Et pourtant, alouette, gentille
alouette,
"Sitôt que tu es arrosée
Au point du jour, de la rosée
Tu fais en l’air mille discours
En l’air des ailes tu frétilles
Et pendue au ciel tu babilles
Et contes aux vents tes amours
[…]
Lors je dis
: Tu es bien heureuse
Gentille alouette amoureuse
Qui n’as peur ni soucis de rien…"
(Pierre de Ronsard)

Foutue pour foutue, ignore les
cossards qui attendent béatement que tu leur tombes en piqué dans le bec, sans le moindre
apprêt, mais toute rôtie. Oublie les cuistots de Pithiviers qui te bourreraient de
farce avant de te fourrer en douzaine bien tassée dans une tourte feuilletée. Et
méprise les gargotiers de Provence qui osent façonner des alouettes sans tête où
n'entrent que du bœuf et du veau !
A la rigueur laisse-toi tenter
par ce fameux pâté du sud-ouest qui te doit sa renommée. Même si, on le sait
bien, il ne contient pas uniquement de l'alouette. Il me fait penser aux confitures
de mûres que cuisait ma maman. Ces mûres qu'on allait cueillir aux ronciers de
la lisière du Madrillet*, ces
mûres dont le jus s'écoulait lentement du torchon suspendu comme un sac aux
barreaux d'une chaise juchée sur des livres empilés sur la table de la cuisine.
La recette était simple : "livre pour livre". Une livre de sucre pour
une livre de fruits, à parts rigoureusement égales. Exactement comme pour le
pâté d'alouette de Castelnaudary : une alouette, un cheval, à parité parfaite.
Voilà qui est honnête et clair. Dans la terrine, rien d'autre qu'une petite alouette
soigneusement désossée et un bon gros cheval de trait bien costaud ; et qu'importe
après tout s'il est arrivé de Roumanie en pièces détachées.
Il est des enseignes et des emballages
ornés d'un rouge-gorge plus écarlate qu'un cardinal**. Quelle
chaine de grande distribution prendra pour emblème l'humble et modeste alouette
des champs ? Et sera la première à nous mener en gondole, avec des moussakillons
en barquette, des canneloniettes, des lasagnottes ou des raviolettes…
d'alouette ?
* Pour ceux qui ne connaitraient pas bien l'histoire de Quevilly, c'était à l'époque un "champ d'aviation", où les alouettes n'avaient pas encore d'hélice.
** L'actualité va si vite que je n'ai pas su faire mieux pour passer de l'écurie roumaine à la Curie Romaine…