6 janvier 2013

N°96 - Pépètes


   J'entends à la radio que notre pays a maintenant son pétaflop. Quelques initiés étaient déjà au parfum ou avaient eu vent de la chose, mais cela n'a rien à voir avec les (d)étonnantes révélations dont l'excellent François Morel s'était fait l'écho il y a trois semaines (même si elles… émanaient d'un nouveau citadin de Pétaouchnok) (1).

   Un pétaflop c'est la puissance de l'ordinateur qui est depuis peu à la disposition du CNRS et du Ministère des Finances (2). C'est grâce à cet outil d'une capacité phénoménale que les experts de Bercy ont pu concocter leurs dernières innovations fiscales. C'est lui qui leur a permis de sortir, en quelques semaines à peine, le mode de calcul de la taxe à 75% des tranches de revenu au-delà du million. Avec un pétaflop on peut, en effet, faire jusqu'à un billiard d'opérations par seconde ! Amis lecteurs, je vous entends grommeler qu'il ne faut pas vous prendre pour des billes et que vous savez, depuis longtemps, que péta égale un million de milliards. Mais je vous sens plus hésitants sur le flop… Evoque-t-on sur ma droite le retoquage de cette taxe par les sages du Conseil Constitutionnel ? Vous n'y êtes pas. Flop signifie floating point operation, id est : opération à virgule flottante. Là, je décèle comme qui dirait… un flottement.

   Chacun comprend pourtant que calculer avec des virgules fluctuantes, mobiles et instables, c'est encore plus coton que d'estimer les trois quarts de, on-va-dire, deux cent mille euros, même s'il a d'abord fallu diviser par deux pour un couple. Une virgule baladeuse, ça prend beaucoup plus de temps qu'un nombre entier. Or, souvenez-vous, vous aviez jusqu'ici laissé tomber les chiffres après la virgule dans vos déclarations. Eh bien, c'est fi-ni ! Et c'est pour ça qu'on a besoin du pétaflop. Parce que si les nababs pleins aux as s'en vont nicher dans les boulins tendus de velours rouge des pigeonniers anglais, s'ils se caltent dans les datchas des nouveaux russes ou s'ils nous font coucou depuis les chalets suisses, il va bien falloir faire payer les pauvres. Seulement, voilà, demandez donc à quelqu'un qui n'émarge qu'à un ou deux mille kilo-euros (c'est comme ça qu'on compte quand on a les moyens) ou interrogez son fiscaliste : combien, par an, peut bien gagner un smicard à 9 virgule 43 de l'heure, ou un RSAte à 483 virgule 24 mensuels ? Le malheureux, dépourvu du moindre repère, va vous lâcher la virgule n'importe où. Seul le pétaflop nous garantira la justice fiscale.

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(1) En ce point, pour tout savoir sur les… productions de Depardioff (dont on apprend par ailleurs qu'il a depuis causé "poésie" avec M. Hollande !) il est indispensable de réécouter le billet de François Morel du 14/12/2012 sur : http://www.franceinter.fr/reecouter-diffusions/436631


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