14 mars 2017

N° 180 - Vous chantier ?




J'entends à la radio qu'on n'en finit pas avec le prétendant que vous savez. Voilà maintenant qu'il se faisait offrir de riches costumes... Pire, il semble que les poches en étaient cousues, s'il est vrai qu'il se faisait reverser l'argent destiné à celles de ses enfants. Comme disait Molière : "Que la peste soit de l'avarice et des avaricieux" !
Tiens, à propos de Molière et puisqu'on en clause, je passais hier devant le chantier de construction d'un nouvel immeuble. J'y ai surpris une conversation entre Tartufo, le conducteur de travaux, probablement d'ascendance lombarde, et Hocine, un beur, le chef de chantier. J'en suis resté bouche bée. J'avoue que de mon temps d'ancien du BTP on était loin de s'exprimer aussi bien. Jugez plutôt.

Tartufo, parlant bas à son adjoint, dans l'algeco, quand il aperçoit Hocine
Laurent, avant ce soir il faut que tu peaufines
Ce rapport : fais le donc en vers, comme Racine !
Si l'on vient pour me voir, je suis sur le chantier
Où je vais écouter parler les terrassiers. ¹

Hocineà part
Que de prétention et de coquetterie !

Tartufo
Que me veux-tu ?

Hocine
Vous dire...

Tartufo tirant un plan de sa poche.
                   Ah mon cher ! Je t'en prie
Approche-toi plus près, parle sans t'émouvoir.

Hocine
Pardon ?

Tartufo
         Vois ce dessin, j'ai besoin de savoir :
Ces gens venus d'ailleurs que tu prends à l'essai
Savent-ils lire un plan, où tout est en français ?

Hocine
Vous êtes donc bien prompt à la suspicion
Et vous croyez ces gens sans éducation...
Ce bétonneur syldave était là bas un ponte
Des services publics, à ce que l'on raconte,
Et ce coffreur poldève, on ne le dirait pas,
Pourrait être ingénieur : il était en prépa.

Tartufo
Mets dans tes beaux discours un peu moins d'empathie !
Est-ce que le français au moins ils balbutient ?

Hocine
Sachez qu'ils font bien mieux et tiennent des propos
Qui méritent je crois qu'on tire son chapeau.
D'ailleurs dans un instant, si rien trop ne vous presse,
Ils ont un examen par Madame Pécresse. ²

Tartufo
Parbleu ! Très volontiers.

Hocineà part.
Comme il se radoucit !                                                           
Ma foi, je suis toujours pour ce que j’en ai dit.            

Tartufo
Viendra-t-elle bientôt ?
                                     
Hocine
                 Je l’entends, ce me semble.                                                    
Oui, c’est elle en personne, et je vous laisse ensemble.        


Vous vous rendez compte ? Jusqu'à cette façon de marquer la diérèse des diphtongues : prétenti-on, suspici-on, éducati-on ! Un vrai régal... Ah, cette "clause Molière" qui veut qu'on ne parle qu'en bon français sur les chantiers, vraiment quel progrès !



Notes
1.    Les connaisseurs auront identifié le détournement (en conservant la sonorité des rimes !) de la scène 2 de l'acte III du Tartuffe de Molière. Voir par exemple : http://moliere.gueuledebois.net/Tartuffe/LeTartuffe_3_2.html.

2.    Plusieurs conseils régionaux ont adopté la "clause Molière" visant à imposer l'utilisation de la langue française sur les chantiers de BTP. Après les Pays de la Loire, les Hauts-de-France et la région Auvergne-Rhône-Alpes, c'était le 9 mars au tour du Conseil régional d'Ile-de-France présidé par Valérie Pécresse (LR) de faire appliquer cette mesure. Pour en savoir un peu plus long voir par exemple : http://www.liberation.fr/france/2017/03/14/la-clause-moliere-tient-elle-la-route_1555421





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