28 janvier 2024

N° 291 - Les Sages et les Immortels

Pardonnez-moi, je perds mon temps et le vôtre en ressassant de vieux souvenirs et feuilletant d’antiques dictionnaires. Que voulez-vous, je commence à me faire vieux, peut-être même à radoter ?

 

J’entends à la radio Laurent Fabius. Il est beaucoup question de lui ces jours-ci, de lui et du Conseil Constitutionnel qu’il préside. Je tends toujours une oreille curieuse et attentive, sans doute un rien complaisante, à ses propos. Il faut dire que nous sommes de vieilles connaissances. Nous ne nous sommes, à vrai dire, rencontrés qu’une fois, une seule, mais je me souviens de lui avoir serré la main, la main gauche. Pas pour marquer une affinité partisane mais parce que ma droite serrait fermement le col d’un sac-poubelle. Il venait d’installer son pied-à-terre dans l’immeuble qu’habitait un mien beau-frère et c’est au vide-ordures que nous nous sommes croisés. Je doute cependant qu’il s’en souvienne : cela doit bien faire 45 ans. Ce jeune Parisien des beaux quartiers venait d’être élu au conseil municipal de... Grand-Quevilly. J’y avais, moi, vécu longtemps et y avais toujours mes parents. D’ailleurs le nom de ma maman lui dirait peut-être encore quelque chose. Elle resta, des années durant, invitée au banquet du personnel de la mairie, même après que mon père, qui en avait longtemps été le secrétaire général, soit décédé. On lui réservait une place d’honneur, à la droite de celui qui était devenu député, puis président du conseil général, puis premier ministre. Une place qu’elle aurait volontiers et modestement laissée à une autre. Tout en se pomponnant pour l’occasion elle bougonnait : je me demande de quoi je vais lui parler, je ne sais plus quoi lui dire ! Sans doute lui donnait elle simplement des nouvelles de ses enfants. Les plus jeunes ont son âge...

Mais, trêve de nostalgie, j’entends donc Laurent Fabius. Il fait une courte leçon d’étymologie dans l’espoir de mieux faire comprendre le rôle de son institution. Justement : institution, de même racine latine que constitution. Le recours au latin ne saurait surprendre de la part d’un Fabius. Constitution : mot formé à partir de statuere, qui signifie mettre en place, fonder, construire et de cum, avec. La Constitution, explique Fabius, c’est ce qui nous fait tenir ensemble, nous, les Français. Pardonnez-moi d’être sérieux deux minutes, mais j’ai trouvé que cela valait la peine d’être répété quand d’aucuns réclament d’en changer sous prétexte que d’autres en font un mauvais usage. Notre pays est de composition diverse, mais la constitution y met du ciment. Il vaut mieux être de constitution solide, c’est un gage de bonne santé. 

Remarquons en passant combien nous avons de mots, riches de signification et de nuances, dérivés du latin statuere. C’est affaire de préfixe. Constituer donne du sens et de la stabilité. Instituer établit de façon durable. Destituer retire ou révoque. Restituer rend ou remet en état. Avec sub on remplace. Avec pro on expose, on met en avant... mais le sens en a pas mal évolué depuis les Romains ! Heureusement, s’agissant de loi, on utilise maintenant plutôt le verbe promulguer. D’après le dictionnaire de l’Académie française ce mot est lui aussi emprunté au latin. Promulgare, signifiant faire sortir en exprimant, puis publier, était composé à partir de pro, en avant, devant, et de mulgere, traire. Je crois voir M. Macron tirant laborieusement sur tous les pis possibles, de l’Assemblée, du Sénat, de la rue de Montpensier, pour obtenir d’en faire sortir une loi. Je vois aussi qui en boit le petit lait...




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