J'entends à la
radio qu'il y aura bientôt plus de modèles d'attestation dérogatoire que de
variants du virus ! Tenez, le voisin du troisième, qui s'est réfugié dans le
Cotentin : quand le garde-champêtre l'a interpellé, il lui a tendu un acertainement
dérogatouère(1) pouor se
déhalaer, où il câotioune qu'i sort sa maisoun pouor
allaer travailli ou en rev'nin ou acataer de la mâquâle dauns des magasins
qu'ount le dreit de faire coumerche. Et la mamie du même palier, partie à
Tréguennec ? Elle n'oublie pas son testeni dilec'hian quand elle fait ses
dek c’hilometr hed tro-dro d’an ti-annez d’ar muiañ en vélo. Et, moi qui
vous cause, je connais personnellement une jeune agronome maintenant alsacienne(2)
qui ne s'éloignerait certainement pas de Schiltigheim sans son bewiis-zettel
fer im notfall ùsszegehn.

Ah, la Bretagne, les Vosges, et
le midi bien sûr, ça fait rêver.... Mais sait-on ce qu'on pourra vraiment faire
cet été ? Nous, au moins, pauvres vaccinés coincés ici, on ne pourrait pas nous
lâcher un peu la bride ? Même s'il nous faut porter un insigne, un badge qui
rassure tout le monde. Une cocarde, pourquoi pas, comme les conscrits d'antan, épinglée
du côté où on a été piqué. Avec trois anneaux, trois couleurs qui diraient tout
sur notre tranche d'âge, sur le type de vaccin et le nombre de doses. Une fois étiquetés
on pourrait alors moduler pour nous les restrictions, entrouvrir un peu les barrières,
nous laisser partir, gagner d'autres cieux, d'autres régions... A tout hasard j'ai
mis de côté la testacion
derogatoria de desplaçament valable en Occitanie et tout ce que j'ai pu trouver comme
laissez-passer en basque, en ch'ti, en catalan et même en corse et en créole. Pour
traverser ces départements sans être repérés nous avons dans la boite à gants un
jeu de 101 stickers à coller sur notre plaque(3). On ne sait jamais
: un·e
gendarme
soupçonneu·x·se(4)
pourrait vouloir vérifier quelle langue on parle dans le département de notre matricule.
Et même contester notre légitimité à lire et traduire notre sauf-conduit(5).
Au pire nous risquerions, les mains sur le capot et les pieds écartés, qu'iel (!)
ouvre notre coffre, vide nos sacs et nous identifie d'après leur contenu comme d'inoffensifs
déloyaux-yvelinistes, vaguement biblio-boulistes mais obstinément
balado-gépéessistes...
Hé
! Ho ! Nous voilà différenciés, catalogués, étiquetés de partout ! Pauvre
Président qui nous exhorte : "Faisons bloc, restons unis et solidaires"...
(1)
Disponible sur
internet, et légale ! (https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement/couvre-feu-des-attestations-derogatoires-de-deplacement-en-langues-regionales_4353099.html)
(2)
Ca, c'est juste entre
nous.
(3)
Je sais, ça n'est
pas permis : on peut mettre le numéro de son choix, mais il ne faut plus en
changer !
(4)
Il faut le savoir
: le féminin de gendarme, c'est gendarme, pas gendarmette. Mais faudra-t-il
vraiment écrire comme ça ?...
(5)
Le genre de questions
soulevées à propos des poèmes d'Amanda Gorman (https://www.franceculture.fr/emissions/lhumeur-du-matin-par-guillaume-erner/lhumeur-du-jour-emission-du-lundi-08-mars-2021)