J'entends à la radio que les trois quarts des moineaux de
Paris ont disparu depuis quinze ans. Qu'en dirait François Villon, qui
prétendait jadis : Il n'est bon bec que de Paris ? Ceux qui s'en
inquiètent ne savent trop comment l'expliquer. Le moineau, plutôt casanier, n'a
pas pu migrer ni filer bien loin à tire d'aile.
Il se peut que les jeunes
moinets aient dépéri, ne trouvant plus à becqueter un seul petit morceau de
mouche ou de vermisseau. On conçoit aussi que le moineau et sa moinelle ne
sachent où nicher sur les façades lisses de nos buildings modernes et ravalés.
Il n'y a plus un trou, plus un recoin où se glisser dans ces falaises de verre
et de béton. Plus de corniches, de bossages ou de chapiteaux où s'abriter, plus
de frises, de volutes ni de godrons où blottir un œuf. Mais ce n'est pas
nouveau : l'architecte des châteaux d'Anet, Chenonceau et Saint-Germain, le
fameux Philibert de l'Orme, condamnait déjà l'excès de modénatures qui ne
ramassent qu’ordures, vilenies, nids d’oiseaux, de mouches et semblable vermine. Que s'est-il donc passé en quinze ans ?
Il y a bien le changement
climatique... Mais il fait plus chaud qu'avant et l'on ne devrait
plus déplorer d'entendre, comme Jacques Prévert :
La voix d'un oiseau craintif
La voix d'un moineau mort de froid
Sur le pavé d'la rue d'la Joie. Les aurions-nous inconsciemment bannis de partout, plus excédés encore
par leur guilleri que par le chant du coq et le tintement des cloches ? Hugo
déjà s'irritait de leur pépiement dans un cimetière où des moineaux francs
faisaient l'école buissonnière :
Je criai : - Paix aux morts ! vous
êtes des harpies.
- Nous
sommes des moineaux, me dirent ces impies.
- Silence !
Allez-vous-en ! repris-je, peu clément.
Les moineaux de Paris ne savent plus où se mettre. Mais il y a
longtemps qu'ils ne peuvent plus compter sur le blair de Monsieur de Bergerac,
qui paternellement se préoccupait de tendre ce perchoir à leurs petites
pattes. Il y a belle lurette aussi que les chanteuses des rues comme la
môme Moineau et la môme Piaf, qui leur partageaient des miettes sur le pavé,
ont fait leur chemin et ne sont plus de ce monde. Alors, quoi d'autre,
récemment ?
Reste, peut-être, un constat qui n'avait pas échappé à La Fontaine :
Vraiment, dit maitre Chat,
Les Moineaux ont un goût exquis et délicat.
Serait-ce la raison pour laquelle il n'y en a presque plus à Paris où,
depuis quelque temps, on le sait, chacun cherche son chat ? Le fait est que
ces félins sont aujourd'hui les vedettes d'Instagram et les stars de Youtube. Tout
Parisien soucieux d'être liké sur les réseaux se doit de posséder au moins un mistigri
et d'en poster toujours plus de photos et de vidéos. S'afficher avec ses minets
peut même aider, quand on postule à de hautes fonctions, à faire oublier le
sort qu'on réserverait aux passereaux indésirables...
Villon : https://citations.webescence.com/citations/Francois-Villon/est-bon-bec-que-Paris-8936
https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-d-esthetique-2019-1-page-79.htm
Prévert : https://www.wikipoemes.com/poemes/jacques-prevert/cri-du-cour.php
Hugo : https://www.bonjourpoesie.fr/lesgrandsclassiques/poemes/victor_hugo/les_oiseaux
Klapisch : https://www.cedric-klapisch.com/fr/chacun-cherche-son-chat
La Fontaine : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Chat_et_les_Deux_Moineaux
Comme quoi il suffit
de taper sur un moteur de recherche des mots aussi simples que
"moineau" et "Paris" pour découvrir des choses qui donnent
matière à un billet !..