J'entends à la radio le ministre de la santé, le nouveau, Monsieur Braun... Je vérifie quand même... Oui, Braun, c'est bien ça. L'autre jour j'ai entendu successivement Elisabeth Borne, Clément Beaune, Laurence Boone, Yaël Braun-Pivet, Dany Boon, maintenant François Braun alors, c'est vrai, je m'y perds un peu. Au moins Boon n'est pas au gouvernement, du moins pas encore. Donc François Braun annonce qu'on aura bientôt droit à des consultations gratuites à 25, 45 et 65 ans. Ça, c'est bien. Veillez quand même à confirmer votre rendez-vous d'une fois sur l'autre parce qu'aujourd'hui, déjà, il faut s'y prendre des mois à l'avance pour n'importe quel rancard. Oui, c'est comme ça maintenant, il faut penser à programmer ses études sur parcoursup, ses vacances sur abritel, ses voyages sur booking et ses maladies sur doctolib. Mais ça n'est pas facile : trois mois à l'avance, on ne sait pas toujours quelle maladie choisir. Et il y a des imprévus : le toubib prend sa retraite, il craque ou il chope le covid et tout est à refaire ; je sais, ça m'est arrivé. On dit que des petits malins retiennent tous les premiers rendez-vous libres pour les proposer sur la toile. Quelle époque ! Alors les consultes gratuites de Monsieur Braun, on verra...
Vous trouverez peut-être que j'évoque cela avec beaucoup de
légèreté, ou de cynisme. Sans doute le mettrez-vous sur le compte de mon
dépit, ou de ma jalousie : je ne bénéficierai pas, en effet, des libéralités de
Monsieur Braun. Je me suis d'abord étonné, c'est vrai, qu'il limite sa suite
arithmétique de raison 20 à 3 termes. J'aurais trouvé logique et juste qu'il la
pousse jusqu'à 85, voire 105. Je me suis demandé si, pour Monsieur Braun, les gens
de mon âge n'auraient pas déjà largement atteint leur date de péremption et ne
justifieraient plus la moindre dépense. Je l'ai même un peu soupçonné de
programmer ainsi notre obsolescence, l'air de rien. Et puis j'ai compris que
les octogénaires et demi, de toutes conditions, lui serviraient en fait de
modèles pour sa campagne, d'exemples à suivre, d'objectifs à atteindre, et qu'il
veillerait à ce qu'on leur prodigue longtemps et sans compter toutes les attentions dues aux belles espèces menacées de disparition qu'il importe tant de
préserver. C'est OK pour moi, Monsieur Braun...
*Jonquières-Saint-Vincent,
village du Gard, proche de Beaucaire et Tarascon, où résida Alphonse Daudet
(l'auteur du conte "Le curé de Cucugnan", dans "Les Lettres de
mon moulin").