25 novembre 2024

N° 299 - Quel vandale !

 J’attends qu’à la radio on nous annonce que c’est fait, que le forfait a été commis, que ce fleuron du patrimoine mondial a été détruit, anéanti... Et, cela, par celui-là même qui en a depuis peu la garde, ou qui l’avait, si le sacrilège est d’ores et déjà consommé... Cela, du fait délibéré de celui qui en avait non seulement acquis la propriété mais surtout endossé la mission d’en assurer l’entretien, la charge de veiller à sa pérennité. Car cette œuvre d’art, ce trésor insigne, est tout sauf immarcescible. Cette installation, pour être précis, est en effet des plus fragiles, des plus périssables. On a certes vu récemment bien des chefs-d’œuvre aspergés de mélasses, de brouets gluants ou de compotes dégoulinantes. Mais, Dieu merci, ils étaient protégés par un verre épais et étanche sur lequel ces pâtées visqueuses n’ont fait que glisser. Par contre le joyau dont on peut redouter qu’il ait déjà été ravi à notre admiration n’a, lui, que sa seule peau pour protection. Le fait qu’elle soit elle-même, par chance, intrinsèquement glissante ne suffit malheureusement pas à mettre la substance médullaire de l’objet à l’abri de toute dégradation. L’une des trois bananes de Maurizio Cattelan vient en effet de tomber entre les mains d’un iconoclaste notoire et déclaré, Monsieur Justin Sun, qui l’a acquise pour six millions de dollars et se promet de la bouffer dès que Sotheby’s la lui aura livrée. Un autre exemplaire, offert mystérieusement au Guggenheim de New York il y a quatre ans, n’avait alors été estimé qu’à quarante fois moins*. Mais Justin n’a cure de s’être fait rouler : c’est dans une cryptomonnaie en bitcoins qu’il a lui-même créée qu’il a, en fait, payé sa banane. Il est donc bien placé pour ne pas la considérer comme un investissement, mais comme un simple amuse-gueule. Tout comme les singes, qui en sont friands mais n’y dilapident pas pour autant toute leur monnaie...

 

Un ami et fidèle lecteur me conjure de ne pas hésiter à recycler à cette occasion le billet n° 246 du 29/9/2020. Il considère que je peux m'accorder cette facilité avant le n° 300... Il vous engage même vivement à tenter un karaoké, sur l’air de ‘’La ballade’’ de Gérard Lenorman, dont la version originale, chacun s’en souvient, commence comme ça :

Notre vieille Terre est une étoile
Où toi aussi tu brilles un peu
Je viens te chanter la ballade
La ballade des gens heureux
Je viens te chanter la ballade
La ballade des gens heureux...



Et revoici la version détournée :

Notre musée n'a pas que des toiles
Car un mécène mystérieux
Lui a fait don de sa banane
Sa banane, c'est généreux
Lui a fait don de sa banane
Sa banane, c'est généreux.

Un brave gardien du patrimoine
Y veille comme un lait sur le feu
Il ne quitterait sa banane
Sa banane jamais des yeux
Il ne quitterait sa banane
Sa banane jamais des yeux.

Lorsque des taches s'y propagent
Que s'en recroqueville la queue
C'est qu'elle est mure la banane
La banane, c'est pas douteux
C'est qu'elle est mure la banane
La banane, c'est pas juteux.

Pour le garde c'est vraiment dommage
Mais, pas le choix, c'est impérieux
Il faut remplacer la banane
La banane qu'est trop dégueu
Il faut remplacer la banane
La banane qu'est trop dégueu.

Il sait qu'on garde au grenier un pagne 
De Joséphin’, qu’est pas trop miteux,
Il y prélève une banane
Un' banan' des dessous fameux
Il y prélève une banane
Un' banan' des dessous fameux

D'un morceau de scotch il l'enrubanne
Et sur le mur la colle au milieu
Juste au bon niveau la banane
La banane, c'est minutieux
Juste au bon niveau la banane
La banane, c'est minutieux.

