30 novembre 2020

N° 251 - Circuit court

 

J'entends à la radio que nous n'aurons bientôt plus besoin d'aller ni chez le boucher ni au supermarché pour acheter du beefsteak. Le louchebem1 commence d'ailleurs à se faire de la bile. Non, non, je ne te parle pas de steaks végans tout en pousses de soja et sang de betterave. Nous ferons de l'élevage nous-mêmes, à la maison. On s'en inquiète grave, tu penses, dans les chaumières du Charolais comme dans les bergeries de Haute-Provence... Parce que toute la filière est concernée, chevillards et équarisseurs compris. Mais non, ne crains rien, nous n'aurons pas à nous charger de ça. Et que nous n'ayons pas le moindre bout de terrain ni même un jardin n'est pas un problème. Je te l'ai dit : nous ferons de l'élevage à la maison. Eh bien... où tu veux : à la cave, dans le garage ou un coin de placard. Mais qui te parle d'installer un clapier sous la télé ? Il n'est pas question d'élever des animaux ! C'est fini, ça, de sacrifier de pauvres bêtes pour les bouffer. Il s'agit d'élever de la viande, seulement de la viande. Et rien que des bons morceaux, juste ce qu'il nous faut, au fur et à mesure des besoins. Ca ne prend pas de place du tout.

Je crois que tu es déjà un peu au courant des méga-burgers de viande cultivée ? Oui, la viande obtenue à partir de cellules souches d'onglet ou de rumsteak, incubées et marinées dans du sérum de fœtus de veau. D'accord, ça ne te fait pas trop envie, je te comprends. Tu aimerais pouvoir au moins choisir la race du bœuf, l'âge du fœtus, tout ça...

Mais c'est déjà de l'histoire ancienne, c'est dépassé. Maintenant tu n'auras plus aucun souci, ni de traçabilité ni de maltraitance : tu vas élever toi-même des cellules prises sur tes propres joues, avec un grand coton-tige, façon covid. Puis tu les laisses proliférer, foisonner, pulluler dans un bouillon de sérum périmé, le tien tant qu'à faire. Et quelques semaines plus tard, à table ! Tu dégustes ta joue, oui ta joue, en miroton, aux carottes nouvelles et aux petits oignons. Bien sûr, une fois que tu t'es fait la main, tu peux te grattouiller ailleurs, essayer ton jarret, ton dessus de côte, ou ton gigot... Et proposer d'y goûter. Imagine un peu nos amis, Désiré, Léonor, toute la bande2 qui vient diner... A qui tu demandes d'identifier celui de tes abattis d'où provient ta daube. Un triomphe ! Evidemment ils veulent tous s'y mettre. Et de soirée en soirée, ici nous partageons du Pamphile en brochettes, là nous nous taillons des bavettes de Marinette. Halal, kasher ou pas, ça n'est plus en question : nous nous entre-bidochons joyeusement dans les plus conviviales des barbacchanales !3


En amuse-bouche


1. Si tu ne connais pas ce mot, je te laisse chercher tout seul...
2. De vieilles connaissances, depuis les n° 146, 153...
3. Je n'invente rien (ou presque) : ce mode d'autoreplication comestible fait l'objet du projet "Ouroboros steak", du nom du serpent mythique égyptien qui se bouffe lui-même par la queue (option facultative).



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