26 mars 2024

N° 293 - Bulletin de chanté

J'attends à la radio (vous l'avez ?) j'attends à la radio qu'on me scrute aux rayons X (là, on ne précise pas : ex-Twitter). J'enchaine depuis Noël les visites à l'hosto et au labo. Rien de grave, à ce qu'on me dit : c'est seulement fatal, à mon âge... Encore faut-il s'entendre sur le sens qu'on donne au mot fatal. Les mots sont essentiels. J'en découvre de nouveaux à chaque examen, chaque intervention, qui ne sont pas tous définis dans mon Lexis. Alors j'essaie de me faire une idée de ce qu'ils cachent.

Tout a commencé par des épisodes de tachycardie. La, la, la la la, chantait à peu près Montand,
Dir' que ce mot me semblait vieillot,
Aujourd'hui il me semble nouveau,
Et puis surtout c'était toi et moi,
Ces deux mots ne vieillissent pas.
Souviens-toi on parlait de tachycardie
A la pause entre deux rock'n'roll
Tous les deux, amoureux, nous avons dansé
Tant de chos's aux cadences folles...

Cela m'a valu une coronarographie. Six syllabes c'est déjà difficile à prononcer, mais une en A entre trois en O, j'ai du mal... C'est l'un des plus longs de nos cent-trente-et-un mots en "ographie". Le plus fort c'est que coronographie, plus simple et plus court, existe aussi. Même les cardiologues s'y perdent ! Je me permets de citer l'Institut de France et sa Fondation Recherche Cardio-Vasculaire : "Qu’est-ce que la coronographie ? La coronarographie est l’examen qui consiste à faire une radiographie filmée de vos artères coronaires". Mais, voilà, les astronomes prétendent s'en réserver l'usage pour étudier les étoiles, leurs éclipses et leurs comètes. A mon avis le risque de confusion est faible. Encore que Jean-Jacques Lafon, un chanteur devenu médecin, chantait jadis :
Fais valser mon cœur dans les étoiles
Autour des feux de la Saint-Jean
Pour chacun de nous brille une étoile
Pour toujours dans la nuit des temps...

Mais ce n'est pas tout : le compte-rendu de mon dernier examen qualifie au passage mon abdomen de pléthorique. Sans faire de rhétorique je trouve ça excessif et désobligeant. 

Va pour arrondi, renflé peut-être... Mais pas pléthorique tout de même ! Pourquoi pas pansu, distendu, boursouflé tant qu'on y est ? Ou, pis encore, bedonnant, ventripotent, apoplectique ? Voire gidouillant, façon Père Ubu ? 
La bedaine, la bedaine
Ca voulait dire
On est heureux
La bedaine, la bedaine,
Quand on mange deux jours sur deux...

J'y lis aussi que je ferais preuve d'un peu d'hépatomégalie. Est-ce à dire que j'aurais tout simplement, modestement - rien de mégalo là-dedans - un point commun avec les oies grises des Landes, celles que l'on gave de Périgord en Chalosse ? 
Et bien puisqu'il parait que tout me rappelle, toujours, une vieille chanson, en voici une dernière, de Frédéric Mistral (ça vous épate ?) : "O Megali !" (vous l'avez ?)

- Oh! mai, se tu te fas pescaire,
Ti vertoulet quand jitaras,
Iéu me farai l’aucèu voulaire,
M’envoularai dins li campas.

- O Magali, se tu te fas
L’aucèu de l’aire,
Iéu lou cassaire me farai,
Te cassarai.

- Si tu prétends aussi me suivre
Quand tu jetteras tes filets
Je me ferai oiseau rapide
Par la lande m'envolerai

- O Magali si tu te fais
Une oie sauvage
Chasseur à mon tour deviendrai,
Et te chasserai !


Je remercie pour ce billet... genre "On connait la chanson" :
- D'abord Alain Resnais pour ce film (1997)
- Puis Haydn Wood et Frederic Weatherly pour la version originale de "Roses of Picardy" (1916)
- Sydney Bechet pour sa version jazzy (1954, https://www.youtube.com/watch?v=iUcW677LqpQ)
- Yves Montand pour la sienne, plus langoureuse (1981, https://www.youtube.com/watch?v=hm9lLbQjQSk)
- Jean-Jacques Lafon pour "Le cœur dans les étoiles" (1987, https://www.youtube.com/watch?v=jt5GEY57pno)
- Alfred Jarry pour sa pièce "Ubu roi" (1895)
- Charles Aznavour pour "La bohème" (1966, https://www.youtube.com/watch?v=fVfnEyLOkrM)
- Et le grand poète de langue d'oc, Frédéric Mistral, un félibre, pour "O Magali" (1855) chantée par Adrien Legros (1930, https://www.youtube.com/watch?v=HHzOCKtaGTQ).

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