La dame qui vient pour le ménage
Chaque lundi depuis sa banlieue
Recupèr’ les vieilles bananes
Les banan's pour les loqueteux
Recupèr’ les vieilles bananes
Les banan's pour les loqueteux.

Rois de la dèche et de la panade
Migrants, clochards, chômeurs sans boulot
Ils vont se flamber des bananes
A huit cents briques du kilo
Ils vont se flamber des bananes
A huit cents briques du kilo !

 

 

 

 


21 octobre 2024

N° 298 - Sauve qui pleut

J’ai entendu à la radio et, surtout, nous avons vu à la télé des flots torrentiels s’engouffrer dans les rues de gros bourgs tranquilles et les dévaster en un rien de temps. Nous avons vu les maisons envasées, les sous-sols engloutis, les boutiques mises sens dessus dessous, les autos à la dérive, les ponts disloqués et balayés. La soudaineté, la violence du déferlement nous ont stupéfaits.
Bien sûr avec mon mauvais esprit tatillon j'ai levé les yeux au ciel quand un reporter en bottes et capuchon disait qu’il était tombé là plus de pluie en une heure qu’en deux mois (quels mois ?) ou que la rivière avait atteint ici la cote 6.80 (quel niveau d’habitude ?).

Mais, quand même, ça se gâte, non, le dérèglement climatique ?

Evidemment j’ai remarqué par-devers moi que ce n’est pas d’aujourd’hui que les rivières débordent. Il y a cent quinze ans on circula en barque à Saint-Germain-des-Prés. Il y en a cent cinquante la Garonne ravagea Toulouse, où le Président Mac Mahon prononça ce constat clairvoyant : "Que d’eau, que d’eau..."
D’un petit tour en Morbihan cet été j’ai retenu aussi que nos aïeux qui alignaient pesamment leurs menhirs les portaient tout droit de Locmariaquer à Gavrinis, à pied sec. Nul besoin de faire le tour de la rivière d’Auray : la mer, à l’époque, était 12 m plus bas ! Car énormément de glace a déjà fondu depuis 6000 ans, même si ça ne fait jamais que 2 mm par an...

Mais, quand même, il s’accélère, non, le réchauffement climatique ?

Oui, sans aucun doute, mais... que faire ?
Faut-il rejoindre les écolos et tenter de convaincre le monde entier de ne plus compter que sur le soleil, le vent et nos mollets ? De tout user jusqu’à la corde ?
Ou se résigner au contraire, se ranger sous la bannière défaitiste, égoïste et jemenfoutiste de Mme de Pompadour : "Après moi, le déluge !" ?
Doit-on plutôt faire confiance aux technosolutionnistes optimistes, convaincus qu’on finira bien par trouver un truc, une idée, comme toujours ?
Ou faut-il se retrousser les manches, choisir une solution dès maintenant et la mettre au point, sans attendre ? Comme - par exemple - construire une fusée qui expédie une mission de volontaires sur Mars pour la défricher, y créer un nouveau monde, y fonder une nouvelle humanité ? Make Mars great instead. Pourrait-on alors prier M. Musk de ne pas oublier de déménager aussi les animaux, de concevoir l'une de ses roquettes comme une nouvelle Arche de Noé ? Il n’a pas à s’inquiéter, il ne faut pas tellement de place : 70% de la faune sauvage a déjà disparu en cinquante ans.



27 septembre 2024

N° 297 - Requiescat ?

J’entends à la radio que l’incendie de Notre-Dame a donné l’occasion d’exhumer deux sarcophages de plomb. Des légistes experts ont décortiqué les restes qu’ils contenaient. Il parait que l’un des macchabées, présentant des séquelles de méningite tuberculeuse et des déformations osseuses propres aux cavaliers, ne saurait être que Joachim du Bellay, le fameux poète de la Renaissance. 

Cousin d’un cardinal, il aurait pu bénéficier d’une sépulture aussi prestigieuse. Reste un doute : aurait-il, enfant, plutôt vécu à Lyon ou à Paris qu’au petit Liré angevin, si l'on en croit les atomes de ses dernières dents... de lait ?

