22 octobre 2015

N° 152 - Camping *****


J'entends à la radio que notre Ministre de l'Intérieur s'est encore rendu à Calais, où nos voisins britanniques contraignent des milliers de pauvres diables à bivouaquer. On s'en émeut, à juste titre(1). On ne trouverait pas déplacé que les plus hauts dignitaires de la douce France et de la blanche Albion se rencontrent sur place, à l'exemple de notre François, premier du nom, et de Henry VIII, le terrible prédécesseur de leur gracieuse majesté. A l'époque, François et Henry, disposés à résorber quelques différends, convinrent de passer un peu de temps ensemble, aux marches mêmes de leurs royaumes. Il se trouve que le roi Henry avait conservé de ce côté-ci de la Manche un pied-à-terre : le Calaisis justement (que ses successeurs regrettent probablement)...

Lisons ce que rapportent les chroniques(2).
Sitôt la chose décidée, une noria de vaisseaux transporte depuis la Tamise tout ce qu'il faut pour qu'Henry s’installe près du village de Guînes, en son fief, avec son innombrable cour : matériaux, tapisseries, étoffes de velours, vaisselle d'argent... On y monte un palais de bois et de verre de cent mille pieds carrés "où y avoit quatre corps de maison qu'il avoit faict charpenter en Angleterre, et amener par mer toute faicte". On livre assez de bétail et de victuailles pour nourrir des milliers de bouches et suffisamment de vin pour alimenter deux fontaines pendant des semaines.
François Ier, lui, prend ses quartiers près de Ardres, en terre française, à trois lieues de là. Sa tente, haute comme une tour et couverte d'une étoffe d'or frisée, est tapissée de velours bleu "tout semé de fleurs de lis de broderie d'or de Chypre". Des centaines d'autres tentes, drapées de soieries, abritent la reine Claude et les grands du royaume. Les seigneurs invités à participer à la rencontre se ruinent pour l'aménagement de leurs tentes et les broderies de leurs pourpoints d’apparat. On dit qu’ils portent les forêts et les moulins qu'ils ont vendus sur leurs épaules ! La plaine de Flandre fourmille d'oriflammes, de baladins répétant leurs spectacles, de gentilshommes et de dames paradant en grande toilette. Même les chiens des suivantes portent des colliers de pierres précieuses. 
Cinq mille ouvriers ont participé aux travaux. Les deux villages comptent près de trois mille tentes, recouvertes de velours ou de drap d’or.  

C'était le fameux "camp du drap d'or"... Les temps ont changé. A l'époque, il n'y avait pas vingt millions d'habitants en France mais il parait que nous n'avons plus autant de moyens. Nous ne pouvons plus proposer à nos hôtes de passage que des containers recyclés ou des bâches de PVC plantées dans des cloaques fétides et nous ne savons plus leur servir que des soupes populaires...


(1)      Voir : http://www.change.org/appeldecalais
(2)        En particulier celles que cite le Comité des Fêtes de Ardres, fier de sa "géante" Belle Roze.


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