18 mai 2020

N° 239 - Les Métamorphoses (Covid et al.)


J'entends à la radio que de savants experts observent que l'utilisation quotidienne et intensive du smartphone entraîne une déformation progressive de nos yeux. Je m'attendais à apprendre qu'ils deviennent rectangulaires puisqu'ils ne regardent plus le monde qu'à travers des écrans de cette forme. J'étais préparé à distinguer les téléphiles, aux yeux 16/9 à grands côtés horizontaux, des iPhonaddicts aux quinquets deux fois plus hauts que larges. En fait les ophtalmos notent surtout qu'à ne pas regarder plus loin que le bout de notre nez collé sur l'écran, nous sommes de plus en plus myopes, et ce de plus en plus tôt, à mesure que nos globes oculaires s'ovalisent 1.

Les anatomistes qui surveillent nos mains constatent de leur côté que nos pouces, à force de balayer l'écran du mobile, s'allongent, grossissent et prennent du muscle. Ils notent aussi des transformations des doigts qui le soutiennent : les auriculaires s'incurvent, des protubérances osseuses se développent sur les index 2. Moi, qui ne sais taper que d'un doigt sur un appareil posé sur la table, je vois bien que le bout de mon index droit s'élargit en spatule.

Notre espèce évolue... Les contraintes que nous impose maintenant la pandémie provoquent de nouvelles mutations. Le port du masque à élastiques a déjà largement décollé nos oreilles. Depuis qu'ils n'ont plus lieu de sourire nos zygomatiques s'atrophient. Comprimés, nos blairs ont commencé à raccourcir. Le processus est déjà très avancé au Japon : il suffit pour s'en convaincre de comparer les nez longs et pointus des geishas des estampes aux petites truffes rondes des tokyoïtes d'aujourd'hui qui, depuis longtemps, masquent leur visage au moindre coryza.

Quelle tête auront les générations futures ? Et quel sera l'effet déterminant : celui de la sélection naturelle, ou celui de l'adaptation des gènes à l'environnement et aux aléas de l'histoire ? J'ai une raison de croire à l'importance de ce dernier facteur. Quand elle était enfant ma mère, en vacances chez une aïeule de Vénesville, un village du Pays de Caux, eut un jour - lors d'une partie de cache-cache - l'idée de se mucher dans le pressoir à cidre, entre la paroi de douves et la grosse vis en bois. Elle racontait qu'un galopin de la bande avait alors fait tourner je ne sais quelle traverse appairée à la vis, qui l'avait frappée, douloureusement on s'en doute, sur le côté du nez. C'est à cela qu'elle attribuait une très légère dissymétrie, que nous n'aurions jamais remarquée sans cet aveu. Et pourtant... Je suis personnellement affligé d'une sinuosité congénitale de la cloison nasale, à laquelle je ne vois pas d'autre explication. Et c'est cette difformité qui me fait, je l'ai déjà dit 3, appréhender l'introduction éventuelle dans mes narines, tant à droite qu'à gauche, de longs écouvillons de dépistage !






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