En tout cas il m’a confié dans un cent-quatre-vingt-douzième sonnet, celui-là d’outre-tombe, qu’il se serait bien passé du dérangement !


Heureux qui ne subisse hors de son sarcophage
Autant d’irrévérence et de profanation
Que n’en souffre mon corps mis en exposition
Depuis qu’on l’a sorti de dessous le dallage

On a de mon squelette étudié l’assemblage
Sondé de mon coccyx l’équestre contorsion
Déniché dans mes os l’omineux vibrion
Qui, tôt, de mon cortex corrompit l’emballage.

Plus me plaisait la nuit du tombeau silencieux
Plus le profond caveau dans le sol oublieux
Que le scialytique aveuglant et blafard

Plus l’éternel repos que ce flot d’examens
Plus mon voisin muet que tous ces carabins
Et mon harnois de plomb que le champ du billard...


 

 

 

 

19 juillet 2024

N° 296 - Actu

J'entends à la radio que... je l'entends à la radio mais, bien sûr, avant d'en faire état je vais m'assurer de ce qu'en dit la presse, la presse écrite. Parce que les flashes de trois minutes, météo comprise, c'est quand même un peu sommaire. Je vais vérifier sur mon téléphone. Ah, mon téléphone... Ce n'est pas seulement - en fait pas souvent - un téléphone, c'est un truc vraiment très pratique où je peux lire les journaux, tous les articles de tous les journaux. Je lis au moins les titres, une introduction ou un petit résumé. J'ai un grand choix, tout le choix proposé par google news, microsoft start, yahoo et d'autres, beaucoup d'autres. Mais il faut bien choisir, je ne vais pas y passer tout mon temps ; la moitié peut-être, au grand maximum... Google me le confirme : la meilleure application d'actualités sous androïd c'est google actualités. C'est vrai que c'est très complet. Et ne croyez pas qu'il n'y ait que des mauvaises nouvelles. Tenez, je viens de lire que la terre ralentit, que les jours s'allongent. Je vais donc vivre plus longtemps sans être plus vieux, c'est mathématique. C'est dû aux pompages de l'eau souterraine. Justement - je scrolle un peu plus loin – des écolos manifestent contre les méga-bassines. Avant j'aurais plutôt été d'accord avec eux mais, finalement, elles ont du bon ! C'est important de bien s'informer pour se faire une opinion. D'ailleurs j'ai lu hier que le temps qui s'écoule n'est qu'une illusion, induite par l'intrication quantique. Comme il n'y a pas d'interaction gravitationnelle en physique quantique, l’espace-temps est plat et, vu de l'extérieur, il ne se passe rien dans notre univers. C'est bon à savoir, même si j'hésite encore à considérer ça comme une bonne nouvelle. En tout cas j'admire la capacité qu'ont google et ses semblables à me faire comprendre les choses en aussi peu de mots, à me faire me sentir intelligent. Mais c'est normal : c'est rédigé par l'intelligence artificielle, c'est un plus. Le temps qui passe, c'est évidemment un souci à mon âge. Je lis que Joe Biden, mon cadet, a trouvé la solution pour être plus en forme. Je mets l'article de côté, pour plus tard. Trump, lui, n'a pas ce problème : il bénéficie de la protection divine, même s'il a eu chaud aux oreilles. Ses fidèles y voient la bénédiction de son programme : forer à tout va, finir le barrage, expulser en masse... Et bien sûr l'absolution complète de ses frasques. Quand je pense que, pour un peu, c'est l'abbé Pierre qui aurait été canonisé !




8 mai 2024

N° 295 - Du feu de dieux

J'entends à la radio qu'elle est née du soleil, au creux d'une parabole. Jaillie au sein du sanctuaire dédié au dieu suprême de l'Olympe, elle a été pieusement nourrie par ses prêtresses, vestales aux toges immaculées et virginales. Puis le premier des missionnaires a empoigné la torche, le cierge du feu sacré et, prenant le petit trot, s'est mis en chemin.

