5 mars 2020

N°234 - La vie en rose


J'entends à la radio que les octogénaires (dans mon genre) ne sont pas les mieux lotis face à l'épidémie... Qui sait si, une fois l'angoisse retombée, on n'en fera pas une fable ?

Un mal engendrait la stupeur,
Mal dont à l'Institut Pasteur
On n'avait point encor découvert le vaccin.
Virus Covidixneuf (c'était son vilain nom)
Faisait courir les gens, rongés d'appréhension,
En foule chez le médecin.
Ils n'en souffraient pas tous, mais tous étaient inquiets
Ne trouvant chez les boutiquiers
Plus rien pour subsister. Un vent de pénurie
Mettait les chalands en furie ;
A distance on se saluait,
Sans se toucher du bout d'un doigt ;
Les amoureux se repoussaient
Sans un baiser, saisis d'effroi.

Les docteurs proclamaient : "Contre la contagion
Il n'y a qu'une solution.
Si désormais, chacun, chacune,

Nous demeurons cloîtrés chez nous
Volets clos, porte close, à l'abri des verrous,
Peut-être on obtiendra la guérison commune"...

On ne travailla plus dès lors qu'à domicile.
La chose était assez facile :
On pouvait tout traiter avec l'ordinateur
Comme unique interlocuteur.
Que l'on fût écolier ou que l'on fût parent
Les yeux rivés à son écran
On ne quitta plus son logis.
Les heures s'écoulaient sans qu'on ne vît personne
Qu'au smartphone.

Il fallut cependant, mais sans démagogie,
Qu'on s'occupât là-haut un peu de l'intendance.
Le Préfet dit vouloir, selon toute justice,
Qu'aucun affamé ne périsse
(En gardant toutefois un œil à la dépense).
Tout village ou quartier eut donc un préposé
Chargé des commissions, qu'il venait déposer
Aux portes des foyers. On comptait bien trois heures,
Le temps que le microbe meure*,
Avant de toucher aux panières.
Il portait aussi les poubelles
Aux points de collecte éventuelle
Sans rechigner et sans manières.

On avait désigné pour ces tâches ingrates
La crème des anciens, les meilleurs, qui se flattent
D'avoir, après l'âge pivot,
Nantis d'une pension d'un suffisant niveau,
Mis en défaut la statistique
Qui prétend qu'au-delà d'un âge fatidique
On ne saurait longtemps frimer ni se vanter
De sa forme et de sa santé.
Ces bons vieillards avaient tiré tant de profit
De la sécurité sociale
Qu'ils pouvaient en retour avec philosophie
Assumer ces missions triviales !

Et si, vaincus, ils succombaient à la virose*
Ce n'était après tout que dans l'ordre des choses...



* Sans garantie...

* Attendre jusque là pour justifier le titre !!...

1 commentaire:

  1. Désolé, je n'ai toujours pas trouvé le moyen de déverrouiller l'accès aux commentaires...
    A défaut j'en copie ici quelques uns reçus par mail :

    - "Il faut oser le faire, de vie en rose à virose, après avoir goûté à tant de vers. Je m'en suis mis à tousser, crachoter même. Le virus serait il aussi transmissible par la littérature ?"
    - "Un faux bruit court que le coronavirus a été sciemment créé pour débarrasser le monde du 4eme âge, voire du 3eme. Il y aurait paraît-il beaucoup d'avantages à cela : une baisse de la population mondiale galopante et donc de pénurie alimentaire, un soulagement pour les caisses de retraite, un apport pour le fisc (les droits de succession), un essor de la profession de baby-sitter, des emplois pour remplacer les bénévoles, etc...
    Et surtout plus de témoins de ce que furent les heures de gloire du développement social !"
    - "Je me permets une chose entendue mardi sur les ondes. Savez-vous à quel âge nous serions les plus heureux, selon un sondage très sérieux ? 82 ans !!! Serait-ce le coronavirus qui nous rendrait heureux ?"
    - "Sachant que, comme j’en discutais avec des gens de chez M. ce matin, il faudra aussi des gens pour fabriquer, produire tous ces vivres et médicaments... ça fera beaucoup d’autres opportunités d’emploi pour les retraités ! Bonne nouvelle non ?"

    Merci à tous pour ces clins d'oeil !

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