarché son tarif personnalisé pour trois paquets de coquillettes Berluzani, dont un gratuit, ou pour un pack de six yaourts brassés nature goût moldave.

      Certains esprits aux réflexes primaires et jacobins jugeront peut-être qu'il s'agit là d'expédients et de palliatifs qui seraient superflus si les revenus de toute nature étaient suffisamment et également taxés et les évadés fiscaux efficacement traqués et dénichés… Mais, comme disaient les Shadoks, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?


2 mai 2013

N° 102 - Au printemps, au printemps…


J'entends à la radio que nous n'avons plus à craindre que les abeilles butineuses de colza et de tournesol deviennent accros à la nicotine*. Ni, qu'ayant pris goût au gaucho, celles qui survivent et retrouvent le chemin de la ruche nous mijotent un miel au délicat parfum, ou fumet, de mégot.

Mais ce n'est qu'un début, continuons le combat. Car notre teneur individuelle moyenne en pesticides, insecticides, larvicides et autres molluscicides est au moins double de celle de nos voisins européens**. Nous sommes, bien plus qu'eux, imbibés des herbicides et des fongicides dont nos allées et jardinières sont aspergées, imprégnés des arachnicides et acaricides vaporisés dans nos encoignures et nos plumards, gorgés des bactéricides et microbicides pschittés dans nos toilettes. Sans que cela nous épargne d'être gazés, comme dirait Mme Boutin, puisque nous inhalons chaque jour douze mètres cubes d'air vicié, saturé de solvants et de formol, chargé de rognures de plastique et de colle de moquette. Ce que nous trimballons dans nos vaisseaux, nos bronches et nos entrailles tient ni plus ni moins de l'effluent et du dépotoir. C'est pire encore, bien sûr, pour les malheureuses dont les seins pipés au methylpolysiloxane laissent suinter et percoler lentement à l'intérieur d'elles-mêmes ce liquide huileux destiné d'ordinaire à faciliter l'étalement de la peinture.

A propos, un qui se serait bien passé d'étaler des peintures sur la place publique et de parler d'écouler du liquide à l'Intérieur, c'est M. Guéant. Sans aller jusqu'à noircir les tableaux en imaginant un blanchiment, on peut remarquer que, l'air de rien, il a réussi à mouiller Hollande en dévoilant qui était le peintre, et la Marine en décrivant le sujet des toiles. Chapeau l'artiste…

2 avril 2013

N° 101 - Watching you


J'entends à la radio que Sa Majesté le Roi de Suède vient de se faire tancer vertement par Google. Motif : les immortels de sa Royale Académie ont eu l'outrecuidance d'introduire dans leur dictionnaire le mot ingööglåble ! Définition : "(adj.) Que l'on ne réussit pas à trouver sur internet". Inconcevable pour les googleboys et googlegirls. Qui tolèrent encore moins de se voir attribuer ainsi les lacunes de leurs petits concurrents. Oui, il en reste deux ou trois.

Reconnaissons-le et rendons-lui grâce : Google est partout, Google sait tout, voit tout et entend tout. Google s'occupe de tout. On parcourt le monde sur google-earth, des étendues enneigées de googligloo jusqu'aux océans de google-les-mouettes. On trouve son pain quotidien chez google-enfariné et de la brioche chez gougelhof. On constitue sa cave avec googloogloo, puis on cuve à google-de-bois. Les chômeurs, eux, cherchent espoir sur google-de-l'emploi…

Loué soit Google qui veille sur nous. Mais d'où lui vient ce nom baroque, à mi-chemin du glougloutement du dindon et du gargouillis d'un gargarisme? Ces deux grands O tout ronds, ces deux billes de loto qui ne nous quittent plus du regard me laissaient imaginer un lien avec les grosses lunettes dont les anglais aiment s'affubler pour conduire et qu'ils appellent des goggles.