La flamme vient d'arriver à Marseille sur ce fier et beau trois-mâts baptisé Belém, du nom qu'au Portugal on donne à Bethléem. Jadis ce n'est qu'une pauvre coquille de noix à la dérive depuis les côtes de Judée qui fit s'échouer les Saintes Marie sur un banc de sable de Camargue. La foule qui, trois fois l'an, conduit en procession la barque et les soi-disant reliques des deux Marie et de Sainte Sara depuis l'église jusqu'à la mer est souvent aussi dense que celle qui s'est pressée aujourd'hui sur le Vieux-Port pour y vénérer une lampe-tempête, y encenser une lanterne...

Maintenant qu'elle est enchâssée dans un ostensoir inoxydable et fuselé, la flamme commence un long périple. Il me rappelle celui de Notre-Dame du Grand Retour... Il y a quatre-vingts ans (eh oui, je m'en souviens !) cette statue d'une autre Marie embarquée parcourut pompeusement la France entière, de Lourdes à Boulogne-sur-Mer, de paroisse en paroisse, accueillie, escortée partout par des foules ferventes et confites en dévotion. Les gens chantaient alors, du même alléluia, la madone, la fin de la guerre et le retour des prisonniers(1)

La flamme va sillonner le pays, enchaînant au train de footing de ses flamines(2) les chemins de Compostelle, des pèlerinages de Chartres et des pardons bretons. Les curieux et les supporters en survêts massés le long du parcours, unis dans l'idolâtrie bigote des dieux du stade, vont y guetter la lueur d'une sorte de veilleuse de tabernacle en balade, ou de petite langue de feu de pentecôte buissonnière. Peut-être vont-ils quand même vaguement espérer que le temps des jeux soit aussi celui de la trêve, où prisonniers et otages rentrent enfin à la maison ?

Va pour allumer, ranimer, brandir la flamme. Et pour cesser le feu...


(1) Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Notre-Dame_de_Boulogne#Grand_Retour_(1943-1948)

Et une vidéo d'époque : https://sites.ina.fr/normandie-pour-la-paix/focus/media/NI0003

(2) Le mot du jour : dans la Rome antique les flamines étaient les gardiens du feu sacré.



6 avril 2024

N° 294 - Sehr schwer...


J'entends à la radio que le président du Botswana s'apprête à expédier en Allemagne vingt-mille éléphants. J'ai d'abord soupçonné un bobard, juste après la mort de L. de Brunhoff, l'auteur de Babar. Mais, j'ai vérifié, ce ne sont pas des fake news à la... Trump : il s'agit bien de vingt-mille vrais bons gros éléphants.

Evidemment le Bundesministerium der Verteidigung, le Ministère de la Défense, est sur les dents. A Berlin on n'oublie pas que Hannibal avait fait le coup aux Romains, depuis Carthage, en passant par l'Espagne et les Alpes. C'était moins loin et on dit qu'ils n'étaient qu'une trentaine, d'accord, mais c'était il y a deux-mille-deux-cents ans...

On se demande quand même si M. Mokgweetsi Masisi ne sous-estime pas le problème logistique. Comptons six tonnes pour un mâle, quatre pour une femelle : on parle d'un troupeau de cent mille tonnes, en gros. Il ne faut pas prendre ça à la légère. De plus ce ne sont pas des migrants ordinaires : des zodiacs feraient difficilement l'affaire. Ne rêvons pas non plus d'une armada d'arches de Noé : le Botswana n'est pas au bord de la mer ! Il y a bien l'avion. On pense évidemment au Boeing jumbo-jet. Mais à raison d'une seule dizaine de couples par vol, bonjour l'empreinte carbone...

A supposer qu'il existe un chemin le long duquel ils pourraient trouver de quoi se nourrir et qu'ils fassent finalement la route à pied, comme ceux de Hannibal, à la queue-leu-leu, accompagnés d'un alignement de cornacs, cela pourrait ne prendre qu'un an. Au moins cela laisserait à nos voisins le temps de s'organiser. Mais vous vous doutez que beaucoup seraient inquiets, à commencer par les Saxons qui tiennent des magasins de porcelaine.

