J'ai
entendu à la radio que Levi Strauss et Google ont conçu une veste en jean
connectée. Malheureusement mon Levi's® Store de la rue de Poissy n'a
pas encore été livré. A défaut, le vendeur me propose d'abord un pantalon denim,
en solde parce que sa connectique date du début 2017. Puis, comprenant (enfin...)
qu'il a affaire à un geek, il m'offre d'essayer la version béta d'un modèle
plus avancé : toutes ses coutures dissimulent des vibrocapteurs, pas seulement au
niveau de la ceinture.
Je sors du
magasin, active l'appli GPS de mon smartphone et tape ma destination : Paris,
rue du Dessous des Berges. Une vibration sur ma hanche gauche me fait prendre à
gauche, rue au Pain, puis une autre, à droite, rue de La Salle. Les ourlets qui
enserrent mes chevilles frémissent tour à tour, à chaque pas : gauche, droite, gauche,
droite... Ils régulent la cadence. Soudain le futal se contracte sur mes ménisques
et me bloque net en haut de l'escalator du RER, en panne. Je prends donc l'escalier,
où les impulsions s'espacent un peu. Puis leur rythme s'accélère dans
le couloir et je comprends qu'il faut allonger le pas pour ne pas rater le
train. Juste avant le tourniquet, un chatouillis sur la fesse me rappelle
que mon passe Navigo est dans la poche-revolver. A coups de petites pressions
sur mes bourrelets, mon jean me conduit vers un wagon où il y a de la place. Il
me guide jusqu'à celle que je préfère, en haut, près d'une vitre côté quai. Vraiment,
l'exploitation des big-data enregistrées par les caméras de la RATP est
remarquable ! Elle me laisse rêveur... jusqu'à ce que tout mon froc grésille et
me réveille pour le changement à Gare de Lyon. Je m'abandonne aux vibreurs qui
me pilotent vers la ligne automatique M14. L'esprit libre, je ne perds rien des
réclames affichées dans le dédale des couloirs. Voilà trois fois que mon smart-falzar
ralentit et me fait faire un petit quart de tour vers les écrans où une pin-up
sexy surfe, sans se lasser, la même vague bleue d'une plage des Seychelles
baignée de soleil... Une gamme de frissonnements fait comme ruisseler l'eau,
s'effriter le sable, flamboyer les UV tout au long des jambes de mon grimpant
connecté... Une sensation de houle se diffuse depuis la couture de la fourche, sous
le regard ensorcelant de la surfeuse... On a dû me fourguer un modèle "djeune"...
Un bip de mon smartphone rompt le charme : un SMS me signale une promo sur un
séjour à Mahé mi-octobre, un autre m'informe que mon agenda est vierge à cette époque.
Me voici
arrivé rue du Dessous des Berges, au siège de la Fédération des Randonneurs. Ma
visite n'était pas urgente. Je vais plutôt leur faire part d'une idée qui m'est
venue en chemin. Il est temps de laisser tomber le balisage des GR et des PR, d'oublier
les marques blanches, rouges ou jaunes ainsi que les topoguides : tout marcheur a son
smartphone ; il ne lui manque plus qu'un bénard Quechua connecté.
Cela fait,
toujours actionné par mes vibrocapteurs, je pousserai jusqu'au siège Lidl de
Rungis. Là, je suggérerai d'améliorer encore les salopettes généreusement fournies
aux ouvriers-marionnettes des entrepôts. Grâce aux bleus de travail connectés,
Lidl pourra bientôt faire l'économie des casques-audio et de la commande vocale
?
P.S ou N.D.L.R. : Tout cela existe déjà ou existera sous peu.
Si tu en doutes, clique sur :
Pour
ce qui est d'un entrepôt Lidl, si tu n'as pas vu "Cash investigation"
sur France2 mardi dernier, l'émission
est disponible en "replay", par exemple sur : https://www.youtube.com/watch?v=s5uHC6TN2wo.
La séquence qui commence 18 minutes après le début et
en dure 4 est sidérante...