6 novembre 2023

N° 289 - Volare, oh, oh...


Franchement il y a des moments où l’on aimerait pouvoir s’échapper, s’envoler, loin, très loin, à tire d’ailes, haut, très haut, plus haut... qu’un drone.

J’entends à la radio, cela tombe bien, que l’American Ornithological Society va débaptiser des centaines d’oiseaux au motif que leurs noms, qui les associent à des personnages maintenant controversés, pourraient être offensants. Les exemples que j’entends ne donnent pas l’impression que ce sont les oiseaux qui pourraient se vexer: ils ne sont pas en cause... au contraire de ceux dont on échange parfois les noms d’un banc à l’autre du Palais Bourbon.

Il est vrai qu’on ne se méfie pas assez, qu’on ne sait pas toujours à qui l’on a affaire, même parlant d’oiseaux. Tenez, le fou de Bassan : c’est qui ce Bassan, à quel point peut-il être dangereux ? Prenez le Jean-le-Blanc du circaète : est-ce qu’il est vraiment blanc comme neige, plus blanc que blanc, sans rien à cacher ? Et le bécasseau Bonaparte, qu’est-ce qu’il a à voir avec ce grand manchot qui ne révèle même pas le nom de son empereur ? Quant aux deux copines qui marrainent le faucon d’Eléonore et la mouette de Sabine, va savoir si ce sont des personnes bien comme il faut... C’est sûr, il faudrait tout vérifier, tout expurger...

L’un des premiers visés par l’AOS serait un puffin, l’Audubon’s shearwater, un bel oiseau de mer qui aime planer au ras des flots des Caraïbes, fendre l’eau du bec pour saisir un poisson sur un battement d’ailes et ne retourner nicher sur son ilot qu’à la tombée de la nuit. Mais ce n’est pas au puffin que s’en prend l’AOS, c’est à Jean-Jacques Audubon, un breton devenu américain du temps de Napoléon, un aventurier romanesque qui, trente ans durant, traqua les oiseaux de l’Amérique du Nord pour les observer, les décrire et les peindre avec le plus grand talent. 
Je n’en savais rien avant de découvrir, à Key West où il avait séjourné, de superbes planches exposées dans une maison coloniale aux vastes ''porches'', aux larges galeries ouvertes sur un jardin tropical de rêve... 

Mais il parait qu’Audubon employait des esclaves dans la plantation qu’il laissait gérer à sa compagne tandis qu’il poursuivait, lui, d’Appalaches en bayous, de Floride en Rocheuses, la crécerelle et le balbuzard. On dit aussi qu’il avait la gâchette du long rifle un peu facile pour se fournir en modèles, dont il ne tirait pas seulement le portrait. Sans compter, c’est vrai, des origines pas très claires et des faux papiers d’immigré clandestin. Bref, laissons l’AOS trouver à son puffin un prête-nom plus politiquement correct. Oublions Audubon.... D’autant, je l’avoue, que je ne puis m’empêcher d’associer à son patronyme une fameuse réclame : dubo, dubon, dubonnet... tout en ayant bêtement en tête un refrain enfumé : j’en ai du bon et puis du bon et puis du bon, bon...

Allez, on redescend, on se pose...


Qui a soufflé qu'il ne faudrait pas jeter un couffin de poussins de puffin avec l'audubon ?

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