Si je comprends bien, l'autre option c'est d'inviter vingt-mille tartarins d'outre-Rhin à zigouiller chacun son pachyderme dans la savane de l'Okavango et de les laisser en rapporter chez eux les oreilles et la queue. On recommande le fusil A-Square Hannibal (!) et les cartouches 577 Rounds Tyrannosaur calibre 15 mm. Le recul vous démolira sans doute l'épaule et les munitions sont à 30 dollars pièce, mais elles stopperont net tout solitaire qui oserait vous charger.

C'est justement le genre de safari que les Grünen allemands voudraient interdire à leur compatriotes, mais c'est ce qui a fâché M. Masisi. Ses écolos à lui se plaignent en effet que les éléphants, de plus en plus nombreux, ravagent leurs cultures de maïs, de sorgho et de citrouilles et écrabouillent parfois les petits enfants. M. Masisi a déjà tenté de persuader les Angolais d'en accueillir huit-mille et les Anglais d'en faire paitre autant à Hyde Park. Sans succès... Alors l'idée de les disperser, à défaut, dans les nombreux parcs de Berlin, très vastes, très verts, très accueillants, semble séduisante. C'est du win-win, gagnant-gagnant.

Reste l'épineuse question du transport. Angela Merkel dirait peut-être : "Wir schaffen das !" comme en 2015 ?2

 


1  En allemand schwer signifie aussi bien lourd que difficile.

2 "Wir schaffen das“ (nous y arriverons) était le slogan qui, pour Angela Merkel, symbolisait sa politique d'accueil des réfugiés (la Willkommenskultur).



26 mars 2024

N° 293 - Bulletin de chanté

J'attends à la radio (vous l'avez ?) j'attends à la radio qu'on me scrute aux rayons X (là, on ne précise pas : ex-Twitter). J'enchaine depuis Noël les visites à l'hosto et au labo. Rien de grave, à ce qu'on me dit : c'est seulement fatal, à mon âge... Encore faut-il s'entendre sur le sens qu'on donne au mot fatal. Les mots sont essentiels. J'en découvre de nouveaux à chaque examen, chaque intervention, qui ne sont pas tous définis dans mon Lexis. Alors j'essaie de me faire une idée de ce qu'ils cachent.

Tout a commencé par des épisodes de tachycardie. La, la, la la la, chantait à peu près Montand,
Dir' que ce mot me semblait vieillot,
Aujourd'hui il me semble nouveau,
Et puis surtout c'était toi et moi,
Ces deux mots ne vieillissent pas.
Souviens-toi on parlait de tachycardie
A la pause entre deux rock'n'roll
Tous les deux, amoureux, nous avons dansé
Tant de chos's aux cadences folles...

Cela m'a valu une coronarographie. Six syllabes c'est déjà difficile à prononcer, mais une en A entre trois en O, j'ai du mal... C'est l'un des plus longs de nos cent-trente-et-un mots en "ographie". Le plus fort c'est que coronographie, plus simple et plus court, existe aussi. Même les cardiologues s'y perdent ! Je me permets de citer l'Institut de France et sa Fondation Recherche Cardio-Vasculaire : "Qu’est-ce que la coronographie ? La coronarographie est l’examen qui consiste à faire une radiographie filmée de vos artères coronaires". Mais, voilà, les astronomes prétendent s'en réserver l'usage pour étudier les étoiles, leurs éclipses et leurs comètes. A mon avis le risque de confusion est faible. Encore que Jean-Jacques Lafon, un chanteur devenu médecin, chantait jadis :
Fais valser mon cœur dans les étoiles
Autour des feux de la Saint-Jean
Pour chacun de nous brille une étoile
Pour toujours dans la nuit des temps...

Mais ce n'est pas tout : le compte-rendu de mon dernier examen qualifie au passage mon abdomen de pléthorique. Sans faire de rhétorique je trouve ça excessif et désobligeant. 

Va pour arrondi, renflé peut-être... Mais pas pléthorique tout de même ! Pourquoi pas pansu, distendu, boursouflé tant qu'on y est ? Ou, pis encore, bedonnant, ventripotent, apoplectique ? Voire gidouillant, façon Père Ubu ? 
La bedaine, la bedaine
Ca voulait dire
On est heureux
La bedaine, la bedaine,
Quand on mange deux jours sur deux...

