J'entends à la radio que
notre Ministre de l'Intérieur s'est encore rendu à Calais, où nos voisins
britanniques contraignent des milliers de pauvres diables à bivouaquer. On s'en
émeut, à juste titre(1). On ne trouverait pas déplacé que les plus
hauts dignitaires de la douce France et de la blanche Albion se rencontrent sur
place, à l'exemple de notre François, premier du nom, et de Henry VIII, le
terrible prédécesseur de leur gracieuse majesté. A l'époque, François et Henry,
disposés à résorber quelques différends, convinrent de passer un peu de temps
ensemble, aux marches mêmes de leurs royaumes. Il se trouve que le roi Henry
avait conservé de ce côté-ci de la Manche un pied-à-terre : le Calaisis
justement (que ses successeurs regrettent probablement)...
Lisons ce que rapportent
les chroniques(2).
Sitôt la chose décidée, une noria de
vaisseaux transporte depuis la Tamise tout ce qu'il faut pour qu'Henry
s’installe près du village de Guînes, en son fief, avec son innombrable cour :
matériaux, tapisseries, étoffes de velours, vaisselle d'argent... On y monte un
palais de bois et de verre de cent mille pieds carrés "où y avoit quatre corps de maison qu'il
avoit faict charpenter en Angleterre, et amener par mer toute faicte".
On livre assez de bétail et de victuailles pour nourrir des milliers de bouches
et suffisamment de vin pour alimenter deux fontaines pendant des semaines.
François Ier, lui, prend
ses quartiers près de Ardres, en terre française, à trois lieues de là. Sa
tente, haute comme une tour et couverte d'une étoffe d'or frisée, est tapissée de
velours bleu "tout semé de fleurs de
lis de broderie d'or de Chypre". Des centaines d'autres tentes,
drapées de soieries, abritent la reine Claude et les grands du royaume. Les seigneurs
invités à participer à la rencontre se ruinent pour l'aménagement de leurs
tentes et les broderies de leurs pourpoints d’apparat. On dit qu’ils portent
les forêts et les moulins qu'ils ont vendus sur leurs épaules ! La plaine de
Flandre fourmille d'oriflammes, de baladins répétant leurs spectacles, de
gentilshommes et de dames paradant en grande toilette. Même les chiens des
suivantes portent des colliers de pierres précieuses.
Cinq mille ouvriers ont
participé aux travaux. Les deux villages comptent près de trois mille tentes,
recouvertes de velours ou de drap d’or.
C'était le fameux "camp du drap
d'or"... Les temps ont changé. A l'époque, il n'y avait pas vingt millions
d'habitants en France mais il parait que nous n'avons plus autant de moyens.
Nous ne pouvons plus proposer à nos hôtes de passage que des containers
recyclés ou des bâches de PVC plantées dans des cloaques fétides et nous ne
savons plus leur servir que des soupes populaires...
(1) Voir : http://www.change.org/appeldecalais
(2) En particulier celles que cite le Comité des Fêtes de
Ardres, fier de sa "géante" Belle Roze.
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