Il n'en est rien. Google vient de Gogol. Pas de Nicolas Vassiliévitch, avec qui il n'y aurait plus âme qui vive sur le web. Du nombre gogol qui vaut dix puissance cent. Ou si vous préférez, puisque vous n'en ignorez plus rien*, dix milliards de fois un péta puissance six. Un un suivi de cent zéros. Google se fait fort de collecter, classer, gérer, ingurgiter et dégurgiter un gogol de tout et n'importe quoi. C'est énorme, prodigieux, gargantuesque… Ils ne vont évidemment pas prendre de gants, même en suédine, avec un pauvre Carl XVI Gustaf qui n'a pas dix millions de sujets à administrer !

Suis-je assez prudent, déférent, servile et laudatif ? Maintenant que, dûment googlisé**, je suis titulaire d'un blogoogle je ne vais pas courir le risque de me faire virer. Je ne me vois pas créer mon petit moteur de recherche à moi, bien de chez nous, jouer les Astérix et l'appeler… Go-Gaule !



* Voir le n° 96.
** Si, si ! Tapez mon nom pour voir, en commençant par le prénom. Non, ça ne suffira pas… Ajoutez "parallèles" (ou "terre", ou "earth", pour une vie antérieure). Sinon vous tomberez sur d'autres membres de la famille, abondamment et justement googlisés depuis longtemps…

8 mars 2013

N° C - Mots paparallèles


J'entends à la radio que les entretiens d'embauche ont commencé chez les cardinaux. J'encourage les cadres sup seniors à haut potentiel actuellement en recherche d'emploi à ne pas négliger cette opportunité (qui reste réservée au sexe fort*). Sachez qu'il est possible d'être un cardinal papable sans passer par les ordres. Si les conditions d'admission sont plus strictes qu'au temps de Mazarin, il peut suffire d'un appui dans la place et d'un bon dossier.

Ne vous contentez pas d'un simple CV. Ecrivez in extenso : curriculum vitae, en police tempora nova romana. Libellez correctement votre date de naissance : MCMXXXVIII, par exemple, si vous êtes né en 38. Mettez en avant les diplômes censés vous avoir préparé au job de pontife. Selon l'étymologie, le pontifex c'est celui qui fait le pont ; sortir de l'ENPC (qui plus est rue des Saints-Pères) constitue donc un atout.


Le poste étant assez médiatisé, une aptitude à porter la toilette est un avantage indéniable. Joignez une photo en pied si vous avez déjà porté la robe, au barreau ou dans la magistrature ; évitez toutefois celles d'un petit boulot chez Michou.

Dans votre lettre de motivation n'hésitez pas à indiquer sous quel nom vous souhaitez être appelé à régner. Une allusion au poème de Prévert serait néanmoins déplacée puisque le ci-devant pape n'est pas mort. Les noms qui ont beaucoup servi, tels Jean, Grégoire ou Léon, supposent d'assumer la comparaison. Agathon, Hormisdas ou Zosime ne présentent pas cet inconvénient et méritent d'être remis à la mode. Précisez le numéro de votre choix. Une mauvaise pioche peut ruiner une carrière : le cardinal-archevêque de Paris, dont le matricule est déjà sorti il y a 55 ans, n'a plus aucune chance. Limitez-vous aux nombres entiers, ordinaux plutôt que cardinaux, et bannissez les nombres irrationnels : un pape Pie p serait certainement brocardé.

Côté rémunération tablez surtout sur la sécurité de l'emploi et les avantages en nature : pappartement de fonction (mais avec sujétion d'astreinte), personnel de maison couventionné, papamobile de société, couverture suisse, etc... Tirez profit des circonstances exceptionnelles: l'ex-pape (plutôt que de papapeauter papatati-papatata avec les paparazzis) reste à même de transmettre son expérience ; l'employeur peut donc signer un contrat de génération. Tâchez aussi de négocier pour votre fin de carrière un paparachute doré ascensionnel vers le paparadis.

Et n'oubliez que vous laisserez certainement une trace dans l'Histoire. Imaginez qu'elle ait connu l'évêque Cauchon et qu'il soit devenu pape : le Pape-Lard de Madame Iacub, experte en papaillardise, papapouilles et papatachons, serait encore en librairie !


*Désolé pour la journée de la femme…