J'y lis aussi que je ferais preuve d'un peu d'hépatomégalie. Est-ce à dire que j'aurais tout simplement, modestement - rien de mégalo là-dedans - un point commun avec les oies grises des Landes, celles que l'on gave de Périgord en Chalosse ? 
Et bien puisqu'il parait que tout me rappelle, toujours, une vieille chanson, en voici une dernière, de Frédéric Mistral (ça vous épate ?) : "O Megali !" (vous l'avez ?)

- Oh! mai, se tu te fas pescaire,
Ti vertoulet quand jitaras,
Iéu me farai l’aucèu voulaire,
M’envoularai dins li campas.

- O Magali, se tu te fas
L’aucèu de l’aire,
Iéu lou cassaire me farai,
Te cassarai.

- Si tu prétends aussi me suivre
Quand tu jetteras tes filets
Je me ferai oiseau rapide
Par la lande m'envolerai

- O Magali si tu te fais
Une oie sauvage
Chasseur à mon tour deviendrai,
Et te chasserai !


Je remercie pour ce billet... genre "On connait la chanson" :
- D'abord Alain Resnais pour ce film (1997)
- Puis Haydn Wood et Frederic Weatherly pour la version originale de "Roses of Picardy" (1916)
- Sydney Bechet pour sa version jazzy (1954, https://www.youtube.com/watch?v=iUcW677LqpQ)
- Yves Montand pour la sienne, plus langoureuse (1981, https://www.youtube.com/watch?v=hm9lLbQjQSk)
- Jean-Jacques Lafon pour "Le cœur dans les étoiles" (1987, https://www.youtube.com/watch?v=jt5GEY57pno)
- Alfred Jarry pour sa pièce "Ubu roi" (1895)
- Charles Aznavour pour "La bohème" (1966, https://www.youtube.com/watch?v=fVfnEyLOkrM)
- Et le grand poète de langue d'oc, Frédéric Mistral, un félibre, pour "O Magali" (1855) chantée par Adrien Legros (1930, https://www.youtube.com/watch?v=HHzOCKtaGTQ).

14 février 2024

N° 292 - La mémoire qui flanche ?

J'entends à la radio que Joe Biden perdrait la mémoire... Tout ça parce qu'il a confondu le Maréchal Sissi et le président Andrés Manuel Lopez Obrador ? Moi, quand ça m'arrive, j'appelle ça un lapsus. 
On peut quand même en faire une petite chanson, sur un air que tout le monde connait ? Mais commencez quand même par réécouter la version originale  https://www.youtube.com/watch?v=wwVxYvCWBik.


J'ai la mémoire qui flanche
J'me souviens plus très bien
Pourquoi je prends cet Egyptien
Pour un bon Mexicain ?
A caus' de leurs trucs en commun :
Leurs vieilles pyramides
Ou leur muraille entre voisins
Hostile et fratricide ?

J'ai la mémoire qui flanche
J'me souviens plus très bien
Ni du prénom du pharaon
Ni, l'autre, de son nom
Ils m'appelaient, j'les appelais
Comment s'appelait-on ?
Avant, c'est vrai, moi je pouvais
Les app'ler par leur nom...

J'ai la mémoire qui flanche
J'me souviens plus très bien
Parait qu'ça ne tourne pas rond
Au pays de Macron ?
Fallait voter pour Mitterrand
Continuer comme avant
Faut pas virer les vieux jetons
Pour un oui, pour un non.

J'ai la mémoire qui flanche
J'me souviens plus très bien
Qui j'ai rencontré à Bruxelles
Helmut Kohl ou Merkel ?
Pendant qu'ils me, pendant que je
Parlais de la planète
Leurs beaux discours, leurs petits jeux,
M'ont fait tourner la tête.

J'ai la mémoire qui flanche
J'me souviens plus très bien
Y a personn' pour me remplacer
Personn' s'est proposé ?
Si c'est pas moi, ce serait lui ?
Y a donc que moi ou lui ?
Dans ce cas-là, ou bien c'est cuit,
Faut qu'je reste où je suis !

