11 juin 2013

N° 104 - Banana split


J’entends à la radio une histoire qui me remet en tête la ballade de Bourvil :

Un oranger sur le sol irlandais
On ne le verra jamais
Un jour de neige embaumé de lilas
Jamais on ne le verra…


et la complainte des esquimaux d’Antoine :

Y a pas d'cerises
En Alaska
Outchi outchi outchi awawa
Sur la banquise
Pas d'mimosas
Outchi outchi outchi awawa
Pas de petits moutons
Broutant sur le gazon
Pas de rutabagas
Et pas de bouillon gras…

Chefs d’œuvre cultes des années 60 à 80 ! Autant dire l’âge de glace… Mais les temps changent. Même si nous en avons douté récemment, le réchauffement climatique n’est pas une fable. Certes (je peux en témoigner) le François qui siège maintenant à Rome semble aussi doué que le nôtre pour gouverner et pleuvoir, en chantant avec Sacha Distel :

Toute la pluie tombe sur moi
Oui, mais moi je fais comme si je ne la sentais pas
Je ne bronche pas, car
J'ai le moral et je me dis
Qu'après la pluie vient le beau temps
Et moi j'ai tout mon temps…


N’empêche, les faits sont là : la banquise s’évapore et l’ile de Jersey exporte des bananes ! On verra bientôt les ladies anglo-normandes aux frisettes bleutées porter par dessus leur guêpière en jersey-dentelle le pagne de Joséphine :

I have two loves
Milandes and Paris
By them always
Is my heart ravished.


On l’a compris : pendant que les régimes des républiques bananières naviguent en conteneurs réfrigérés, la facture en virevolte, papillonne, s’enfle de divers compléments, là où les taxes sont avantageuses. Un arrêt aux Caïmans pour rémunérer la centrale d’achats. Un passage à Luxembourg pour inclure des frais financiers. Un détour par l’Irlande pour honorer la marque. Un crochet par Man pour régler les primes d’assurance. Puis une dernière étape à Jersey pour gratifier les managers. Parvenue à Rungis, la banane de Jersey ne vaut - magie de l’ingénierie fiscale... - que cinq fois celle de Colombie.

Cinq fois quand même… La banane ne l’est pas, mais l’affaire est juteuse. Davantage peut-être que celles de M. Tapie, qui ne manquera pas de porter une… Orange à un ami contraint à Lagarde à vue* ?