J'ai la mémoire qui flanche
Mais ça je le sais bien
Avec Trump à la Maison Blanche
Je ne réponds de rien
On reverrait tous ces guignols
Prendre le Capitole
Et le monde ferait demain
L'cauch'mar américain !

28 janvier 2024

N° 291 - Les Sages et les Immortels

Pardonnez-moi, je perds mon temps et le vôtre en ressassant de vieux souvenirs et feuilletant d’antiques dictionnaires. Que voulez-vous, je commence à me faire vieux, peut-être même à radoter ?

 

J’entends à la radio Laurent Fabius. Il est beaucoup question de lui ces jours-ci, de lui et du Conseil Constitutionnel qu’il préside. Je tends toujours une oreille curieuse et attentive, sans doute un rien complaisante, à ses propos. Il faut dire que nous sommes de vieilles connaissances. Nous ne nous sommes, à vrai dire, rencontrés qu’une fois, une seule, mais je me souviens de lui avoir serré la main, la main gauche. Pas pour marquer une affinité partisane mais parce que ma droite serrait fermement le col d’un sac-poubelle. Il venait d’installer son pied-à-terre dans l’immeuble qu’habitait un mien beau-frère et c’est au vide-ordures que nous nous sommes croisés. Je doute cependant qu’il s’en souvienne : cela doit bien faire 45 ans. Ce jeune Parisien des beaux quartiers venait d’être élu au conseil municipal de... Grand-Quevilly. J’y avais, moi, vécu longtemps et y avais toujours mes parents. D’ailleurs le nom de ma maman lui dirait peut-être encore quelque chose. Elle resta, des années durant, invitée au banquet du personnel de la mairie, même après que mon père, qui en avait longtemps été le secrétaire général, soit décédé. On lui réservait une place d’honneur, à la droite de celui qui était devenu député, puis président du conseil général, puis premier ministre. Une place qu’elle aurait volontiers et modestement laissée à une autre. Tout en se pomponnant pour l’occasion elle bougonnait : je me demande de quoi je vais lui parler, je ne sais plus quoi lui dire ! Sans doute lui donnait elle simplement des nouvelles de ses enfants. Les plus jeunes ont son âge...

Mais, trêve de nostalgie, j’entends donc Laurent Fabius. Il fait une courte leçon d’étymologie dans l’espoir de mieux faire comprendre le rôle de son institution. Justement : institution, de même racine latine que constitution. Le recours au latin ne saurait surprendre de la part d’un Fabius. Constitution : mot formé à partir de statuere, qui signifie mettre en place, fonder, construire et de cum, avec. La Constitution, explique Fabius, c’est ce qui nous fait tenir ensemble, nous, les Français. Pardonnez-moi d’être sérieux deux minutes, mais j’ai trouvé que cela valait la peine d’être répété quand d’aucuns réclament d’en changer sous prétexte que d’autres en font un mauvais usage. Notre pays est de composition diverse, mais la constitution y met du ciment. Il vaut mieux être de constitution solide, c’est un gage de bonne santé. 

Remarquons en passant combien nous avons de mots, riches de signification et de nuances, dérivés du latin statuere. C’est affaire de préfixe. Constituer donne du sens et de la stabilité. Instituer établit de façon durable. Destituer retire ou révoque. Restituer rend ou remet en état. Avec sub on remplace. Avec pro on expose, on met en avant... mais le sens en a pas mal évolué depuis les Romains ! Heureusement, s’agissant de loi, on utilise maintenant plutôt le verbe promulguer. D’après le dictionnaire de l’Académie française ce mot est lui aussi emprunté au latin. Promulgare, signifiant faire sortir en exprimant, puis publier, était composé à partir de pro, en avant, devant, et de mulgere, traire. Je crois voir M. Macron tirant laborieusement sur tous les pis possibles, de l’Assemblée, du Sénat, de la rue de Montpensier, pour obtenir d’en faire sortir une loi. Je vois aussi qui en boit le petit lait...